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The Libertines
Eaves Wilder

Paris, LE CENTQUATRE - 29 février 2024

Live-report par Adonis Didier

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Les Inrocks, vous connaissez ? Mais si, ce petit journal musique et mode qui tente péniblement de survivre à la féroce concurrence de Sound of Violence, concurrence faite de chroniques aiguisées comme une lame et pointues comme un couteau. Enfin bref, dans l'espoir de concurrencer le Very Good Trip Festival sponsorisé Sound of Violence, Les Inrocks reviennent une nouvelle fois avec Les Inrocks Festival, cette fois-ci au CENTQUATRE, vaste halle et ensemble d'installations culturelles sur plusieurs étages, située dans le 19ème arrondissement de Paris, deux rues au-dessus du bassin de la Villette. On vous épargne la soirée Lucie Antunes et la Carte Blanche à Etienne Daho, on vous laisse débattre sur le forum des concerts toulousains, nîmois, et lillois, et on attaque par une longue, très longue queue à l'entrée du CENTQUATRE pour l'arrivée des Libertines, et non personne n'a descendu un pantalon pour obtenir l'info.

Une file d'attente atteignant quasiment le bassin de la Villette, et au bout de quinze minutes sur le pavé la découverte que je suis décidément un bizut, à la vue de la file « invitations » parfaitement vide, et de surcroît obligatoire pour obtenir son pass journaleux. Une fois à l'intérieur, une ambiance de festival remplie de foodtrucks, d'expositions photo, et autres activités Instagrammables en pagaille, jusqu'à déboucher dans la grande halle du CENTQUATRE (je sais que vous criez dans votre tête à chaque fois), construite en 1874 dans un parfait style « gare d'Austerlitz » afin d'abriter le service municipal des pompes funèbres de Paris. Un lieu chargé d'histoire, comme dirait Stéphane Bern, qui verra ce soir passer quelques cadavres de plus consécutifs au massacre auditif organisé par la première partie Eaves Wilder, en collaboration avec l'acoustique du lieu.


Une esthétique loli, des jeunes filles ne dépassant sans doute pas la vingtaine, de la pop-grunge comme en font beabadoobee et Viji, une voix nasillarde, aigre, et occasionnellement fausse, tout était réuni pour laisser le public des Inrocks perplexe, ce qui n'a pas manqué au vu des croisements de regard circonspects, cachés derrière des lunettes à monture épaisse surmontant un petit verre de blanc. Dur dur d'être un jeune groupe qui fait du teenage rock dans un hall de gare face à deux mille personnes, et dur dur d'être un journaliste devant tempérer ses punchlines malgré les oreilles qui saignent et la rétine qui souffre. Tout ça pour dire qu'on attendra un vrai bon album d'Eaves Wilder avant d'y retourner, enfin ça ou un petit billet, parce que l'inflation touche même le petit verre de blanc.


Sur ces bonnes paroles, l'heure sonne et nous dit d'avancer en bon journaliste relou au milieu d'une foule serrée comme dans la ligne 13 du Métro à 19h. Un peu de retard sur l'horaire annoncé, la foule se demande déjà si elle doit caler du temps dans son agenda pour aller enc**** Pete Doherty, pensée malheureusement remplacée par celle suggérant de monter sur scène pour frapper l'humoriste envoyé en pompier chauffeur de salle, histoire de soulager deux mille personnes d'un coup. Cinq minutes de gêne ultime, cringe malaise comme diraient les jeunes, avant que le noir ne se fasse et que ne retentisse « Et moi, et moi, et moi » de Dutronc père.
Un hommage comme une BO de ces Libertines nouvelle génération, chantres de la veste et du béret, envoyant pour commencer un Up The Bracket de dandy mettant déjà la fosse en transe. Une transe nostalgique renvoyant la partie la plus centrale et agitée des participants à leur glorieuse adolescence, et laissant le reste de la foule se remémorer les bons moments en dodelinant doucement de la tête, à la manière d'un certain Pete Doherty. Un phénomène deux salles deux ambiances qui ne fera que s'amplifier tout au long du concert, alors que les agitateurs se lâchent déjà sur Vertigo quand les autres finissent leur (deuxième) petit verre de blanc. Les nouveaux singles passent plutôt très bien, la foule reprenant sans difficulté Run Run Run, Night Of The Hunter, et Shiver, et ce même si on croirait de moins en moins entendre du Libertines, et de plus en plus du Doherty solo. Mais ce qui marche le mieux, vous savez ce que c'est, alors voici What Became Of The Likely Lads. Jouée comme le reste aux deux tiers de la vitesse originelle, on remercie la nostalgie de nous donner des ailes alors que Pete et Carl se roulent des patins dans le micro, pour un début de concert assez mollasson lorsque l'on arrête de remuer dans la fosse.

Une tendance déjà remarquée au Zénith il y a deux ans, pour les vingt ans de Up The Bracket, d'un groupe avec la flemme de se mettre au rythme de 2002. Deux ans plus tard c'est au rythme de 2004 qu'on dit au revoir avec trois bises, posé les doigts de pied en éventail sur un transat, un verre de cognac sur la table basse et un cigare au bec. Can't Stand Me Now et What Katie Did tournent à deux à l'heure, les gens s'embrassent sur Music When The Lights Go Out parce qu'ils n'ont jamais lu les paroles, Carl Barat se prend pour Alex Turner à force de poser et de se reposer, mais vient alors What A Waster, et what a fucking waster ! Une chaloupe de folie sur une mer d'huile, un shot d'adrénaline tiré d'une pulpeuse fiction, et encore une fois on pardonnera tout. Tout pardonner et retomber amoureux, tout pardonner par nostalgie, dans l'espoir de retrouver l'espoir de ce que devaient devenir les likely lads, et nous par la même occasion. Se dire qu'on a toujours quinze ans et la vie devant soi, oublier que Pete porte un béret et chante Mustang devant un silence de mort, chanson inédite qui n'aura convaincu personne, contrairement à la puissance folle de Heart Of The Matter, comme quoi tout n'était pas à jeter sur Anthems For Doomed Youth.


Une relance qui nous pousse toujours plus au centre du tourbillon, quand Death On The Stairs et surtout Time For Heroes relancent la machine à pogo comme si rien n'avait changé en vingt ans. Fin du temps réglementaire, Carl revient seul, guitare à la main pour jouer France, le groupe s'ajoute petit à petit, sort de l'ombre, Gary tape son solo de batterie réglementaire débouchant sur The Good Old Days, chanson prophétique de ce qu'allaient devenir les Libertines à la fin du bal. Et la fin du bal la voici, tout le monde la connaît, tout le monde l'attend, la fosse s'ouvre en grand, capte un maximum de lumière, et couvre la pellicule d'argent et de souvenirs peu objectifs participant une nouvelle fois à la légende des Libertines : Don't Look Back Into The Sun déchaîne le torrent des souvenirs d'enfance et des coups de coude jusqu'à l'extinction des feux, et une révérence bras dessus bras dessous des quatre personnages principaux du soir.

Les haters leurs reprocheront tous leurs torts sans y voir leur magie, les inconditionnels se laisseront aveugler par le feu de joie de la nostalgie, et nous dans tout ça on prend ce qu'ils ont encore à offrir. Car même si ce n'est que pour une nuit, et sans la fougue de leur jeunesse passée, les Jacques Dutronc de la perfide Albion savent encore être libertines, le tout à un prix exorbitant, comme quoi, bien malin qui saura dire qui s'est fait enc**** dans l'affaire.
setlist
    EAVES WILDER
    Daisy Chain Reaction
    Are You Diagnosed?
    Man, We Was Lonely
    Better Together
    I Stole Your Jumper
    Mountain Size
    Won't You Be Happy

    THE LIBERTINES
    Up The Bracket
    Vertigo
    Run Run Run
    What Became Of The Likely Lads
    Night Of The Hunter
    The Boy Looked At Johnny
    Shiver
    The Delaney
    Music When The Lights Go Out
    Can't Stand Me Now
    What Katie Did
    What A Waster
    Mustang
    Heart Of The Matter
    Death On The Stairs
    Time For Heroes
    ---
    France
    Gunga Din
    The Good Old Days
    Don't Look Back Into The Sun
photos du concert
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