Tim Hardin, songwriter maudit de l'Oregon, est l'un des artistes les plus influents de la musique folk des années 60 et 70. Ses chansons furent reprises par les plus grands dont Johnny Cash, Joan Baez, Echo & The Bunnymen ou Paul Weller tandis que sa prestation à Woodstock resta dans les mémoires à travers notamment la vidéo de If I Were A Carpenter. C'est dans cette tradition de reprises de Tim Hardin que s'inscrit la compilation Reason To Believe, réunissant quelques-uns des meilleurs interprètes du moment comme Mark Lanegan, Alena Diane ou Okkervil River.

Si les morceaux originaux de Tim Hardin fleurent bon la musique traditionnelle américaine comme on pouvait en écouter à Greenwich Village dans les années 60, ces reprises par treize groupes différents les font entrer dans le nouveau millénaire avec des réorchestrations contemporaines. Certaines restent fidèles aux arrangements bruts de la guitare folk alors que d'autres y ajoutent une touche synthétique ou pop, mais elles ont en commun de conserver l'intemporalité de ces chansons qui respirent les grands espaces et le sable rouge. Malgré cette variété dans l'appropriation, cette compilation s'écoute comme un disque original étant donné la grande cohérence préservée d'une reprise à l'autre.

Le sommet d'intensité de ce disque est sans conteste atteint par l'américaine Alena Diane, déjà experte des reprises sur l'un de ses albums. Celle de How Can We Hang On To A Dream se déploie toute en langueur, faisant résonner une voix enivrante à la hauteur de celle de Tim Hardin. Une certaine magie cinématographique en ressort, on imaginerait volontiers ce titre dans une Bande Originale de Tarantino dans un désert brulant. Mark Lanegan s'attaque quant à lui à Red Balloon en digne fils spirituel du songwriter. Un ballon rouge orne d'ailleurs la jolie illustration de la pochette. Sa voix profonde et pénétrante prend le pas sur des arrangements old school préservés, Lanegan y insufflant son âme et toute sa prestance. D'autres morceaux dont les arrangements jazzy originaux devenaient poussiéreux sont réarrangés dans des versions psychédéliques ou électro-pop. Les néo-zélandais de The Phoenix Foundation livrent une version planante de Don't Make Promises You Can't Keep rappelant parfois Grizzly Bear alors que les anglais de Diagrams transforment Part Of The Wind avec une vision électro minimaliste.

D'autres londoniens, The Magnetic North, repensent la country vieillotte de It's Hard To Believe In Love For Long avec des nappes synthétiques, des basses audacieuses et quelques chœurs féminins rafraichissants. Le quatuor de Liverpool The Sand Band s'inscrit dans la lignée de Tim Hardin en reprenant Reason To Believe avec des accents bluesy sur fond de cithare psychédélique alors que les violons originaux sont remplacés par un harmonica. Les danois de Pinkunoizu introduisent également un certain psychédélisme rappelant George Harrison avec une reprise de I Can't Slow Down teintée de cordes orientales mystérieuses.
Certains titres sont bien plus fidèles aux originaux comme l'islandais Snorri Helgason, sublimant sa voix juvénile sur Misty Roses ou Okkervil River qui ajoute une texture slowcore sur la paisible et planante It'll Never Happen Again. Les voix féminines s'accordent plutôt bien aux morceaux de Tim Hardin à l'image de la nord-irlandaise Hannah Peel et sa reprise sucrée de la mélancolique Lenny's Tune. Le morceau se voit teinté de xylophones enfantins répondant à une voix adolescente en totale contradiction avec la tristesse de l'originale. La déception reste néanmoins la reprise de If I Were A Carpenter par Smoke Fairies qui ne rend pas hommage à la force de l'originale. Ce titre culte est tamisé en une pop sirupeuse de laquelle ne ressort pas la force du texte déjà magnifié par Johnny Cash.

Reason To Believe est une parfaite entrée en matière dans la musique de Tim Hardin. Ces compositions intemporelles remises au goût du jour plairont aux générations qui ne connaissaient pas cet artiste majeur de la musique folk américaine tandis que les fans y retrouveront un respect dans les adaptations. Tim Hardin n'a pas survécu aux excès des 70's mais reste définitivement dans les mémoires.