Le ciel est... Bon, OK, le ciel n'est ni pourpre ni zébré d'éclairs, il est juste gris et moche, on est fin novembre, la dépression saisonnière est à son comble, bienvenue au Supersonic Records à Paris, ce soir c'est CIEL qui joue, et l'humeur n'est ni à faire des métaphores alambiquées ni à faire des blagues. Le genre de concert qui aurait bien fini sous la couette avec une tisane et un film si, de un, on n'était pas contractuellement obligé d'y aller, et de deux on n'aimait pas ce groupe d'un amour fou depuis maintenant plusieurs années. Un amour qui ne nous aura pas empêché d'être un peu déçus devant le tout premier album du groupe,
Call Me Silent, sorti il y a un mois et qui ne pêchait pas tant par sa composition que par un excès de propreté qui l'empêchait de rentrer dans la tête et dans le lard.

Mais c'est la vie, dans tous les couples il y a des hauts et des bas, alors on brave le froid, la pluie et la dépression pour arriver jusqu'à Bastille et espérer raviver la flamme avec Michelle Hindriks et Tim Spencer. Le duo respectivement à la basse et batterie qui sera pour cette tournée européenne accompagné à la guitare par Nick Bowley, le André Agassi du dream-rock dans sa sublime panoplie bandeau, chaîne en or et chemisette vintage. CIEL, de nouveau trio pour le live, qui rentrent en scène sous les lueurs rougeoyantes du Supersonic Records, ce petit écrin rétro muré de façades d'amplis et d'instruments découpés, aussi découpés que la guitare de Nick Bowley qui mettra tout le premier couplet du concert à bien vouloir fonctionner. Ça part mal mais ça redresse très vite la barre, et on en revient à ce qui manque le plus à ce premier album de la friendzone : une bonne grosse guitare qui tâche.
Astucieusement placés à côté de l'ampli de guitare, on profite à merveille de la surpuissance de
Seeking, Won't Obey et
Hear Me Out, envoyées en éclaireur pour formellement introduire l'album et les seniors du premier rang pogotent pendant
Circles, une belle façon de remercier un groupe qui aura roulé pendant huit heures depuis Amsterdam et bataillé avec son matériel pendant toutes les balances pour offrir à la foule un spectacle à la hauteur de ses attentes. Ce à quoi les mauvaises langues répondront que les attentes n'étaient sans doute pas bien hautes, mais laissons les rageux là où ils sont (dans leur jalousie et pas dans le Supersonic Records) et montons le volume pour profiter au mieux de la bonne vieille
Somebody. Ainsi, le groupe tapera dans presque tous ses EPs pour agrémenter la progression de l'album, et ça valait bien l'enchaînement
Swallowing Your Pride et
Shut In My Body qui casse des têtes avant d'autoriser une respiration trippante et de siffler la mi-temps du concert :
Will I Ever Feel Again et
Hold Onto You.
Michelle range la basse et prend enfin possession de la toute petite scène, je me répète, mais des gros accords de guitare sur cette chanson changent tout, la dynamique est pleine et sublime, les pistes enregistrées s'alignent parfaitement avec la voix de l'enfant la plus ténébreuse des Pays-Bas, et le feeling Massive Attack que le groupe est parfois capable d'atteindre frappe comme jamais. Comme Philippe Katerine, Michelle coupe la basse et remet la basse, retour au dream-rock qui tartine,
Talking On The Phone fait précuire l'air de son refrain,
Far Away remet un peu d'huile sur le feu et la fin du concert nous chante que le plat de résistance est servi.
Naked ressort sublime et rebondissante du tout premier EP
Anxiety de Michelle sous le nom de CIEL, la foule tape dans les mains comme pour demander à réenregistrer cette chanson en bonus Deluxe (svp, c'est pour un ami), avant que le trio
Stay Along, Sail On, Baby Don't You Know et
Thinking Of You ne fasse définitivement décoller la salle.
Pas de gros pogo incandescent comme au Supersonic, le public étant moins jeune et éventuellement moins alcoolisé, mais un enthousiasme qui fait plaisir à voir, d'autant plus quand il s'agit de demander un rappel. Le groupe revient évidemment,
Cruel est hantée comme un album photo fait par un ex il y a quatre ans,
Talk part tellement en sucette que l'ami Nick renverse les lumières et débranche sa guitare dans la folie générale, mais comme toujours avec CIEL tout est bien qui finit bien, sur
Fine Everything. On espérait raviver la flamme et c'est un incendie qu'on a dans la poitrine, appelez les pompiers, CIEL est un groupe à voir absolument si vous avez le dream-rock qui vous colle au cœur et au corps. Le genre de groupe à qui il ne faudrait pas grand-chose pour passer d'une référence ultra pointue et underground à l'un des leaders de l'un des genres les plus en vogue du rock de 2025.
Alors, plutôt que traîner sur internet à lire des chroniques écrites par des rédacteurs éméchés ou par ChatGPT, appelez vos potes, appelez vos cousins, vos cousines, rappelez les pompiers, et dites-leur de prendre une place pour CIEL, parce que le CIEL le leur rendra !