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Transmusicales

Rennes, - 11 décembre 2010

Live-report rédigé par François Freundlich le 13 décembre 2010

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samedi 11
La dernière soirée des Transmusicales confirme le succès du festival qui attire toujours autant de personnes grâce à son nom plus que par son affiche, même si cette dernière est des plus alléchantes en 2010. Pour preuve, la Cité et le Parc des Expositions affichent encore complet en ce samedi.

Commençons tranquillement par la Cité avec les New-Yorkais de Ava Luna, venus avec toute l’essence de la musique américaine dans leur hotte. Carlos Hernandez, sorte de geek aux danses épileptiques, mène de sa voix soul des compositions fusionnant une tradition doo wop ou R&B à une modernité rock. Il est accompagné de trois charmantes choristes qui attirent tous les regards tant le mélange de leurs timbres respectifs est un délice pour l’oreille. Elles ajoutent une touche 60s au son, comme si les Ronettes étaient maintenant accompagnées par des synthés. Le public se prend bien vite au jeu en reprenant les chœurs doucement susurrés par les demoiselles, tandis que Carlos tranche le tout de sa voix puissante.
Recroquevillé sur lui même et essayant de livrer toute la force de sa voix pour son premier concert en Europe, Carlos et son groupe sont en parfaite osmose et transportent Rennes en plein cœur de la Nouvelle Orléans. Lorsque le programmateur Jean Louis Brossard leur demande un rappel, ils ne peuvent refuser malgré le fait qu’ils n’aient plus de chansons en réserve. Carlos revient seul et annonce qu’il jouera une chanson écrite à la fac. Après les rires suit une très belle chanson qui montre tout le talent de ce jeune homme. Ava Luna, un groupe qui, en plus d'être sympathique en partageant énormément avec le public après le concert, restera comme une découverte majeure de l’édition.

 

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Un des groupes les plus attendus du festival entre alors sur la scène de la Cité. On parle énormément d’eux sur Internet et on s’attend forcément à être déçu. Il n’en sera rien puisque Wu Lyf vont être à la hauteur de leur réputation en proposant l’un des meilleurs concerts du festival. Les quatre kids de Manchester s’installent sans trop se préoccuper du public et on est directement marqué par la voix profonde et rocailleuse du chanteur. Assis devant son clavier et tourné vers son batteur, lui-même tourné vers lui, on le sent habité par une ferveur telle qu’on le verrait bien se tordre si ses mains n’étaient pas occupées à faire sonner de savantes et lointaines mélodies. Entre les chansons, il redevient le gamin à l’air un peu gauche qui ne sait pas vraiment quoi dire. On a d’ailleurs l’impression qu’ils évolulent sur scène entre eux, comme s’ils répétaient dans une cave, mais à la seconde ou ils débutent une autre chanson, on retrouve le sentiment d’assister à la naissance d’un grand groupe de rock.
Le guitariste est certes un peu oublié, placé sur la gauche de la scène, mais c’est bien lui qui fait sonner les compositions de manière très particulière entre petites touches aiguës ou explosions tourbillonnantes. Le batteur insuffle également un rythme assez important dans chaque titre, à l’image de l’affolante Split It Concrete Like The Colden Sun God. Peu de chansons de Wu Lyf avaient jusqu'à filtré jusqu'à nos oreilles mais une chose est sûre, il n’y pas de déchet et chaque titre répond à un autre comme de percutants hymnes brit-rock. Le set se termine sur Heavy Pop, visiblement très attendue par des fans déjà présents, peut-être leur meilleur titre sous forme d’explosion finale toute en intensité. Le public, quand à lui, est partagé, décontenancé. Il est sûr que le groupe est moins accessible au plus grand nombre que le précédent mais les amateurs du genre le reconnaitront : les quatre gamins de Wu Lyf referont beaucoup parler d’eux l’an prochain.

 

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Le timing est serré en ce samedi puisque les concerts du Parc des Expositions commencent moins d’une heure plus tard avec Crocodiles ! Ni dans les égouts, ni dans la Vilaine, c’est bien sur scène que les cinq de San Diego vont apporter à distance la réponse américaine à Wu Lyf. Et quelle réponse puisque dès les premières minutes, le son shoegaze envahit le Hall 3. Bien sûr l’attitude arrogante correspond au style musical, les blousons noirs sont sur les épaules et les mains derrière le dos. Quand le chanteur Charles Rowell, caché derrière de grosses lunettes de soleil, se jette sur la scène, sa voix résonnante et monocorde rappelle instantanément les grandes heures de Echo & The Bunnymen ou The Jesus And Mary Chain.
La guitare se fait tremblante et couvre un synthé autant mis à l’écart visuellement que dans le son. On ne peut cependant décemment pas s’arrêter de se trémousser devant l’évidence pop des mélodies et les fans présents aux premiers rangs ne s’y sont pas trompés. Mirrors donne le ton à la danse et l’intensité ne sera que grandissante tout au long du set, sans temps mort. D’un Sleep Forever entêtant à un final dantesque sur Hearts Of Love, sa basse terrassante et son refrain fédérateur, on est tout simplement conquis par les adaptations live du très bon dernier album. Crocodiles tient son rang, caïman génial.

 

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Après ces deux prestations au sommet du rock actuel, on s’avance craintif vers la suite de la soirée qui ne pourra pas rester à ce niveau, ne soyons pas dupes. Le Hall 4 voit la jolie Dominique Young Unique libérer son flow d’une rapidité déconcertante. Sa voix aiguë pourrait prêter à la galéjade et à l’imitation facile d’un rap assez basique, d’autant plus que plusieurs problèmes techniques impliquant le DJ et le claviériste marquent le concert et que la pauvre Dominique se voit parfois obligée de rapper a capella ou de gérer des transitions toute seule. On est néanmoins sous le charme de danses suggestives et d’un galbe de hanche assez agréable. Avec une Dominique peut-être légèrement énervée, le concert est écourté sans qu’on ne le regrette outre mesure.

 

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Petit détour par le Hall 9 où Matthew Dear livre un son froid et inquiétant derrière sa table de mixage. Il est accompagné d’un groupe tentant de réchauffer le hall avec guitares ou trompettes mais on reste dans l’expectative quand à la volonté de la troupe. L’ennui nous gagne rapidement et la décision d’aller voir ailleurs est rapidement prise.
Direction le Hall 5 où The Inspector Cluzo chante I Want To Fuck The Wife Of The French President sur la radio publique. Shocking. Apprécions.
Un peu plus loin, le Hall 3 fait salle comble pour la venue du doyen du festival et légende du rock’n’roll américain : Roky Erickson. Derrière sa barbe fournie et accompagné de son groupe composé de musiciens hors-pair, Roky tient classieusement sa guitare pour en faire sortir le blues-rock le plus poignant. On se croirait au fin fond d’un désert Texan sur une scène perdue dans la poussière, avec un Roky pas poussiéreux pour un sou. Sa voix rocailleuse fait toujours vibrer les âmes, même si en ayant nécessairement subi les dommages du temps. Certaines chansons font déménager les guitares et rouler les basses tandis que d'autres passages laissent l’auditeur un peu plus indifférent. On passe néanmoins de bons moments à remuer sur des tubes qui ont traversé les âges : Roky rocked the Trans.

Il est temps de se diriger vers le grand Hall 9 pour prendre sa dose d’électronique du soir. Depuis hier, j’ai développé une agoraphobie angoissante dés que j’entre dans ce hall et je pense m’en tenir éloigné après avoir vu un des groupes dont j’attends le plus : Pnau. Mais le public bouge tout d’abord son corps avec le DJ fou américain The Gaslight Killer, complètement déchainé derrière sa platine. Ses mouvements ressemblent à ceux d’un pantin désarticulé et il vit pleinement ses mixes. Pour votre serviteur, le grand moment est d’entendre Everything In Its Right Place de Radiohead avec un son si terrassant. S’en suivra un remix de la chanson traditionnelle Mr Sandman de The Chordettes, le DJ chantant par-dessus les paroles originales « Mr Sandman, bring me your bitch ». Un moment inattendu et hilarant.
Passons aux choses sérieuses avec les australiens de Pnau qui reviennent à Rennes après un passage en pré-festival il y a deux ans. Depuis, le chanteur Nick Littlemore s’est fait connaître dans la formation Empire Of The Sun et propose donc de nouveaux titres à paraître sur un prochain album. Les anciens titres sont par la même occasion laissés un peu de coté, tandis que les nouveaux sonnent plus comme une redite de son autre formation. L’efficacité électro de l’album Pnau n’est pas au rendez-vous dans les premiers instants et on a plus l’impression d’assister à une prestation de suiveurs de la hype MGMT, la finesse en moins.

 

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Heureusement on se réveille sur Wild Strawberries (mais sans costume de fraise) et l’enchainement délirant de Come Together et We Have Tomorrow. On atteint le paroxysme de la folie et du jump général sur ces tubes dancefloor tandis qu’on s’ennuie ferme le reste de la prestation. Nick est toujours aussi déchainé, haranguant la foule en parcourant sans arrêt la scène. Le final se fait sur le fameux No More Violence et ses basses vrombissantes. La satisfaction de s’être défoulé sur Pnau est grande, mais on reste sur notre faim, principalement à cause de l’absence d'Embrace de la setlist. Mieux vaut garder en mémoire le souvenir du Pnau de 2008.
Les canadiens de A-Trak enchaînent dans la foulée avec des beats électro au tempo rapide mais il est temps d’aller vers plus de tranquillité avec Mama Rosin dans le Hall 3. Les suisses calment le jeu avec un folk déglingué mêlant banjo et accordéon. Ces Cajun du Lac Léman collent bien à l’ambiance de fête qui règne dans ce hall et les demoiselles goûtent ici-et-là aux joies de la danse en couple.

 

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Rejoignons le Hall 4 où le rasta Gonjasufi attire une foule immense. On en attendait des percées dans le hip-hop et l’électro mais le soufi va livrer un set des plus rock, livrant les guitares électriques sur des terres tourmentées jamais explorées. L’auditeur vit le concert comme une expérience intérieure tant le mélange des styles vibre au plus profond des tripes. Un DJ fou se débat à l’arrière-scène tandis que Gonjasufi se trémousse comme un chamane en s’agitant de toute part. Au cœur de la nuit rennaise, ce show a enflammé la foule. Il restera comme un moment marquant de cette édition des Transmusicales.
Ultime passage vers le Hall 9 pour Teenage Bad Girl où l’ambiance électro peine à atteindre l’excitation perçue dans les autres Hall. Les colombiens de Bomba Estereo entrent en scène sur le Hall 4 pour des rythmes plus latinos menés par une rappeuse crachant ses paroles en espagnol, à l’image du tube Fuego.
On leur préfèrera les américains de Wooden Shjips pour mettre le public en transe jusqu’au petit matin. Leur garage noisy psychédélique nécessite un temps d’adaptation certain, mais une fois entré dans leur univers, il ne reste qu'à fermer les yeux pour être transporté. Entre des plages instrumentales, le chant lointain n’apparaît qu’en arrière-plan, le rendant d’autant plus important puisqu’il devient le but ultime de chaque chanson. Enivrant et ravageur, le son est lourd et les riffs déstructurés rappellent les expérimentations du Velvet Underground. On est un peu décontenancé par l’attitude impassible et le look proche d'Obelix du guitariste qui tient son instrument presque verticalement malgré toute la puissance rock qu’il parvient à en dégager. Wooden Shjips, le point final tourmenté d’une soirée qui fera date.

Ces 32ème Transmusicales touchent à leur fin et il est évident que le niveau général des prestations était extrêmement élevé : sans doute la meilleure édition de ces cinq dernières années avec une programmation homogène, efficace et riche en découvertes. Commencée en toute beauté avec Ava Luna, cette ultime soirée a été marquée par les anglais de Wu Lyf, vite rejoints dans la ferveur rock par Crocodiles. Roky Erikson nous a fait voyager dans le temps alors qu'avec Gonjasufi le voyage était intérieur : on en redemande. Beaucoup d’artistes présents vont à coup sûr se révéler l’an prochain et c’est bien là la force de ce festival unique !
artistes
    Manatee
    The Lanskies
    Trap
    Mujuice
    Stromae
    Pigeon John
    Ava Luna
    Wu Lyf
    Güz II
    Lady Jane
    Sudden Death of Stars
    Dj Psyché
    Crocodiles
    Roky Erickson
    Dj Ced
    The Inspector Cluzo & Mates
    Mama Rosin
    Wooden Shjips
    Kosmo Pilot
    Dominique Young Unique
    Filewile
    Blitz the Ambassador
    Gonjasufi
    DJ Mpula
    Bomba Estéreo
    Batida
    Manaré
    Janski Beeeats
    French Fries
    Ill Saint M
    Théo Gravil
    Matthew Dear (Live band)
    The Gaslamp Killer
    Pnau
    A-Trak
    Renaissance Man
    Teenage Bad Girl