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Festival Beauregard

Hérouville Saint-Clair, du 30 juin au 3 juillet 2011

Live-report rédigé par François Freundlich le 4 juillet 2011

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vendredi 1er
En ce premier week-end de juillet riche en festivals français et européens plus ou moins concurrents, un petit nouveau émerge peu à peu du coté de la Normandie : le festival Beauregard. Organisée dans le parc d’un château de la banlieue de Caen, cette troisième édition parvient à capter une flopée de groupes parmi les plus intéressants du moment.

On arrive sous un soleil radieux dans ce charmant parc de gazon verdoyant alors que Phyltre termine son concert superposant des textes en français sur des sonorités de synthés 80s. Ancré dans la mouvance de ces groupes français qui suivent cette tendance vintage, ils gratifieront le public d’une surprenante reprise de Je danse le Mia en rappel.
Sur la grande scène cette fois, Gaëtan Roussel s’attaque à un public qui pourrait être plus nombreux en ce premier jour. Celui qui est supposé être une grande victoire de la musique française du moment enchaîne les titres qui ont fait la joie récente des radios. On se prête au jeu puisque ses refrains sont accrocheurs, mais on se rend compte qu’au delà, il n’y a plus grand chose. Les chansons sont étirées à leur maximum, si bien que le relatif entrain devient vite ennuyeux au bout de quelques minutes de répétition. Le virage plus divertissant engagé par le chanteur de Louise Attaque reste en surface et manque d’un supplément d’âme au-delà de sa volonté de faire danser le public. On notera des intermèdes intéressants du saxophone baryton ou d’arrangements claviers. Dis-Moi Encore Que Tu M'aimes reste un bon moment, ce titre se rapprochant le plus de ce qu’il proposait auparavant, alors que Help Myself a le mérite de défouler un public en attente, tandis que l’adaptation de ses autres titres reste lassante.

 

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Philippe Katerine s’élance ensuite pour un show aussi inattendu qu’hilarant. On admire avant tout les costumes avant de tendre l’oreille : casquette, moustache, haut de jogging, jupette, collants bicolores et semelles compensées du plus bel effet. Il est accompagné de quatre danseuses en short toutes aussi chatoyantes et de son groupe en mode rock. Philippe nous gratifie de titres de son dernier album agrémentés de chorégraphies très particulières qui ont le mérite de provoquer quelques fous rires. Son fameux single La Banane est accueilli par des jets de nombreux fruits jaunes sur scène : le public normand avait visiblement prévu le coup.
Philippe demande alors pourquoi tout le monde commence à jeter des bananes en ajoutant « Ca rime à rien ». D’une quasi reprise du générique des bisounours pour Des Bisous à une escapade religieuse pour Juifs Arabes, ces chansons prêtent plus au délire qu’à l’écoute attentive. On n’oublie tout de même pas les messages délivrés comme sur Liberté (mon cul), finalement la plus belle représentation de la chanson française engagée du moment. Le groupe propose également quelques titres du précédent album dont la dansante 100% VIP ou l’anxiogène Marine Le Pen, tu le crois toujours pas. Les Bla Bla Bla sont repris en chœurs par un public acquis à la cause du vendéen alors que la coquine J’aime Tes Fesses propose un joyeux concours de mains au cul. Excuse-Moi le voit se saisir non pas d’un phallus mais d’une guitare électrique pour balancer quelques décibels supplémentaires par un riff endiablé. En rappel, Katerine entame seul à la batterie son tube Louxor J’adore avant que le groupe ne le rejoigne enfin pour ce final qui ouvre une soirée qui se voudra des plus dansantes.

 

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> Les choses sérieuses commencent avec les anglais de Kasabian déchainant le riff de Club Foot dans toute sa puissance. Tom Meighan est encore éclairé par le soleil couchant alors qu’il crache ses textes avec son attitude rebelle et arrogante de leader d’un groupe qui aligne les tubes. En effet l’enchainement des quatre premiers titres est renversant avec d’abord Where Did All The Love Go? aux relents de Gouge Away des Pixies. Les introductions des titres sont toujours percutantes avec Kasabian, Underdog n’échappant pas à la règle puisque cette guitare distordue créerait presque des fissures au château du XIXème siècle qui surplombe la scène, si le son était plus fort. On se dit que Beauregard est un festival propret attirant de nombreux enfants et qui n’aime pas trop monter le son, avant que quelques réglages ne soient faits au milieu du set. Shoot The Runner et sa rythmique endiablée font décoller les kids d’un sol normand poussiéreux, s’exclamant en chœur « I’m the king and she’s my queen, bitch ».
De nouvelles chansons du futur quatrième disque sont proposées et accueillies chaleureusement par le public. Velociraptor!, chanson éponyme de l’album, voit se répéter un même riff entêtant alors que Tom et Sergio alternent les passages de chant, ajoutant une originalité indéniable par rapport aux autres morceaux. Take Aim est interprété seul au chant par Sergio Pizzorno alors que Tom a quitté la scène tel un Liam Gallagher pendant Don’t Look Back in Anger. Recroquevillé sur son micro et guitare à la main, il n’a certes pas le charisme et le coté pile électrique de Tom mais il est le véritable penseur du groupe. Sa voix grave et lancinante fait tout aussi plaisir à entendre sur ce titre. Une petite surprise dans la setlist avec la présence de I.D., extrait du premier album, pour un passage plus en douceur. On ralentit alors un peu la cadence avec Thick As Thieves tout en acoustique avec cette trompette qui a fait des siennes à plusieurs reprises durant le concert. Ca repart très fort avec Empire plus rapide que jamais. Entre appels au public à sauter à chaque cri de « STOP ! » , la fosse se déchaine et Kasabian s’excite. L’enchainement avec la basse frémissante de Fast Fuse couplée à cette batterie dansante irrésistible est dantesque. Il se prolonge avec une reprise de Misirlou, un titre sur lequel on bouge la tête à chaque visionnage de Pulp Fiction mais que l’on n’entend jamais en version live. C’est chose fait avec en bonus la trompette qui s’élève au dessus d’un cri général de l’assistance. Le moment d’extase du concert reste Vlad The Impaler avec cette échappatoire électro aux cris de « Get loose, get loose », donnant au parc du château des allures de bal des vampires. Le nouveau morceau Switchblade Smiles se place dans sa lignée et lui répond avec des synthés plus électro que jamais pour des chevilles mises à rude épreuve. L.S.F. fait un dernier écart vers le premier album alors que Fire termine le concert dans une explosion finale mettant définitivement le feu au festival. Les Kasabian avouent qu’ils ne s’attendaient pas à un tel accueil : surpris, ils gratifient le public de « best crowd in France ever » avant de disparaître.

 

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Pas le temps de digérer ce show démentiel qu’il faut courir vers la petite scène pour ne pas rater dEUS. Les fans des belges sont déjà aux premiers rangs tandis que l’intro psychédélique de Sun-Ra retentit. L’inimitable voix grave de Tom Barman tranche le son pour insuffler toute la tension au mélange de guitare qui déferle sur Beauregard. The Architect est idéalement placée en début de set pour lancer cette folie qui s’empare de dEUS à chaque note, chaque arrangement aussi complexe qu’évident. Tout le groupe chante le refrain alors que l’impressionnant Tom Barman répond en enlevant la cigarette de sa bouche quelques secondes. Le violon électrique est saisi telle une guitare par Klaas Jonszoons lorsque son archet ne relève pas brillamment les compositions. De nouveaux titres plutôt prometteurs sont proposés, issus d’un prochain album à paraître en septembre. Constant Now est l’une d’entre elles, l’occasion d’entendre la voix de Mauro Pawlowski s’exciter. Ce dernier est impérial en faisant sonner sa guitare d’une main de maître.
La musique de dEUS n’obéit à aucune règle et peut partir dans n’importe quelle direction à tout moment. Illustration avec la fabuleuse Instant Street débutée en acoustique, comme une pop song aux reflets de perfection folk. Tom Barman change ensuite d’instrument pour déchainer le riff électrique si addictif qui termine la chanson. Ce tube défoule les normands qui débarquent en masse dans les premiers rangs pour un mini-pogo. L’atmosphère se fait de plus en plus pesante tandis que le leader va chercher sa voix au fond de sa gorge sur Theme From Turnpike. Les chants se mélangent alors que Tom harangue la foule d’un bras à l’avant de la scène. Nothing Really Ends et ses notes d’orgue calment le jeu, prenant l’audience par les sentiments. Quelques notes de violons viennent lentement relever les doux accords de cette chanson d’amour déçu. Bad Timing était réclamée par une pancarte du public, le single s’impose donc dans un torrent distordu et sur une voix inquiétante. Son crescendo s’égraine lentement et froidement jusqu’à la libération de décibels finale. Une nouvelle composition au gimmick redondant, Dark Sets In, précède un final sur Suds And Soda. L’explosif extrait du premier album et son violon criard terminent le show. Toutes les voix se superposent dans des exclamations jouissives et vibrantes pour du dEUS old school et agressif comme on l’aime. Les belges ont livré une prestation marquante qui aura fait monter le tensiomètre très haut, bien plus encore que ce que l’on en attendait.

 

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Après cet enchainement anglo-belge plutôt alléchant, on s’en retourne vers un son plus brutal avec Motörhead. Lemmy Kilmister et sa mythique basse présente son groupe de rock’n’roll et déchaine la fureur à des fans venus exclusivement pour lui. On les repérait facilement dans les allées de ce festival partagé entre accès gratuit pour les moins de douze ans et le combo cheveux longs et tshirt de « random metal band ». Sa voix de vieux zombie d’outre tombe mal réveillé transperce une basse qui se transforme en guitare et inversement. Les solos de batterie pleuvent à une vitesse jamais atteinte avec seulement deux bras et deux jambes. Mikkey Dee est tentaculaire et le public n’en croit pas ses yeux. Lemmy enchaine les riffs gras et les cheveux s’emmêlent dans la mêlée. On se laisse entrainer sans trop s’approcher tout en repassant pour la subtilité.

 

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Pour continuer la soirée, ce sont les nord-irlandais de Two Door Cinema Club qui s’apprêtent à entrer en scène alors que le DJ de la petite scène enchaine Daft Punk et Haddaway. Le roux chanteur Alex Trimble est un peu l’opposé masculin de Lemmy Kilmister. Leur pop entraine néanmoins la nuit caennaise dans la danse alors que les filles se sentent pousser des ailes. Les légères guitares estivales sont au rendez-vous avec des débuts sur l’entrainante Undercover Martyn puis sur Do You Want It All? reprise par l’audience. Les nouveaux titres les abandonnent néanmoins quelque peu pour les remplacer par des synthés moins accrocheurs. Le groupe prend alors de faux airs de Friendly Fires qu’on aurait préféré éviter. Leurs quelques tubes ont marqué l’année 2010 mais on comprend rapidement qu’ils ont perdu leur souffle en ne correspondaient qu’à cette époque. Ils ne tiennent plus vraiment la route sur la durée, surtout avec un set carré et sans surprise : on semble en connaître les moindres recoins pour finalement s’ennuyer un peu et remuer difficilement le genou. Les kids s’en donnent néanmoins à cœur joie sur Something Good Can Work et ses lisses huées. L’intégralité de Tourist History est bien entendu proposée et seuls ses meilleurs moments comme What You Know parviennent à nous sortir de la torpeur. Le meilleur titre reste le final avec la sautillante et efficace I Can Talk qui fait toujours son petit effet dévastateur. L’avenir ne présage rien de bon pour des Two Door Cinema Club qui, passé l’effet de surprise, se révèlent lassants.

Les DJs de Birdy Nam Nam se chargent de faire danser les plus récalcitrants pour le reste de la nuit alors qu’on lève le camp sur ce festival Beauregard très plaisant. On gardera en mémoire les prestations captivantes de Kasabian et dEUS et l’humour dévastateur de Katerine. Pour citer ce dernier : quel beau regard !
artistes
    Pop The Fish
    Phyltre
    Gaëtan Roussel
    Katerine
    Kasabian
    dEUS
    Motörhead
    Two Door Cinema Club
    Birdy Nam Nam