Belmondo

On ne présente plus Belmondo. Tout à la fois acteur, cascadeur, sculpteur, pilote automobile, et maintenant rockeur à ses heures, Bebel le professionnel n'en finit pas de se trouver des nouvelles carrières, remake non-officiel des aventures de Martine dans l'univers d'Action Man. Bebel le rockeur, un dur à cuire qui ne fait pas trop dans la dentelle, si ce n'est pour l'arracher en passant à travers des fenêtres à rideau. Bebel le rockeur, un quartet multiculturel constitué en cours de musique à Brighton, entre la chanteuse et bassiste française Carmen, le chanteur et guitariste anglais Kelan, l'autre français et guitariste Laurent, et Jules le batteur suisse (mais aucun rapport avec les œufs en neige).

Un groupe déjà croisé deux fois au Supersonic à Paris, dont le premier single RTD déblayait à grands coups de stoner industriel derrière un chant cocaïné façon De Staat, et dont la route a depuis rejoint une lourdeur plus biblique et imagée, en témoigne les deux singles suivant, The Gods They Know et Pachyderm. Exit les néons sur le bas de caisse, on ajoute une prise d'air sur le capot et un V8 bi-turbo, les pneus cloutés sont passés, et on fonce faire hurler les échappements, escalade à 300 sur l'autoroute de la grande tour de Babylone jusqu'à la voûte céleste.
Un coup de pompe dans les grilles du paradis avec Getting Closer, la sonate de piano dérangée par un riff crasseux sur Ventriloquists, l'alternance de voix entre Kelan et Carmen tape dur et relance en continu la dynamique des refrains. Ça agresse et ça sonne lourd, le feeling de Soundgarden mixé au mysticisme de Ghost se tient dans une production dantesque à faire plier le pont de Tancarville. Un pont par-dessous lequel n'est pas passé Moise, alors que The Journey Of Moses On The Nile alourdit encore l'affaire, même s'il manque à la chanson un point d'accroche, une mélodie, un riff, un je ne sais quoi qui marque l'esprit et élève la chanson commune au-delà de la masse, un je ne sais quoi qui ne manque par contre absolument pas à la cavalcade sonique Bethlehem. Une charge biblique digne de Joshua abattant les murs de Jericho, la litanie du refrain creuse son sillon un neurone après l'autre, le riff principal terrasse comme un bulldozer toutes les forteresses païennes qui oseraient s'interposer, avant que la chanson ne passe de l'excellent au génial en acceptant de ralentir pour terminer encore plus dur, plus mieux, plus vite, plus fort.

Pour l'excellente raison que le mieux est l'ennemi du bien, il faut parfois aérer, ralentir, pour que par contraste le reste de la pièce grandisse et grandisse jusqu'à toucher les étoiles. Une leçon partiellement apprise par un groupe qui n'en est qu'à ses débuts, donnant à Bethlehem et Ventriloquists une intensité spectaculaire que n'atteint jamais le reste de The Blessed And The Evil. Mais si certaines chansons se trouvent encore perfectibles, ce premier EP de Belmondo le rockeur donne surtout très envie de suivre le groupe d'encore plus près, parce que d'une ça s'annonce grandiose, et de deux vraiment, vraiment, mais alors vraiment, on n'en peut plus du shoegaze et du post-punk !