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CARSICK
Belmondo

Paris, Supersonic - 10 octobre 2023

Live-report par Adonis Didier

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On a tous ce pote avec ses plans chelous sortis de nulle part pour aller voir un artiste mort depuis trente-cinq ans sous le périph' parisien à deux heures du matin, tout ça pour découvrir un tribute band de Queen au ukulélé et une discothèque combinant ZAD, hangar de contrebande en béton armé contenant sans doute des mauvais payeurs de la pègre dans les fondations, et serveurs en pagne et chemise palmier ornés d'un cache-œil. Et puis il y a cet autre pote, celui qui ne vous propose que des bons plans, celui qui vous écrit ces lignes aussi, et qui a gentiment invité tous ses copains ce mardi soir à aller voir Belmondo au Supersonic Club de Bastille. Et tant pis ou tant mieux pour vous, pas de Borsalino, de Magnifique, de Professionnel ou d'As des As tonight, le quatuor du mardi soir s'appelle Rock sur la ville, ça démarre en se demandant Who Is To Blame, et ça vous le savez, c'est ce pote avec ses plans foireux !

Mais Belmondo, le groupe, c'est quoi ? Eh bien Belmondo c'est Carmen, une chanteuse-bassiste française, Laurent, un guitariste français, Jules, un batteur suisse, et Kelan, un autre guitariste parfois chanteur anglais, groupe de rencontres universitaires à Brighton n'ayant plus bougé de la ville depuis lors. Une musique qui s'apparente d'abord à du bordel, du bordel que la sono du Supersonic peine un peu à suivre, mais dans lequel on retrouve du punk, du blues, du stoner, du noise, et des airs symphonico-mystico-vampiriques sur la fin pachydermique de... Pachyderm !
Pas le temps de rigoler à nos propres blagues, Ventriloquist enquille un riff joué par une version punk de Royal Blood, tiens donc encore un groupe de Brighton ! Retour dans les airs lourds et mystiques via Lucy, Carmen pousse le drama et les graves, avant Moses et sa débauche de guitares jouant l'une sur l'autre pour un rendu assez compliqué à déchiffrer. Sans vous refaire le coup de la carto 2D fréquence/espace de comment mixer de la musique, gardez en tête que c'est toujours mieux que chacun travaille dans des fréquences clairement séparées, alors forcément on kiffe Filiform et les licks aigus envoyés par la Firebird de Laurent, laissant Kelan épandre un peu partout sa disto électro Kasabian-esque.
Un interlude lambada what the fuck plus tard, Carmen descend en body et talons dans une fosse de mardi soir (autant dire qu'y a de la place) pour motiver un public épars mais volontaire à gigoter sur Bethlehem, avant que ne vienne le tour de Kelan de jouer les De Staat dans la « foule » à coups de yeah! et de petits phrasés rappés pour RTD, préparant l'explosion d'une chanson qui avait déjà époustouflé ce même Supersonic en décembre dernier. Un mix de rock anglais, d'électro néerlandaise, et de stoner américain : on signe tous les jours pour un possible EP multi-culturaliste à venir l'année prochaine, tout en ne boudant pas notre plaisir de voir le concert se finir sur la très névadienne The Gods They Know.

Mais comme un bon plan n'arrive jamais seul, laissez-moi vous présenter maintenant CARSICK, mix haut en couleur et en taux d'alcoolémie de la gouaille de Mike Skinner (The Streets) et du pop-punk adolescent de Bilk, groupe formé dans un pub d'une petite ville sans doute très au nord de l'Angleterre autour de la fratrie des deux guitaristes Jack et Joe. Deux frangins anglais dans le même groupe, on s'attend à tout ce soir et même à une baston, mais c'est surtout du pop-punk bien enlevé qu'on va commencer par prendre dans la tête avec Anaconda Frank et Local Legend. Ça saute déjà dans la fosse avec une dégaine balançant entre skater californien et lad de Derby, Jack le bassiste nous offre quelques mots de français que l'on qualifiera d'honnêtes sans toutefois valoir les bondissements de son instrument, et puis vient Pub Watch. Dinguerie punk rap perçant sa canette de 44 pour la boire par le bas, posée sur un bidon d'essence pas tout à fait vide à côté des Sleaford Mods, la chanson emporte un public augmenté de quelques agitateurs, dont les membres de Belmondo, alors que Jack et Joe, sans fil comme leur câble, descendent jouer dans la fosse histoire de rentabiliser l'investissement technologique.
Runner noie l'amour dans la bière, le nouveau single Put It Down ressemble à du Blink 182 (dont la rumeur affirme que Joe, le chanteur, a monté un groupe de reprises quand il était ado), et le premier vrai pogo de la soirée se lance sur Afters. Faire pogoter une salle de trente personnes un mardi soir, CARSICK ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait. Un pogo récompensé par la douce Heartbreak At The Anchor & Hope. Vraiment, par pitié, quand des gens jouent sur scène, qui plus est une chanson calme et émotive, il serait temps que les parisiens irrespectueux, un verre à la main et un smartphone dans l'autre, ferment leurs p***** de g****** ! Heureusement pour nous, Muzzle remet l'esprit The Streets à l'honneur, et le bruit de la bataille de bar recouvre les insupportables conversations par des litres de bière renversés sur le dancefloor.
Une relance pour une fin de concert qui n'en sera que plus folle, et qui commence par une chanson originale made in CARSICK, faussement attribuée à The Prodigy, mais nous sachons : Omen. Une reprise punk d'électro britannique qui se termine avec un bassiste qui joue sur la rambarde de l'étage, 10 Stellas Down qui brise en deux une des baguettes de Tom le batteur, et la finale et génialissime Is What It Is qui conclut par un petit pogo avec le susmentionné bassiste. Non, vous n'êtes pas dans la quatrième dimension, vous êtes à un concert de CARSICK, en espérant que personne ne vomisse par la fenêtre !

Une soirée inattendue mais mémorable lancée par le stoner-rock-électro-noise multinational de Belmondo, puis éclatée par les fous furieux de CARSICK, quatre anglais un brin californiens qui nous prouvent que le pop-punk ne se résume pas à des chansons toutes identiques jouées par des branleurs adulescents. Des additions rap, hip-hop, électro et pop sentimentale à un genre musical trop souvent basique et enfermé : on ne parlera pas de révolution, faut pas déconner, il n'empêche que CARSICK viennent, de par leur talent et leur énergie, de s'offrir une place de choix sur la carte des groupes anglais à suivre de près dans les années à venir !
setlist
    BELMONDO
    Who Is To Blame
    Pachyderm
    Getting Closer
    Ventriloquist
    Lucy
    Moses
    Filiform
    Bethlehem
    RTD
    The Gods They Know

    CARSICK
    Anaconda Frank
    Local Legend
    Pub Watch
    Runner
    Put It Down
    Afters
    Heartbreak At The Anchor & Hope
    Muzzle
    Nothing To Do
    Omen (The Prodigy cover)
    10 Stellas Down
    Is What It Is
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