Jape

Théâtre de l'electronica brumeuse et glaciale, le Ritual de Jape, voit Richie Egan en coulisses manipuler le beat synthétique et la ballade gratouilleuse avec une facilité déconcertante, non sans rappeler les tribulations de James Murphy et de son LCD Soundsystem. Un exercice de style réalisé avec succès où il sera ici, davantage question de Thin Lizzy que de Daft Punk à la maison.

Richie Egan fait partie de ces milliers de gens qui applaudissent The Raconteurs. Les riffs blues et crasseux de Jack White l'enchantent. Richie Egan est un spectateur comme tous les autres à une différence près : lui seul reconnaît au premier accord le titre Floating, joué sur scène. Et si lui seul en connaît toutes les secousses, les moindres dénivelés, les subtilités les plus fertiles transcendées par le groupe de White, c'est parce qu'il a tout simplement écrit le morceau.
On le sait, les rebondissements de l'histoire du rock, ou tout du moins de la vie d'un artiste, tiennent à peu de chose, et parfois à une simple pinte avalée dans un pub dublinois. Brendan Benson, autre acolyte des Raconteurs tombe un beau soir, sur Floating, joué par un dj dans un pub irlandais et décide de l'ajouter à la set list du groupe, parmi le lot de reprises fréquemment jouées sur scène, en alternance avec un David Bowie ou un Gnarls Barkley. Un véritable coup de pouce pour Richie Egan qui explosera bien évidemment, les records de visite de sa page Myspace.
C'est dans ce contexte que vient le troisième album de Jape. Richie Egan arrive en terrain conquis, engouffré dans une voie entrouverte voici quelques années par l'écurie DFA, où l'acoustique côtoie le trafic de sons international ; le bidouillage le plus improbable au service d'un piano ou d'une guitare sèche. La vigueur du premier sample de Christopher and Anthony et rapidement apaisée par une guitare en détresse, tandis que le riff de I was a Man nous emmène au cœur d'un opéra cosmique nippon, aux effets cathartiques dévastateurs. La complexité est très vite rattrapée par la délicatesse des ballades telles que At the Heart of all this Strangeness, conférant à l'album le parfait équilibre, un étrange sentiment oscillant entre mélancolie et gaieté. Une impression confirmée par Phil Lynott; où le fantôme du chanteur de Thin Lizzy vient planer quelques minutes, dans les vapeurs de whiskey.

Insaisissable et spectral, Ritual referme le rideau sur l'étrange monde de Richie Egan, étrange et fascinant.