Chronique Album
Date de sortie : 28.10.2016
Label : Weird World
Rédigé par
Cassandre Gouillaud, le 26 octobre 2016
2011. Late Of The Pier s'étaient séparés il y a un an seulement, le nom de LA PRIEST n'évoquait encore rien, et Connan Mockasin révélait tout juste son grand Forever Dolphin Love. Un temps qui semble déjà remonter à une éternité, en somme. C'est pourtant ici que se situent les origines de l'un des albums les plus étranges de cet automne, trente minutes d'expériences et jeux variés qui auront mis cinq longues années à voir le jour.
Connan Mockasin et Sam Dust s'étaient rencontrés en 2009, alors que le premier jouait en première partie de ces regrettés Late Of The Pier. Entre cette époque et la sortie du premier extrait issu de leur collaboration en août dernier, Lying Has To Stop, de nombreuses sessions enregistrées au fil des années aux quatre coins du monde, là où Sam voyageait et s'adonnait à la création d'instruments pour les besoins de son nouveau projet. Un procédé d'enregistrement quelques peu décousu, mais apparemment efficace au vu d'un d'un solide résultat qui se mue chez l'auditeur en une addiction délicieusement bizarre. Cet excellent premier extrait en était d'ailleurs le témoin parfait, une lente mélodie groovy étant progressivement habillée d'électroniques variés et de quelques simples accords de guitare qui participent à la sensualité inattendue du morceau. Celui-ci semble presque se construire par équilibre entre les extrêmes, alternant le chant grave de Dust et la voix haut-perchée de Mockasin, contrebalançant l'étrangeté des sonorités par une simplicité musicale qui contribue à l'accessibilité de l'effort.
En effet, si Soft Hair est un album qui tente de s'échapper des sentiers battus de bout en bout, il apparaît aussi étrangement raisonnable. C'est sans doute ici que les cinq ans de travail auront fait la différence, permettant aux deux musiciens de trouver un équilibre presque parfait entre leurs nombreuses expérimentations électroniques et la nécessité de ne pas tomber dans l'égarement. Aussi déroutant puisse cela être, le propos de Soft Hair apparaît extrêmement réfléchi, articulé autour d'une pop groovy et une écriture minimaliste qui préfère la clarté de chaque son à la superposition excessive de couches.
Le morceau d'ouverture, Relaxed Lizard, semble être à des années lumières de la pop que nous avons l'habitude d'entendre. Se plonger dans l'univers de Soft Hair, c'est s'immerger dans un patchwork de sonorités souvent dérangeantes. Pourtant, quelques écoutes suffisent à se laisser entraîner dans ce périple fortement psyché où les dissonances et distorsions sont reines. Jealous Lies, quant à lui, amène cette part d'exotisme qui fait le charme de cet effort avec un break aux inspirations orientales à ses deux-tiers, probable influence des voyages de Dust. Les deux artistes ne sont pas des adeptes des sonorités communes mais ont le sérieux avantage de ne pas se prendre trop au sérieux, évitant de tomber dans une expérimentation trop profonde pour être comprise.
Le point fort de Soft Hair est la singularité de chacune des pistes qui le composent, qui parviennent à former un ensemble cohérent sans être similaires les unes aux autres. La rencontre des univers des deux artistes aboutit la plupart du temps à une fusion impeccable, mais autorise aussi des variations où l'arrière-plan de l'un est plus présent. C'est bien évidemment le cas sur A Goood Sign, morceau qui se trouve être déjà présent en version longue sur Inji, l'album du second projet de Dust, LA PRIEST. Quant à l'influence de Mockasin, elle se fait prééminente sur Alive Without Medicine qui aurait pu aisément prétendre à une place sur l'un de ses albums solo. Les changements de mélodie et breaks soudains qui ponctuent l'écoute ne sont certainement pas non plus étrangers à cet intérêt sans cesse renouvelé. Certains morceaux, comme ce même Alive Without Medicine qui voit l'irruption d'une guitare surf-pop à mi-chemin, sont ainsi bouleversés par de brutaux changements de direction qui participent à leur richesse. L'effort ne dure peut-être que trente minutes, un format aujourd'hui devenu bien court pour un LP, mais au moins il n'y existe pas un moment où l'attention de l'auditeur attentif est susceptible de retomber.
À y songer plus sérieusement, il n'y avait aucune raison pour que cette rencontre entre les univers déjantés de Connan Mockasin et Sam Dust ne fonctionne pas - pour quiconque apprécie leurs dérives musicales mutuelles. Soft Hair reste tout de même une excellente surprise et l'une des sorties les plus intéressantes du moment. Entre multiples projets et collaborations, on ne pourra maintenant que souhaiter que les deux amis aient l'envie de nous proposer une matière nouvelle d'ici l'horizon 2021.