Chronique Album
Date de sortie : 11.03.2022
Label : Fuzz Club Records
Rédigé par
Bertrand Corbaton, le 10 mars 2022
Vous conviendrez qu'il est assez curieux de noter à quel point les choses se répètent. La fin des années 70 a vu Leonid Brejnev mettre subitement fin à la détente en décidant d'envahir l'Afghanistan pour soutenir le parti communiste local. Aujourd'hui, voici qu'un ancien espion du KGB décide de répondre à ses aspirations de grandeur en envahissant son voisin sous des fallacieux prétextes de dénazification.
Quand les troupes russes se préparaient à entrer dans le bourbier afghan, l'Angleterre voyait un groupe de Manchester et son chanteur épileptique redéfinir durablement la scène rock de l'époque par un son froid, des rythmiques robotiques et une basse lourde et ronde. Ce groupe a certainement irrigué la culture musicale de Black Doldrums, sujet qui nous intéresse aujourd'hui. Il vous sera difficile d'imaginer le contraire quand vous écouterez Dead Awake, première production de ce duo nord-londonien.
La première écoute pourrait vous apporter une impression assez ambivalente. Les mélodies sont souvent accrocheuses et bien menées, comme le très bon Sidewinder ou le glacial Runaway. D'un autre côté les morceaux laissent un goût de redite ou de déjà-vu assez désagréable. Cela se ressent parfois dans un son de guitare, comme sur ce Dreamcatcher aux accents très The Sisters Of Mercy. Rajoutez à ça la batterie robotique de Sophie Landers et vous avez ici un titre que n'aurait pas renié ce bon Andrew Eldritch.
Parfois, c'est dans la forme que le mimétisme se crée, ainsi, le très bon Into Blue risque de sérieusement vous évoquer l'approche de Disintegration des The Cure. Les claviers enjôleurs, et la guitare au son rond vous feront irrémédiablement penser à une possible face B de Lovesong ou de Fascination Street. Tout ça est tout de même assez pénible et la multiplication de ces références peine à dévoiler la véritable identité de Black Doldrums. Il ne faut pourtant pas en rester là, car le duo ne se contente pas de recopier ses illustres camarades par manque d'inspiration.
Les londoniens savent enrober leurs morceaux d'une délicate touche shoegaze qui donne une tout autre saveur à leurs productions. Pour exemple, l'appréhension initiale sur All For You s'efface au fur et à mesure des écoutes et laisse place à un véritable plaisir. Au final, cette balade assez convenue à des choses à vous donner et vous serez touchés par la mélancolie qui draine ce titre. Même remarque sur Sleepless Night et son refrain à l'équilibre précaire.
Vous l'aurez compris, Black Doldrums ne vont pas révolutionner le genre par leur rock cold shoegaze. Des influences trop marquées pourraient même être un frein à l'avenir et il faudra se renouveler pour ne pas tomber dans un carcan bien trop stéréotypé. L'exercice est difficile, et tout le monde ne peut avoir le talent d'avancer sereinement sans se renouveler à l'instar des russes de Motorama.
N'abandonnez pas pour autant l'idée de suivre ce duo, car la nostalgie fonctionne à plein, et il est certain que ce groupe touchera au cœur les orphelins de la cold wave.
Les chances de voir Black Doldrums marquer son temps comme Joy Division avant lui sont presque nulles. Cependant, voici la bande son idéale pour illustrer la guerre froide qui s'installe. Comme à la fin de la détente.