A Sound Of Violence, les transitions, nous ne connaissons pas. Ainsi, nous passons sans aucune crainte de l'ambiance cosy des sièges rouges et des dorures de la Cigale dimanche (en souhaitant à Tom McRae un prompt rétablissement à grand renfort de tisane au thym) à l'anarchie délicieusement régressive d'un Trabendo en furie ce mardi soir. Le responsable d'un tel chaos : « le meilleur groupe du Royaume-Uni » dixit une biographie succincte mis qui résume en effet l'essentiel. Getdown Services ont pour la seconde fois cette année investi la capitale, après un passage en catimini au FGO-Barbara de Barbès en janvier, ce dernier ayant toutefois laissé des traces indélébiles dans les esprits de la poignée de vaillants se réveillant à l'époque de son coma post fêtes de fin d'année.
Depuis lors, un second EP
Primordial Slot Machine paru cet été ainsi que sa suite
Crumbs 2 en novembre, et la conviction d'avoir raccroché nos wagons à un phénomène unique. Officiant depuis 2023, Josh Law et Ben Sadler ont déjà produit un album,
Crisps, et un premier EP passés sous nos radars. Mais c'est le karma (ou des collègues allant s'encanailler dans des lieux étranges lors de festivals indés au Royaumes Uni et en Allemagne) qui a placé sur notre route ces deux zigotos indescriptibles. Ce soir, alors que la faune des rockeurs parisiens se rue boulevard des Capucines pour rouler des mécaniques avec Black Rebel Motorcycle Club, nous nous joignons à toutes celles et ceux à qui la dinguerie communicative de Getdown Services parle plus.

En introduction, des compatriotes de Getdown Services, eux aussi nous venant de Bristol,
The Cindys. Nous évoquions le manque total de transition entre dimanche et ce mardi, c'est ainsi une autoroute entre le « no-style » de notre tête d'affiche et ce jeune groupe au look d'étudiants en lettres. The Cindys offrent un art rock aux effluves un peu bohème mais très exigeantes de Black Country, New Road, sans l'armada d'instruments, avec le côté un peu déjanté et juvénile de Westside Cowboy (deux groupes qui ont partagé la même scène récemment, comme quoi, rien n'est fait au hasard), avec beaucoup d'harmonies vocales entre la fille et les garçons. C'est un style doux et racé à la fois, nos jeunes amis ayant sorti leur premier album (ou long EP, sept titres en tout) éponyme début novembre. Un groupe attachant et efficace que nous suivrons dorénavant de près.
Getdown Services, c'est un duo de copains, seulement armé d'une grosse boite à rythmes et de samples en boucle, l'un (Josh) se parant d'une guitare et l'autre (Ben) venant tapoter un petit synthé. Entre deux, nos compères se transforment en entertainers hors pair, venant danser, sauter et hurler dans les microphones, et nous déverser tout un tas d'âneries qui font simplement hurler de rire tous les présents. Tout et tout le monde y passe : les Anglais (boooohh), les Allemands (le groupe ayant connu de sacrés déconvenues avec son van et devant annuler des concerts, semble-t-il ne pouvant trouver sur place aucune aide, nos voisins germaniques se voient donc décerner le prix du plus grand « shit hole » de la planète), les spectateurs portant des mini bonnets, de ceux qui ne couvrent stupidement pas les oreilles, Daft Punk qui n'ont pas répondu favorablement à l'invitation du groupe à se joindre à eux ce soir et plus généralement, tous ceux qui n'apprécient pas de tout simplement foutre la foire et d'y prendre son pied.
Le concert est une grosse heure de pur laisser-aller, nos amis réussissant petit à petit à transformer une foule compacte mais encore un peu timide en pit de l'enfer où filles et garçon, jeunes et vieux, abandonnent toute retenue pour enchainer circle pits, crowd surfing et invasions de la scène à un rythme effréné. Entre deux assauts, Ben et Josh réussissent malgré le ton ultra déconneur à déclarer leur amour à Paris et à la France, pays qui les a accueillis pour leur toute première tournée avec les concerts sold-out, qui vraisemblablement adore ce qu'ils font et qui ce soir leur offre leur plus grande scène. En guise de remerciements, une petite reprise des
Champs Elysées de Joe Dassin, évidement en version yaourt pour nos deux amis, mais aidés en cela par les chœurs du public car maîtriser son Joe Dassin demeure un phénomène intergénérationnel, même en 2025.

Presque tout le répertoire de Getdown Services y passe, et nous sommes gratifiés d'un inédit ultra pêchu appelé
Bang Your Head et d'une dernière reprise en guise de rappel, rien de moins que le
Sabotage des Beastie Boys, accéléré et technoïsé, rendant le titre encore plus jouissif. Il n'y a évidement aucun temps mort avec cette succession de morceaux electro disco rock grim (on peut encore en rajouter car ces touches à tout réussissent des patchworks audacieux qui fonctionnent à merveille sur un dancefloor). Tout va crescendo et pour finir c'est un Trabendo complètement déchainé qui offre une ovation aux deux anti-héros de la soirée, eux-mêmes ayant depuis un moment fait tomber les tee-shirts pour chacun leur tour s'offrir un petit crowd surfing plus que mérité. Les dernières minutes voient le public envahir la scène et c'est tout simplement le bordel dans sa plus pure définition qui achève dans le bonheur les spectateurs, comblés et convaincus d'avoir fait le bon choix ce soir.
On se quitte alors avec le sourire aux lèvres, en veillant à bien essorer son tee-shirt rempli de sueur et à tenter de retrouver parmi les cadavres de gobelets sur le sol son portable ou son trousseau de clé. Getdown Services ont offert une des prestations les plus fun et explosives de notre année de concert qui s'achève, la conclusion étant que ces deux plombiers de l'electro rock sont définitivement des inratables en live.