Forgiveness

Il y a plusieurs décennies de cela, un trublion blond agitait la bande FM et les télévisions de notre pays de sa danse nerveuse et de ses titres mêlants disco et chanson française. Avant que cet artiste ne se transforme en paratonnerre en raison d'une méconnaissance patentée de la physique électrique, il dénonçait dans un de ses morceaux phares d'une emphase on ne peut plus condescendante, son dédain pour ces « musiques nouvelles qui résonnent comme des bruits de combats ».

Ce brave homme aurait réellement mérité de poser son oreille sur Next Time Could Be Your Time, premier album de Forgiveness, pour s'assurer que la modernité ne veut pas nécessairement dire bruit et fureur. Forgiveness rassemblent JQ, Richard Pike et Jack Willie. Le nom de ce dernier fera peut-être écho dans votre esprit puisqu'il est le saxophoniste et une des pierres angulaires de la magnifique formation Portico Quartet.
Cette information donne déjà une première indication sur ce que le groupe est susceptible de nous proposer, et le potentiel à aiguiser notre curiosité tant les travaux de Portico Quartet sont remarquables. Malheureusement, partir de ce postulat amène surtout le risque de tomber d'encore plus haut et de rendre la déception encore plus forte.

Si certaines pièces sont intéressantes, comme Mountain Top ou Glasswing, la musique ambient de Forgiveness est tout de même sérieusement redondante et à ce point homogène qu'elle n'offre que peu de surprises à son auditeur. Refusant de se positionner franchement dans l'électronique ou le jazz, la musique de Forgiveness manque au final de personnalité malgré les tentatives du saxophone de Jack Willie pour donner vie à une masse informe aux sonorités parfois totalement dépassées, à l'image de ce Lost Fawn résolument ennuyeux.
Next Time Could Be Your Last Time fait dramatiquement penser aux compositions ambient qui avaient cours dans l'électronique des années 90. Malheureusement l'ensemble ne prend pas et nous laisse franchement sur le bord d'une route qui nous amène de façon très claire dans une forêt humide vers les cimes d'une montagne. Mais le trait est parfois trop tiré et on aurait pu par exemple se passer de ces bruits d'eau sur le délicat Orangeade Sky.

Parfois la magie réussit à opérer et Forgiveness parviennent à nous transporter comme sur le très beau Transparent et ses nappes arrivant par vagues comme un hommage à certains travaux de Vangelis. Sur le titre éponyme, le trio semble vouloir s'orienter sur une logique plus électro avec ces loops qui donnent une pulsation à l'intro ambient. Ce morceau tendu a quelque chose en lui de touchant, mais c'est assez peu pour nous faire oublier un ensemble beaucoup trop stéréotypé malgré les efforts déployés.
Forgiveness se donnent du mal pour proposer une matière originale, mais au final, tombent dans des ambiances qui ramènent trop vers le déjà-vu des années 90. Cet album purement ambient n'apporte rien de nouveau et n'a pas en lui le feu créateur de Portico Quartet. À ce titre on préférera réécouter les travaux de Kruder And Dorfmeister, ou dans un autre style l'album Last Train To Lhasa de Banco de Gaia.

Pour autant ne condamnez pas définitivement Next Time Could Be Your Time, car celui-ci peut parfaitement faire office de musique de relaxation dans l'hypothèse où, depuis votre appartement parisien, vous voudriez vous offrir une balade forestière en montagne. Fermez donc les yeux, car à défaut d'être exceptionnel d'originalité, le dépaysement que vous propose Forgiveness est garanti, et est un parfait antidote aux bruits de combats.