The Mysterines

Ce qu'il y a de merveilleux avec la musique, c'est qu'il suffit que les médias clament la disparition inéluctable de la guitare comme élément clé du rock pour qu'émergent des albums gavés de riffs agressifs. C'est le cas du premier album de The Mysterines, Reeling, sorti chez Universal et produit par Catherine Marks, qui a travaillé avec Wolf Alice, The Big Moon et PJ Harvey. Au fil des treize compositions, on peut dire que les Britanniques ont balisé le chemin pour nous faire part clairement de leurs intentions. Canalisant une forte influence de l'ère grunge-rock des années 90 et l'affinant pour une oreille moderne, The Mysterines ont pour mission non seulement de ramener le rock britannique, au sens le plus pur du terme, dans l'esprit des gens, mais aussi de réinventer le genre avec une rafale d'offres aussi puissantes que passionnantes.

Une grande dégoupillée au titre pour le moins équivoque donne le ton pour inaugurer l'album : Life's A Bitch (But I Like It So Much) saccage tout pendant près de trois minutes avec l'incandescence la plus pure. La chanteuse Lia Metcalfe a un grognement si féroce qu'elle vous emportera forcément avec elle lors de ses poussées de rage. Rapides, furieux et généreusement proportionnés, les titres de Reeling vous arrivent comme un album rock devrait le faire, sans aucun regret ni excuse. Débridé et sans rênes, cet album vous assaille autant qu'il vous aime et vous emporte sur une vague, que même le surfeur musical le plus corsé trouvera exaltante et alimentée par une poussée d'adrénaline. Costaud et déterminée, dès l'ouverture, cette vigueur brute ne se relâche que rarement au fil de l'écoute. Sans voir une baisse de qualité, certaines chansons vers la fin de l'album semblent un peu moins polies que leurs remarquables voisines, mais même dans les moments les plus lents et les plus sombres, elles conservent toute l'intensité et le drame qui fait figure de colonne vertébrale du disque.


En se concentrant sur le chagrin d'amour et l'autodestruction qu'il peut permettre, Reeling nous guide à travers une gamme de scénarios entraînant fréquemment de la douleur et du chagrin émotionnels, mais le fait d'une manière sèche et sombre qui correspond parfaitement au son dynamique et profond de Lia Metcalfe. Il y aurait beaucoup de place pour cacher des paroles paresseuses dans l'intensité du mix, mais les paroles sont bien écrites. De telles douleurs sont faciles à relater et donnent à l'auditeur une voix et une attitude à laquelle s'accrocher, afin de traiter ses propres frustrations, à travers des coups de tête cathartiques qui présentent toujours un sourire narquois. Des lignes de basse maussades sous-tendent un paysage sonore captivant et vrombissant qui ne cesse d'avancer sans relâche tout au long de cette expérience. Hung Up est un piétinement impitoyable, The Bad Thing devient de plus en plus rapide alors qu'un sentiment de désespoir s'installe, tandis que Under Your Skin déclenche un frisson euphorique dans le dos.


Rempli de l'angoisse qui est inhérente aux jeunes et aux artistes, cet album s'approche du micro sans craindre rien ni personne, il est morose et étonnamment honnête mais c'est surtout un album rock qui offre du rock en abondance. Avec On The Run, ils atténuent un peu les choses, prenant une pause des guitares et de la batterie pour explorer quelque chose de plus dépouillé et simpliste, avant de se lancer à nouveau dans leur côté séduisant avec le PJ Harvey-esque Under Your Skin.

Alors, bien sûr, on reprochera aux Liverpuldians de ne pas être ben originaux et de ne pas s'être trop pris la tête au niveau de la mélodie... Pourtant, on ne peut pas nier qu'il existe ici une maîtrise vocale évidente et un niveau d'équilibre et de cohérence assez impressionnante pour une jeune groupe. The Mysterines démontrent l'excitation bouillonnant sous la surface de la scène rock britannique, prêt à percer le plafond de verre présent depuis bien trop longtemps au-dessus de sa tête.