Chronique Album
Date de sortie : 17.01.2025
Label : Fire Talk
Rédigé par
Franck Narquin, le 21 janvier 2025
Quatrième album en quatre ans pour lots of hands. Et, cette fois, ça y est : ils y sont. Jusque-là, le groupe de Newcastle s'agitait dans tous les sens, empilant les influences avec l'enthousiasme d'un étudiant en école d'art qui découvre à la fois la reverb et l'angoisse du vide. C'était sympathique, souvent charmant, mais ça restait anecdotique – du bricolage sonore, oscillant entre dream pop, pop lo-fi et expérimentations électroniques, sans jamais vraiment savoir où s'arrêter. Avec into a pretty room, ils prennent enfin la mesure de leur propre chaos et en tirent une œuvre plus affirmée, où la spontanéité se frotte à une certaine maturité. En d'autres termes, ils ont appris à mieux rater, et c'est tant mieux.
Dès alive, on sent que quelque chose a changé. Le morceau distille une douceur fragile, soutenue par un glitch électronique sentimental, quelque part entre Sega Bodega et Oklou. Une ouverture en trompe-l'œil, qui suggère un album en apesanteur, avant que barnyard ne débarque et rappelle que lots of hands n'ont pas renoncé à leurs penchants pour une pop mélancolique nineties, un peu saturée, un peu désabusée.
Les choses prennent une autre tournure avec in b tween et into a pretty room, où les fantômes de Cocorosie planent au-dessus de compositions en équilibre instable, pleines de sensibilité et de dissonance. C'est subtil, c'est fragile, et ça vacille juste ce qu'il faut. Ailleurs, masquerade adopte une posture plus flegmatique, avec ses guitares dandines et un faux air de Mac DeMarco en roue libre, oscillant entre rêverie cotonneuse et apathie assumée.
Et puis il y a ces morceaux où lots of hands regardent ailleurs, du côté d'une americana grungy façon Beck première époque, notamment sur the rainet backseat 30, qui sentent bon la poussière et la mélancolie champêtre. Un détour inattendu mais loin d'être hors sujet.
Enfin, l'album s'autorise un pas de côté avec fun and loving, qui lorgne vers les territoires plus abstraits de Boards Of Canada et les expérimentations jazz de Duval Timothy, avant de s'éteindre en beauté avec helen's song, une ballade piano-voix à la fois touchante et un brin slacker dans la production – comme si la mélancolie s'y lovait avec une nonchalance désarmante.
En somme, into a pretty room n'est pas l'album du renouveau, mais celui de l'affirmation. lots of hands n'ont peut-être pas encore totalement coupé le cordon avec leurs influences, mais ils parviennent enfin à imprimer leur patte, à la fois délicate, sentimentale, lo-fi et glitchée. Un disque à serrer contre soi, qui accompagnera nos hivers sans trop en faire, et c'est bien pour ça qu'on l'aime.