« Nous sommes SOAPBOX de Glasgow en Ecosse ! ». Une intro qui se suffit à elle-même, bienvenue dans cette deuxième journée de la Block Party du Supersonic new look.

Il est 16h30, et pendant que certains prennent le thé, les mecs de
SOAPBOX s'enfilent des canettes de Brewdog scotchées pour faire passer la gueule de bois. Le premier concert de la journée au Supersonic assuré par les mecs les plus bordéliques et géniaux du week-end, ça joue hors des limitations de vitesse sur un pot d'échappement débridé, le guitariste Angus Husbands a une molécule d'éthanol stickée sur sa gratte, et en parlant de ça voilà qu'on attend toujours le bus et le premier pogo de la soirée. Tom Rowan hurle que les transports publics privés puent la merde, avant de descendre dans la fosse chercher les quelques gusses (dont votre adoré chroniqueur) qui sautent, leur mettre deux ou trois coups d'épaule et les envoyer dans la fosse pour qu'enfin les hostilités commencent. Une manœuvre classique du frontman pour mettre le public en branle, croyez-en mon expérience c'est mon quatrième concert de SOAPBOX en un mois, et quel meilleur excitant que de se recevoir un chauve écossais trempé de sueur dans les gencives au beau milieu de l'après-midi ? Un chauve asthmatique qui plus est, alors un petit coup de ventoline et on est reparti pour
Meter Made, pour insulter tous les politiques de l'île de Bretagne, pour se plaindre du prix de la bière parisienne sur
Disgrace, une vraie putain de disgrâce c'est moi qui vous le dis. Un bordel généralisé malgré l'heure et la faible population, Tom Rowan monte sur les barrières, court dans la foule, projette un tas de fluides indistincts sur le public pendant qu'Angus Husbands frotte dans son coin sa guitare avec son alien
Toy Story (aucune métaphore), et que la section rythmique tabasse les oreilles et les petits enfants sans jamais relever la tête. On en ferait bien cent lignes de plus mais retenez juste que SOAPBOX c'est banger, et que fuck
Fascist Bob, et que « fuck Marine Le Pen ». Ce n'est pas moi qui le dis mais une bande d'écossais complètement givrés, génialement frappés.
De fous en fous, avec un comme un air de déjà-vu, retour au Café de la Danse pour notre transition préférée, de Glasgow jusqu'à Brighton la musique maudite et providentielle d'
Opus Kink retentit de nouveau à Paris moins de vingt-quatre heures après la dernière fois. Je ne vous referai pas la complète, eux non plus d'ailleurs, qui vont devoir sacrifier
1:18 et
This Train de la setlist pour rester dans les clous, mais sachez qu'on avait la place de respirer et après hier on ne va pas s'en plaindre, et ce même si notre claviériste préféré doit en garder son t-shirt ! Bref, le son est nickel, la prochaine chanson s'appelle « je veux avec toi habite », Malarkey lèche les briques de sa langue noire et râpeuse, le groupe se met des mains au cul et
St. Paul Of The Tarantulas provoque une épidémie de tarentelle aigue dans la fosse pour finir. Vous vous en doutez tout le monde est ravi, très heureux d'avoir séché les réunions Teams pour aller écouter et mater Opus Kink, le meilleur groupe de tout l'univers connu, et ça c‘est moi qui le dis !
Et maintenant qu'on est devenu malin on va arrêter de traverser Bastille de long en large et rester dans le carré du coin aux Disquaires, retour en Ecosse pour un groupe qui va nous jouer d'une musique tout sauf écossaise, un groupe étrangement nommé
Dictator. De la pop indé hip et trip-hop, une vibe pas si éloignée d'easy life quand le groupe s'appelait encore easy life, et une formation à quatre avec un batteur, un bassiste, une trompettiste, et un chanteur qui nous prévient dès la première seconde qu'on est pas près de comprendre un broc de son accent. Une affirmation parfaitement vraie sur laquelle on va confortablement s'asseoir, de la même manière qu'on va s'asseoir un peu au fond des Disquaires parce qu'on se fait vieux et qu'on a trop mangé. Un Dictator qui lui aussi a apparemment mangé trop de croissants ce week-end, et si tous les dictateurs étaient écossais, le monde serait nettement plus cool et en constante rupture de pains au chocolat. Tout le monde saurait aussi résoudre un Rubik's Cube, happening inattendu du soir où le groupe propose à une spectatrice de monter sur scène pour en résoudre un le temps de leur chanson
Rubik's Cube, un défi pas vraiment remporté mais nous n'en dirons pas plus, et on finira le concert debout sur les banquettes pour encourager quatre écossais que personne ne connaissait la semaine dernière et qui pourraient bien devenir le groupe préféré de ton groupe préféré un de ces jours.

Une bande qui nous a rappelé l'existence de Wax Taylor et dont le dernier EP
Middle Of The Road est vraiment excellent, alors que pendant ce temps à Vera Cruz quelqu'un nous envoie un SMS pour nous dire que
Formal Sppeedwear c'est génial. Bon, génial pour les fans des Talking Heads, donc à prendre avec des pincettes, mais si vous faites partie de cette catégorie, déjà pourquoi ? Qu'est-ce qui vous est arrivé dans la vie ? Et secundo, jetez une oreille à Formal Sppeedwear, paraît-il que c'est trop bien !
Mais le fait est qu'on était pendant ce temps allés voir
The Youth Play, et il faut le dire le groupe qu'on avait vu il y a deux ans et qu'on avait traité de « moyen mais meh » a bien changé. Du shoegaze bien mais sans plus de l'époque la jeunesse joueuse a musclé le jeu, et le quatuor se place désormais du côté rock de la force quand Diego Bracho prononce ces mots que l'on pensait inimaginables : « celle-là c'est pour les pogoteurs ! ». Du bon gros dream rock rentre-dedans, voilà donc la nouvelle DA de The Youth Play, et même si la folie prend encore un peu son temps en studio, gageons que ce petit séjour dans le bunker de la Mécanique Ondulatoire aura donné la rage à nos londoniens d'y aller un peu plus fort, parce qu'à un moment tape dans le fond je suis pas ta mère ! Un moment, et quel moment,
After A Moment nous rappelle à la douceur et au fait que les gars ont quand même écrit une des meilleures chansons de shoegaze de la décennie, avant un final
If We Just Ever Were qui reste à ce jour la chanson la plus énervée jamais enregistrée par le groupe, et on les en remercie !

De bruns ténébreux en bruns ténébreux, naviguons dans la brume et flashons sur la brune, ce sont
Basht. qui nous attendent au Badaboum tout juste débarqués de leur glorieuse Irlande. Le croisement de Wunderhorse et des Cardinals dans la ville de Dublin, le chanteur James Leavey porte un t-shirt des Pogues pour signifier son AOP, les guitares rejettent une mèche en arrière, essuient une larme qui n'a pas encore coulée, et notre cœur est noir, oh si noir. Du rock sale mais pas trop, pop mais pas trop, des belles gueules mais pas trop non plus, et Basht., ce groupe qu'on peine à définir tant il est le groupe de rock standard par excellence, quatre mecs en t-shirts et jeans noirs qui chantent la douleur sur une distorsion contenue et juste ce qu'il faut de reverb. Un groupederock.png qu'on a tout de même hâte de revoir dans la capitale tant le fait de revenir à l'essentiel fait parfois plaisir, et puis quitte à ne pas être original autant le faire bien, et ça Basht. le font vraiment très bien.

La sortie du Badaboum, deux ruelles qu'on commence à connaître comme notre poche, le Café de la Danse,
Honeyglaze. Un groupe qui commençait à nous manquer depuis ce soir de décembre au Supersonic Records, depuis la belle découverte d'un trio timide et touchant capable d'époustouflantes fulgurances, parfaitement calé dans la vague de popularité du raz-de-marée English Teacher. En effet, dur d'éviter la comparaison à l'écoute de leur dernier album
Real Deal, et en même temps être comparé à English Teacher qui va s'en plaindre ? Probablement pas Anouska Sokolow, Tim Curtis, et Yuri Shibuichi alors qu'ils investissent la grande salle du Café de la Danse, une salle qui ne sera jamais vraiment remplie du week-end, mais pour une fois qu'on respire et qu'on peut profiter de la belle musique d'Honeyglaze dans le cadre qui lui est dû...
I Feel It All prend possession des murs, projette ses sentiments de toute sa hauteur, de toute sa force contenue, cette puissance poignante que l'on ressent de l'intérieur, comme si le son n'avait plus besoin d'air pour se transporter jusqu'à nos oreilles. Mais il y a un temps pour intérioriser et un temps pour hurler,
Don't a des choses à dire, des putains de sentiments, Anouska sature la sono et thérapise sa colère, chaque cri invoque la foudre, une explosion de lumière sur fond de briques brûlées par le gémissement des amplis, la salle tremble sous les coups, les coursives se mettent en branle jusqu'au retour du calme, jusqu'à ce que le blanc devienne bleu et le tonnerre un doux murmure.
TMJ nous entraîne sous l'océan, le mur se pare de couleurs violacées et bleutées, de formes ondulant sur la pierre vers les lentes montées de la magnifique
Movies, Tim Curtis sort son archet et le laisse glisser sur ses cordes de basse, on rassure les
Pretty Girls ceci n'est pas une métaphore mais le plus gros tube de la jeune carrière de Honeyglaze, un tube qui va réveiller Bastille en même temps qu'Anouska commence à nous crier dessus, et si c'est ça les jolies filles je préfère ne rien avoir à faire avec (faux).
Une sublime fin de concert qui nous aura donné faim, alors plutôt que rester cinquante minutes à attendre on va se chercher un kebab ou une crêpe, on tombe sur un Franck Narquin qui décidément ne nous quitte plus pour son caméo obligatoire de la journée, avant de de toute façon tous finir au concert d'
October Drift dans ce Café de la Danse que l'on venait de quitter, et que l'on va retrouver dans une ambiance radicalement différente. Car si Honeyglaze ont donné dans la magnificence et les occasionnelles sautes d'humeur, October Drift, ce sera quarante minutes de rock de stade et de musiciens à la fois fous et un peu suicidaires. Pour preuve de stade, le public chante dès l'ouverture
Demons avant que le frontman Kiran Roy ne descende un peu plus tard dans la fosse, monte les escaliers, passe dans les tribunes du Café pendant que le programmateur du festival fait du cable management pour éviter un drame, et que notre bon pote JC ne regarde depuis sa chaise de daron l'excité du soir se pendre à la coursive. Un chanteur posé sur un ventilateur à trois mètres du sol qui saute sur une foule compacte, un intemporel des concerts d'October Drift enchaîné par un wall of death dès le titre suivant, le groupe n'a ni peurs ni reproches ni limites et même le guitariste Dan Young descendra jouer dans le bain de foule avant de s'écrier « Sacrebleu, you are f*cking nuts ! ». Et c'est pas faux, les noix ça va bien avec le bleu, mais laissons de côté ces considérations culinaires pour en revenir à la dernière d'October Drift ce soir, une belle ballade aux accents Oasis-iens jouée au milieu d'un public bras-dessus bras-dessous, dans une grande ronde de l'amitié qui entoure un chanteur et un groupe complice, simple, proche de ses fans et de l'essence même de la musique. Des gars qui ne seront probablement jamais des stars, mais qui nous rappellent chaque jour que la musique c'est d'abord un don de soi, une honnêteté émotionnelle, et des putains d'accords de guitare !

Une formule que n'a pas oubliée
ELLiS-D, le petit gars de Brighton qui conclut cette soirée et que l'on n'avait pas recroisé depuis sa première partie pour Fat Dog à Petit Bain. ELLiS-D pour Ellis Dickson venu ce soir avec le full band : lui au chant et à la guitare avec en supplément claviériste, bassiste, guitariste, et batteur pour le plus grand plaisir d'une foule qui va ce soir pouvoir vivre et respirer dans le Supersonic. Ellis et son post-punk psychotique, un gars dont ma mère dirait qu'il est dégingandé, sorte de phasme humain hyperactif et erratique en équilibre sous une touffe de cheveux bouclés, toujours à cent à l'heure dans la veine de sa chanson
Humdrum, la folie faite musique qui se déverse dans la salle et entraîne les premiers rangs dans sa démence. Le retour du pogo au cœur de chansons imprévisibles format parc Astérix, Ellis coupe le son et il remet le son, le Louxor adore et le Supersonic aussi, le groupe se demande combien de temps il lui reste, l'horloge indique dix minutes mais Opus Kink diraient le temps qu'il faut, alors c'est parti pour une nouvelle chanson de sept minutes sans queue ni tête mais pleine de groove, de guitares schizophrènes et de fosse en sueur.
Une nouvelle journée de festival peut-être encore meilleure que la précédente : SOAPBOX nous auront retournés d'entrée, Opus Kink les rois, Dictator les gentils dictateurs, avant de se rendre compte que The Youth Play est devenu un groupe de live, que Basht. c'est bien et irlandais (pléonasme), que Honeyglaze est un furieux vernis de miel amoureux du prof d'anglais, et qu'enchaîner October Drift et ELLiS-D dans la même soirée c'est bon pour le moral mais moins pour les cervicales. En bref, une nouvelle journée parfaite à la Block Party, et comme le dit la maxime, jamais deux sans trois, et trois et quatre et cinq zéros, mais ceci est une autre histoire. Une autre histoire pour un autre jour, alors à demain et surtout faites vos étirements !