Chronique Album
Date de sortie : 13.06.2025
Label : Sonic Cathedral
Rédigé par
Emmanuel Stranadica, le 10 juin 2025
Fin 2024, à l’occasion des vingt ans du label Sonic Cathedral, Steve Queralt — bassiste du mythique groupe shoegaze Ride — partageait un 45 tours en édition ultra-limitée avec Emma Anderson, ancienne chanteuse et bassiste de Lush. Ce disque marquait un tournant : c'était la toute première fois que le Londonien signait un morceau, Swiss Air, sous son propre nom. Ce titre ne constituait pourtant qu’un avant-goût. En ce mois de juin, Steve Queralt dévoile Swallow, son tout premier album solo.
Ce n’est cependant pas sa première échappée hors du giron de Ride : en 2022, il avait déjà publié un EP, Sun Moon Town, puis une cassette de réinterprétations de ces morceaux, avec le cinéaste Michael Smith. Ces compositions, aux teintes clairement cinématographiques, ne s’éloignaient pas complètement de l’univers de Ride. D'ailleurs un remix signé GLOK (alias Andy Bell, également membre de Ride) figurait sur la cassette. Rappelons qu’avant Ride, Queralt jouait déjà aux côtés d’Andy dans Big Spiderback, un groupe de reggae. Mais cette fois, c’est bien seul et sous son propre nom, qu’il livre neuf morceaux mûris depuis plusieurs années.
C’est peut-être l’enregistrement de Swiss Air qui a servi de catalyseur à Swallow. Ce morceau, paru sur le split single avec Emma Anderson, contient la voix de la musicienne. Steve Queralt espérait depuis longtemps qu’elle accepte d’y poser son chant, mais il aura fallu attendre qu’elle retrouve l’envie de chanter — ce qui arriva avec la sortie de son propre album, Pearlies. Swiss Air, avec ses textures électro-noisy, est une véritable pépite : à la fois audacieuse, sensuelle et viscéralement musicale. La combinaison de la voix éthérée d’Emma, du noisy des guitares et de la basse irrésistiblement groovy, évoque le meilleur du shoegaze des années 90, et n’est pas sans rappeler les envolées soniques de My Bloody Valentine. Emma Anderson prête également sa voix à Lonely Town, un autre moment fort du disque, qui flirte cette fois avec les grands moments de Lush.
Autre invitée de prestige : Verity Susman, ex-membre d’Electrelane. Son intervention sur Messengers sauve littéralement le morceau de l’oubli, car Steve Queralt n’arrivait pas à l’achever, incapable d’imaginer une voix ou de se satisfaire de sa version instrumentale. Verity Susman en a transcendé la structure, révélant tout son potentiel. Par ailleurs, on attend avec impatience son premier album solo, toujours en gestation. Le reste du disque se compose majoritairement d’instrumentaux, où Steve Queralt explore une palette allant du post-rock à l’ambient. High Teens évoque Robin Foster, tandis que A Porsche Shaped Hole ou 1988 rappellent Mogwai, notamment avec l’usage du piano mélancolique si cher aux Écossais. On retrouve donc dans ce disque une veine post-rock que l'anglais avait tenté, sans succès, d’imposer à Ride il y a quelques temps déjà. Nous ne sommes pas du tout déçu qu'il ait persévéré et qu'il sorte ces compositions en solo.
Avec Swallow, Steve Queralt livre un premier album solo élégant, abouti et profondément personnel. Les fans de Ride y trouveront des échos familiers, tandis que les amateurs de post-rock seront séduits par ses textures atmosphériques. On espère maintenant qu'il défendra ce disque sur scène, entouré de ses prestigieuses invitées. En tout cas ces accompagneront notre été sans aucun doute.