logo SOV

For Those I Love

Carving The Stone

For Those I Love - Carving The Stone
Chronique Album
Date de sortie : 08.08.2025
Label : September Recordings
4
Rédigé par Franck Narquin, le 7 août 2025
Le producteur irlandais David Balfe aka For Those I Love s'est fait remarquer en 2021 avec son premier album éponyme, mélange hybride entre spoken word, électro minimaliste et instrumentation organique porté par des textes à la sensibilité brute, intime et engagée. Il lui aura fallu quatre ans pour sortir un deuxième disque qui semble a priori reprendre la même formule mais en plus fort, plus dense, plus affûté et plus vivant. Drames intimes, loyautés impossibles, rage rentrée, dettes, tournées, gueule de bois, crise identitaire et Dublin comme personnage centrale forment la trame narrative de Carving The Stone.

Les morceaux sont enchaînés sans pause, voix parlée sur nappes électroniques mélancoliques avec des samples qui flottent entre club, chanson traditionnelle et drone ambient. Ici chaque morceau a été sculpté à la main, taillé dans l'os, aucun n'est accessoire, aucun ne répète l'autre. C'est un album no-skip qui s'écoute d'un seul souffle. Car le spoken word de David Balfe est un instrument à part entière, aussi précis qu'un cutter. D'un morceau à l'autre, il module, débit post-punk à la Sleaford Mods, flow rapé sur fond d'arpèges mineurs ou parlé grave et cérémonial, proche du théâtre ou du slam d'outre-tombe. Il crie, éructe, implore ou déclame mais jamais gratuitement car ses textes sont d'une richesse inouïe et sa manière de les dire transforme chaque phrase en événement.

Et derrière ces mots, les productions sont sublimes, inventives, tout en contraste et alternent émotion à fleur de peau et punk spirit. On pense à Ross From Friends ou à BICEP, pour cette capacité à faire de l'électronique cinématographique et émotionnelle, à Oneohtrix Point Never pour cette manière de coller des textures opposées sans les diluer, à Benefits pour la rage frontale, à Headache pour le désespoir murmuré et à The Streets pour cette manière de raconter le quotidien dans toute sa trivialité. Mais surtout, on pense à l'Irlande tant Carving The Stone est un disque résolument irlandais même quand il fait vibrer des gimmicks club mondialisés. Il y a l'accent, les expressions locales, les figures mythologiques, les quartiers nommés et les chantiers qui recouvrent la ville comme une lèpre de béton.

Les neufs titres composant cet album ne cessent de nous surprendre et de nous passionner, qu'ils soient sombres et introspectifs comme No Quiet ou The Ox / The Afters, flamboyants et enlevés sur No Scheme et Mirror, synthétiques et dansants (This Is Not The Place I Belong) ou emprunts de musiques traditionnelles et folkloriques (Of The Sorrows, I Came Back To See The Stone Had Moved).

David Balfe parle au nom des morts, des absents et des déplacés, mais jamais en sauveur. Il s'inclut dans le marasme, il s'accuse, il pleure ses contradictions et ses arrangements avec la honte de classe. Il parle des lads qui se sont rangés, qui ont « des vrais boulots maintenant » mais qui s'ennuient à crever. Il parle de lui, fils fidèle d'un pays qu'il ne reconnaît plus et qui ne veut plus de lui. Carving The Stone est un bloc à écouter d'un trait, et quand vient la fin, on reste sans voix, à regarder notre propre reflet dans le miroir et à se demander comme lui « If I'm going to bleed, then make me bleed with a blade I can see ».
tracklisting
    01. Carving The Stone
  • 02. No Quiet
  • 03. No Scheme
  • 04. The Ox / The Afters
  • 05. Civic
  • 06. Mirror
  • 07. This Is Not The Place I Belong
  • 08. Of The Sorrows
  • 09. I Came Back To See The Stone Had Moved
titres conseillés
    No Scheme - Of The Sorrows - I Came Back To See The Stone Had Moved
notes des lecteurs
Du même artiste