Chronique Album
Date de sortie : 17.10.2025
Label : Island Records
Rédigé par
Pierre-François Long, le 21 octobre 2025
Essai transformé. C'est la première expression qui vient en tête après l'écoute de From The Pyre, deuxième album de The Last Dinner Party, qui intervient à peine moins de deux ans après la parution de Prelude To Ecstasy. Il aurait été facile pour le quintet de chercher à reproduire ad nauseam la formule magique du single parfait qu'était Nothing Matters et d'enfiler les vignettes pop catchy. Au lieu de cela, on a droit à un album aventureux, réfléchi, et en un mot réussi.
Plutôt que de démarrer pied au plancher, le groupe préfère entamer cet album par Agnus Dei, mid tempo qui a le don de nous replonger tout de suite dans son univers bariolé. Mais ce titre reflète également ce que vont être deux caractéristiques communes à un grand nombre de titres du disque : une tendance aux morceaux à tiroirs, avec des structures originales, et une plus grande place accordée à Emily Roberts, dont la guitare électrique se révèle mise beaucoup plus en avant que sur Prelude To Ecstasy.
On continue dans le mid-tempo avec Count The Ways et un refrain à reprendre en chœur sur fond de cordes luxuriantes. On valide. Avec Second Best, choisi comme troisième single, on enclenche la seconde, avec changements de tempos à la clef et ligne de basse bien groovy. On notera également l'excellent boulot du batteur Casper Miles, sixième membre officieux du groupe, et la prestation vocale de premier ordre d'Abigail Morris (et une toute fin rappelant le This Town Ain't Big Enough For Both Of Us des Sparks, que The Last Dinner Party reprennent régulièrement en concert).
This Is The Killer Speaking, déjà testé en live l'année dernière, confirme son potentiel évident de tube pop, avec ses « aah aah aah aah » hurlés au refrain. Mais c'est tout sauf un titre facile, la preuve avec ce décrochage d'une minute n'ayant rien à voir avec le reste du morceau. Même en signant un des refrains de l'année 2025, The Last Dinner Party refusent la facilité et savent se montrer exigeantes, tant à leur égard qu'à celles de leurs fans.
Rifle porte la trace sur ses couplets de Lizzie Mayland, dont l'EP sorti cette année montrait une grosse influence de Joni Mitchell, qui s'entend ici clairement avec cette ligne de chant aux allures de montagnes russes. Le refrain est en revanche beaucoup plus direct, et on a encore une surprise au milieu du morceau avec un passage au piano agrémenté de paroles... en français. On enchaîne avec Woman Is A Tree, dont l'intro semble tout droit sortie de The Prophet's Song de Queen. N'oublions pas qu'Emily Roberts fut guitariste au sein d'un « female band tribute » de la bande à Freddie Mercury... Un morceau quasi tribal, intéressant mais pas impérissable non plus.
I Hold Your Anger est en revanche passionnante, à tout point de vue. Arrangements, construction, mélodie : en un peu plus de quatre minutes, le quintet nous offre une démonstration rare de créativité et de cohésion. La grande classe. Mais que dire de Sail Away qui suit ? Une ballade piano/voix de toute beauté, avec un final aux chœurs croisés n'allant pas sans rappeler les harmonies chères aux Beach Boys, c'est dire le niveau.
A peine remis de ses émotions, l'auditeur se prend The Scythe en pleines oreilles. Le deuxième single tiré de l'album confirme là aussi toutes ses qualités, avec notamment un refrain difficilement parable, les arpèges de guitare d'Emily Roberts au e-bow... Quel son ! Confirmation là aussi de l'excellente production de l'album, signée Markus Dravs (Björk, Arcade Fire, Brian Eno...) et de son mixage non moins réussi, œuvre d'Alan Moulder (Depeche Mode, U2, The Cure, Nine Inch Nails...).
The Last Dinner Party ont choisi de refermer le disque sur Inferno, titre presque gentillet après les deux claques qui l'ont précédé. Il n'empêche, l'évidence s'impose : on savait les anglaises capables d'écrire de très bonnes chansons, on sait désormais qu'elles savent aussi écrire un très bon album.