C'est sous un soleil de plus en plus absent, masqué par un ciel toujours plus menaçant, que débute ce deuxième jour du Main Square festival. Malgré cela, le public répond présent, après tout, on se dit que la musique peut autant déclencher la pluie que nous en écarter.

En ce début d'après-midi, on se dirige vers la Greenroom, scène sur laquelle se produit
Kreayshawn. La rappeuse américaine de 22 ans, qui tire son nom de scène d'un jeu de mot fait autour du mot « creation », se présente devant nous une peluche dans les mains qu'elle pose à côté des platines du DJ qui l'accompagne. Derrière cette apparence frêle et ce côté enfantin se cache une jeune fille au tempérament de feu qui, dans un mélange de hip-hop alternatif, conçoit des textes aux refrains catchy. On pense tout de suite à
Gucci Gucci, single sorti en 2011 et qui, de par son succès immédiat, lui permet de signer peu après chez Columbia Records. En effet, le vidéo clip qu'elle réalise elle-même atteint les trois millions de vues en trois semaines et se situe aujourd'hui autour de 36,5 millions de vues. Mais lorsque l'on assiste à sa prestation, on peine à imaginer un tel succès. C'est devant un tout petit comité constitué de quelques fans que joue Kreayshawn cet après-midi. Le dialogue avec le public peine à s'instaurer et les morceaux s'enchaînent sans réel émerveillement. Il lui manque sans doute cette expérience de la scène, se faire connaître dans le monde virtuel n'est pas forcément signe de succès dans le monde réel. Aujourd'hui, l'absence de décor renvoie davantage une image brute et presque fade en décalage par rapport à l'atmosphère joyeuse, colorée et rebelle qui se dégage de ses clips ou de ses collaborations. On pense notamment à L$D, un groupe dans lequel on la retrouve aux côtés de Tragik et Grimes et dont le titre
Don't Smoke My Blunt Bitch est sorti le 10 juin dernier. On reste sur notre faim et on espère que la sortie du premier album de Kreayshawn le 14 août prochain permettra à la rapeuse, néanmoins prometteuse, de davantage se faire connaître.
Sentant le temps de plus en plus menaçant, on décide de se mettre à l’abri en attendant qu'il soit l'heure de se rendre sur la grande scène pour aller y voir
Within Temptation. Quelques minutes avant l'heure prévue, une pluie battante s'abat subitement sur le site du festival. Pendant une légère accalmie, qui ne sera malheureusement que de courte durée, on en profite pour se rendre sur la grande scène. Les deux écrans géant qui l'entourent sont à l'arrêt. C'est dans un ciel apocalyptique, entourant la chapelle de la citadelle d'Arras, que le groupe aux envolées gothiques symphoniques nous offre une prestation sortie tout droit des ténèbres.

Si l'intensité pluvieuse diminue avec l'arrivée de
The Kooks, celle-ci persiste néanmoins, nous gratifiant d'un temps des plus anglais. En observant The Kooks sur scène, quatre ans après leur premier passage au Main Square Festival, on note que le quatuor a gagné en maturité. Le groupe de Brighton formé en 2001 autour de Luke Pritchard, avec depuis 2008 Peter Denton à la basse, revient ici défendre son troisième album
Junk Of Heart sorti en 2011, un disque plus sage loin de la hargne des deux précédents.
Mais, heureusement, la scène nous permet aussi de réécouter leurs premiers faits d'armes, toujours autant efficaces. On se prend notamment à chanter à tue-tête sur un
Do You Wanna survitaminé, sautiller sur
See The World. Quand
Naive retentit, on ressent ce sentiment adolescent de liberté intense renaître. La pluie devient alors un allié festif et la boue recouvre maintenant les joues des plus heureux, le soleil dans nos cœurs. The Kooks, cet après-midi auront réussi a illuminer notre journée. Ils s'en vont nous glissant ces quelques mots : « Nous sommes les Kooks, au revoir ».

Il est maintenant 19h35,
Florence And The Machine arrive sur la grande scène. Derrière un décor magistral sur fond de toile géante représentant des vitraux, se dévoilent des disques dorés d'une couleur éclatante en guise de véritables disques de soleil. Au milieu de cet ornement trône le micro de Florence Welch tel un prisme aux milles reflets, symbolisant le joyau brut qu'est sa voix. À peine arrivée sur scène pour jouer son tout premier titre
Only It For A Night que l'on est directement plongé dans cet univers aux confins du mystique et du baroque. Florence, accompagnée de son groupe The Machine, nous offre une réelle percée lumineuse dans un ciel qui semblait au départ voué à la noirceur. Avant de démarrer
Rabit Heart (Raise It Up), la chanteuse londonienne demande aux personnes présentes si elles sont prêtes à se livrer comme sacrifices humains. Le public se prête au jeu et on en observe désormais plusieurs fans en équilibre postés sur les épaules de leurs voisins. Le morceau aura aussi permis de faire cesser la pluie, ouvrant alors un retour triomphant au soleil. Par la suite, la chanteuse nous confie qu'elle aurait aimé faire une danse de la pluie mais que celle-ci a malheureusement cessé.
S'ensuit un
Spectrum sautillant avec des airs pop. C'est d'ailleurs par sauts élégants que se déplace la chanteuse tout au long de sa prestation, elle semble infatigable. Florence Welch, telle une colombe, nous offre une plongée dans un monde lugubre dans lequel la musique joue un rôle rédempteur. Sur
No Light, No Light, le son de l'orgue mêlé à la harpe nous rappelle les premiers pas de Florence Welch, qui fut notamment enfant de chœur. Le point d'orgue reste le poignant
Never Let Me Go, véritable connexion à l'esprit chamanique sur ce début en piano-voix. Florence semble être le double orchestral de Virginia Woolf, à la fois partagée entre mélancolie profonde et ce don pour filer les métaphores aquatiques en forme de vagues à échos multiples. L'artiste finit sa prestation sur un
What The Water Gave Me tout en crescendo. Tout simplement exceptionnel ! Sans aucun doute possible la performance la plus marquante de ce Main Square Festival !

Un peu secoué par la prestation que l'on vient de vivre, on s'apprête désormais à retrouver
Pearl Jam. Le groupe de rock américain des années 90 fut l'un des plus populaires du mouvement grunge. Ce n'est pas sans raison si en 2005, il fut élu par les lecteurs du USA Today meilleur groupe américain de tous les temps. En effet, la formation, fidèle à sa réputation, nous livre une prestation intense de près de deux heures durant laquelle Eddie Veder et sa bande interprètent tous leurs classiques dans une réelle communion avec le public. Ce dernier reprend à l'unisson chacune des paroles.
Le groupe démarre sa prestation en remerciant Florence Welch et son groupe d'avoir apporté le soleil. En guise de décor, on trouve un immense mur du son qui changera juste après
Rearviewmirror pour le rappel de sept titres. Mais ce que l'on retient surtout, ce sont les innombrables solos de guitares de plusieurs minutes qui nous laissent sans voix. Comment ne pas être admiratif devant tant de maîtrise. Le concert est impeccable et se termine sur un
Yellow Ledbetter dantesque.
Eddie brandit sa bouteille de vin de bordeaux vide puis la donne à une personne du public. Il s'assoit ensuite pour fumer, juste le temps d'une cigarette. Il se sent bien et ne veut pas s'en aller. Avant de partir définitivement, il finit sur une dernière danse avec son groupe avec pour fond sonore le concert de The Rapture.

On finit la soirée sur quelques notes du groupe américain aux mélodies électro post-punk. Les temps forts seront notamment le désormais culte
Echoes, utilisé pour illustrer le générique de la série anglaise Misfits, mais aussi le dansant
How Deep Is Your Love?.
Encore de très bonnes surprises en ce deuxième jour d'un Main Square festival devenu pour un temps Rain Square festival.