Westside Cowboy

Je n'ai jamais rencontré quiconque que je pensais pouvoir vraiment aimer (jusqu'à toi). Une chanson prophétique et une carrière qui débutent par un cri, un cri comme le big bang d'un univers musical en expansion exponentielle : Westside Cowboy !! La dernière trouvaille en date de Nice Swan Records et l'une des plus grosses hypes de l'Angleterre britpop, pour un groupe qui ne se réclame que d'un genre qui n'existe pas encore, un genre qu'ils ne savaient pas impossible et qu'ils ont créé, à quatre, dans une chambre à gratouiller des reprises de country-folk en quinconce, la Britanicana. Reuben Haycocks, James Bradbury, Aoife Anson O'Connell et Paddy Murphy, des mancuniens avec des noms d'irlandais qui rêvent de la grande Amérique, celle d'Hank Williams, celle de Bob Dylan, celle de ces cowboys des villes, westside cowboys chargés de contrôler la circulation des trains sur la dixième avenue de Manhattan, New York City, état de New York.

Alors les Westside Cowboy se sont pris à rêver d'une Amérique qui n'est pas la leur, d'une Amérique qu'ils n'ont jamais vue, d'une Amérique de playlists honky tonk et de vinyles écornés constellés de mecs avec des chapeaux. Et plutôt que soupirer et se morfondre, depuis leur autre côté de l'Atlantique, l'Amérique ils vont la faire, avec trois briques et deux guitares, un peu d'enduit, deux seaux de peinture, une basse et une batterie, dans la chambre de leurs potes ils vont la faire l'Amérique, dans le garage de leurs parents ils vont la faire l'Amérique, sur toutes les scènes du monde ils vont la faire l'Amérique. La Britanicana, l'Amérique faite par des britons fans de rock et de country, fans de Wilco et de Weezer et d'Oasis et de Blur, des gamins élevés dans des pubs entre un fiddle irlandais, les santiags de Dolly Parton et un CD gravé de Pavement, dont l'unique ancêtre récent est un génial groupe nommé Divorce, autre pont brillant et actuel entre l'americana, le grunge, et la britpop.

Des gamins qui remplissent des scènes de festival sur la base de deux singles et d'une rumeur qui court plus vite que son ombre, une rumeur très justement titrée This Better Be Something Great, le tout premier EP de l'histoire de Westside Cowboy, et un EP qui ne pouvait être que something great. I've Never Met Anyone I Thought I Could Really Love (Until I Met You) sera, en plus d'être à jamais le premier single de l'histoire du groupe, la première chanson d'un EP qui dessine une à une les cases d'une BD nommée Westside Cowboy : du Weezer joué sur la jante dans une chambre d'ado, des chœurs à réveiller une grand-mère sourde au bout de la rue, et une batterie qui lui fera sauter le cœur avant de le redémarrer, au son des cavalcades de ses westerns d'antan. Un western qu'on disait sur la jante et la diligence Westside Cowboy fonce l'essieu cassé vers le précipice, les fûts partent en roue libre et se font la malle par les fenêtres, les guitares dévissent et dévissent et Lucky Luke fume sa clope et crie Alright Alright Alright.

Une chanson comme un éclair dans la nuit, une furieuse course-poursuite déglinguée au budget limité, une fourchette dans la prise pour que le courant passe entre nous, et un voyage terminé on ne sait comment dans le soleil couchant, en Californie, pays des Drunk Surfer. Un raz-de-marée pop-rock entrecoupé de calmes plats, une batterie épileptique de magnitude dix sur l'échelle de Strummer, un Divorce sur la plage à San Diego, un tramway ivre à San Francisco, et dans tout ça le souvenir des plus belles heures du blue album de Weezer. Shells poursuit en double et triple voix des lignes plus douces et mélodiques, l'ouragan laisse place à la brise marine, sur la plage les coquilles brillent du passage du sable, dans l'air chaud les mouettes suivent le chalutier qui rejette des sardines à la mer, et dans son mobile home sur la côte, Tomy dort avec un flingue sous son oreiller.

Tout ça pour finir, comme toujours avec les anglais, par une ballade. Slowly I'm Sure attend patiemment, toute dépouillée, toute déglinguée, comme tout le reste de cet EP sur le fil qu'on dirait enregistré dans un radio-cassette. Et lentement j'attends, et lentement je suis sûr que tu ne m'aimeras plus jamais, et comme une histoire d'amour s'éteint une autre commence. Notre histoire d'amour avec Westside Cowboy, des mancuniens avec des noms d'irlandais qui, parce qu'ils n'avaient pas de bateau, ont fait l'Amérique dans leur jardin. This Better Be Something Great, le premier EP de la carrière des cowboys de Manchester et une phrase qu'on ne manquera pas de leur rappeler, parce que si ça promet bien quelque chose, c'est que this is gonna be something great !