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Rock en Seine

Paris, du 23 au 27 août 2023

Live-report rédigé par Fab le 30 août 2023

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Après deux jours de festivités, voire même trois pour les courageux ayant également participé à la soirée d'ouverture en compagnie de Billie Eilish, les jambes de nombreux festivaliers sont lourdes en ce dimanche 27 août. Pourtant, l'affiche de cette dernière journée est assurément la plus belle sur le papier de ce cru 2023, avec en guise de cerise sur le gâteau la venue de The Strokes, espérés depuis de nombreuses années à l'affiche de Rock en Seine.


Avant que ne vienne le tour de la tête d'affiche, le copieux programme débute tout en douceur sur la scène de la Cascade avec Angel Olsen. Bien accompagnée par son groupe, la musicienne va livrer un court set d'une petite quarantaine de minutes où se mêlent folk, rock et country pour un résultat faisant dodeliner les têtes d'un public visiblement majoritairement constitué de curieux ne connaissant guère son répertoire. Si quelques envolées un peu plus relevées viennent sortir ce dernier de sa torpeur de début de journée, difficile de rentrer dans cet univers en l'espace de six titres. Une mise en route somme toute agréable et de qualité, mais guère adaptée à la vue de programmation du programme du jour.


Le contraste avec le spectacle proposé sur la Grande Scène par Nova Twins est saisissant. Aperçues à de nombreuses reprises à Paris et plus généralement en France dans un passé récent, notamment suite à la sortie de l'album Supernova, les deux furies en vont pas faire mentir leur réputation, déployant une énergie remarquable tout en ne cessant d'interagir avec la foule. Les intentions d'Amy Love et Georgia South, accompagnées par un batteur, sont louables, et la frange la plus jeune de la foule ne s'y trompe pas, mais difficile de ne pas ressentir un certain sentiment d'irritation à l'écoute de leur musique aux croisements du nu metal, du hip-hop et du punk. Le tout se révèle progressivement trop répétitif, calibré et dépourvu de nuances, le bulldozer Nova Twins renversant tout sur son passage en oubliant trop souvent les mélodies au profit de sa puissance de frappe. Un concert éreintant et balourd.


Le sentiment est tout autre sur la scène de la Cascade avec Gaz Coombes, venu confirmer en live les excellentes critiques reçues par son quatrième album Turn The Car Around publié plus tôt cette année. Accompagné par cinq musiciens, dont une choriste omniprésente, le leader de Supergrass proposé aujourd'hui un set à l'image de son univers solo : classieux, tout en maîtrise et d'une belle cohérence. Au centre de la scène à la guitare, son désormais traditionnel chapeau vissé sur la tête, le musicien à la voix reconnaissable entre mille berce le public avec cette pop accessible mais jamais redondante ni ennuyeuse. Parcourant l'ensemble de sa discographie, il livrera toutefois les meilleurs moments de sa prestation lors des interprétations d'extraits de son plus récent disque, à l'image de Turn The Car Around et de l'électrisant Long Live The Strange. Une belle confirmation de la part d'un artiste dont la carrière en solo ne cesse de prendre de l'épaisseur.


Après l'expérience, place à la fougue de la jeunesse avec Julie sur la scène Firestone. Si les sorties du trio américain sont tout aussi rares que qualitatives, et que leur premier album se fait toujours attendre, les quelques titres distillés ces deux dernières années leur ont déjà permis de se faire une place parmi les espoirs de la scène rock actuelle. Encore un peu brute et pas tout à fait dégrossie, leur musique entre noise et shoegaze, à l'image des influences assumées et évidentes de My Bloody Valentine et Sonic Youth, ne manque pas d'atouts. Si la qualité sonore de la scène ne jouera aujourd'hui guère en leur faveur, notamment de part la discrétions des voix de Keyan Zand et Alex Brady noyées derrière les instruments, leur puissance de frappe fait mouche et les assauts répétés de la guitare et la basse captivent une bonne partie de l'audience durant la grosse demi-heure de la prestation. On retiendra notamment les évidents pg 4. a picture of three hedges et through your window, en attendant que Julie ne finissent d'affiner les prometteuses nouvelles compositions entrevues aujourd'hui.


Alors inconnus du plus grand nombre lors de leur première venue en 2019, The Murder Capital ont depuis changé de braquet, en témoigne leur second album Gigi's Recovery plus (r)affiné que son prédécesseur et leur programmation sur la scène de la Cascade aujourd'hui, en attendant une tournée en France cet automne. Si les espoirs sont grands à l'heure du début de leur prestation, les espoirs vont rapidement être douchés par une acoustique très médiocre durant la majeure partie du set. James McGovern a beau ne pas ménager ses efforts comme à son habitude, les subtilités de leurs plus récentes compositions sont difficilement perceptibles aujourd'hui. Les tempos les plus lents peinent ainsi à convaincre, et il faut attendre l'arrivée de titres plus agressifs comme For Everything ou Feeling Fades pour voir la tension monter d'un cran et la sauce prendre réellement. Attendait-on simplement trop des Irlandais ou les conditions dans lesquelles ils se sont produits sont-elles les seules à blâmer pour expliquer la déception du jour ? Réponse dans quelques semaines dans des salles où les conditions leur seront, on l'espère, plus favorables.


Précédés par leur flatteuse réputation live, les furieux australiens d'Amyl And The Sniffers vont quant à eux dynamiter la Grande Scène et Rock en Seine avec une prestation détonante dont le mérite reviendra en grande partie à leur vocaliste, Amy Taylor, intenable dans une tenue très légère. Un peu bas du front, une impression renforcée par des looks un peu décalés que certains n'hésiteront pas à qualifier d'un brin ringards, leur punk frénétique a beau être répétitif, il se voit délivré avec une telle envie et un tel panache qu'il est difficile de refreiner son envie de secouer la tête et taper du pied, les slams et pogos devenant ainsi légion durant près d'une heure devant un public venu nombreux. Les brûlots Guided By Angels ou Security extraits de leur récent Comfort To Me font ainsi des merveilles à grands coups de riffs ou d'invectives, de quoi chauffer le terrain un peu plus, si cela était encore nécessaire aux dernières formations du week-end.


La majeure du partie du public semble s'être donné rendez-vous sur la scène de la Cascade pour retrouver les ultra-populaires Wet Leg, mais c'est à l'autre bout du Domaine de Saint-Cloud, sur la scène du Bosquet, que Young Fathers vont délivrer l'un des concerts les plus réjouissants de cette édition 2023. Si leur popularité ne cesse de croître depuis quelques mois et la sortie de l'excellent Heavy Heavy, c'est bien en live que la musique de Young Fathers prend une toute autre dimension. Avec un line-up enrichi d'un percussionniste, d'une choriste et de Callum Easter en guise de guitariste et claviériste, le set proposé aujourd'hui va être purement irrésistible. S'ils ont pour habitude se concentrer avant tout sur leurs interprétations au détriment de la communication, Alloysious Massaquoi, Kayus Bankole et Graham Hastings prennent aujourd'hui un plaisir certain face à un public qui le leur rend bien, les trombes d'eau tombant du ciel au milieu de leur set à partir de I Heard semblant les galvaniser tout autant que la foule, notamment durant le superbe In My View. L'énergie déployée par les trois frontmen est phénoménale, passant du rock au trip-hop en passant par la soul ou le rap, alors que les voix se mêlent et se superposent toujours dans une alchimie et des harmonies parfaites. Rincé au propre comme au figuré, le public savoure une fin de concert épique durant lequel le triptyque Geronimo, Shame et Toy fait monter la tension encore d'un cran, nous offrant par la même occasion le concert le plus marquant de la journée.


De retour sur la Grande Scène, nous retrouvons là encore une valeur sûre dans les conditions du live avec Foals pour leur premier concert dans la capitale depuis le retour du bassiste Walter Gervers. Si leur dernier album en date, Life Is Yours, n'a pas tout à fait reçu le succès public et critique escompté, la faute à une orientation plus pop et dance, la foulée massée face à eux et prête à réagir au doigt et à l'oeil à la moindre invective de Yannis Philippakis prouve que leur popularité n'a sans doute jamais été si grande. Avec une setlist balayant la principaux albums de leur discographie, et un leader en grande forme, le concert proposé est de qualité, tant sur les titres les plus aériens et étirés comme Olympic Airways et Spanish Sahara que sur les compositions plus agressives et directes à l'image de Wake Me Up, Black Bull ou Inhaler. Si l'on pourra regretter des interprétations peut-être moins spontanées que de par le passé, la maîtrise acquise en contrepartie et un set intelligemment construit avec le très apprécié et indéboulonnable Two Steps, Twice en guise de final auront achevé de convaincre les plus réticents : la prochaine participation de Foals pourrait bien se traduire par un rôle de tête d'affiche.


Présentée depuis plusieurs mois comme l'un des temps forts à venir de cette édition 2023, la venue de The Strokes va malheureusement tourner au désastre aujourd'hui. Alors que l'intégralité du public s'est massée face à la Grande Scène, absence d'une quelconque concurrence oblige, le concert va rester dans les annales pour une multitude de mauvaises raisons : éclairages de piètre qualité malgré une mise en scène imposante, problème sonores à répétition tout au long du set, setlist manquant cruellement de rythme, mais aussi et surtout un Julian Casablancas dans un état second, dans le mauvais sens du terme, qui n'aura de cesse de casser le rythme de la prestation durant près de 1h15. Qu'importe si le public ne demande qu'à s'enflammer, ce qu'il fera avec un certain plaisir à l'écoute de classiques de la première heure, ou si Albert Hammond Jr. et Nick Valensi font preuve d'une belle application derrière leurs guitares respectives, le naufrage est ce soir tout aussi triste qu'évident.

Si beaucoup préfèreront purement et simplement oublier ce dernier concert gâché, cette édition 2023 de Rock en Seine aura délivré son lot de promesses, surprises et grands moments, pas moins de 144 000 festivaliers ayant foulé les pelouses du Domaine de Saint-Cloud tout au long des quatre journées proposées. De quoi voir l'avenir avec optimisme, en vue d'une édition 2024 étroitement liée aux Jeux Olympiques et dont les contours se dévoileront progressivement dans les prochains mois !
artistes
    AMYL & THE SNIFFERS
    ANGEL OLSEN
    BE YOUR OWN PET
    BLUMI
    BONOBO
    FOALS
    GAZ COOMBES
    GIGI PEREZ
    JAN VERSTRAETEN
    JULIE
    KENNY BEATS
    MARGUERITE THIAM
    NOVA TWINS
    SG CORP
    SNAIL MAIL
    SPOINK
    TESSA GALLI
    THE MURDER CAPITAL
    THE REYTONS
    THE STROKES
    WET LEG
    YOUNG FATHERS
    ZED YUN PAVAROTTI
photos du festival