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La Route du Rock

Saint-Malo, du 14 au 16 août 2025

Live-report rédigé par Franck Narquin le 22 août 2025

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samedi 16
Jour 3 – Et à la fin, ce sont les Allemands qui gagnent
Au menu de cette troisième journée, pop éthérée, bruits stridents, sirènes électroniques, guitares planantes et quatre vieux messieurs de Düsseldorf, toujours aussi affûtés cinquante ans après leurs débuts. Alors que deux jours auront suffi à ruiner notre capital santé, eux semblent inusables. Comme quoi, la qualité allemande reste sans égale.


Maria Somerville – Irish Heart
La divine irlandaise Maria Somerville (aucun lien avec le chanteur de Bronski Beat et des Communards) nous présente sur scène les chansons de Luster, l'un des plus beaux albums de l'année. Entre dreampop et shoegaze, elle possède la douceur fragile de Mazzy Star, la sensualité feutrée de Beach House et la fureur murmurée de My Bloody Valentine. Un moment suspendu, prélude à une soirée de très haut niveau.


Fine – Danish Heart
On poursuit la rêverie avec la pop éthérée scandinave de Fine, qu'on connait aussi via The Crying Nudes, son groupe avec Dean Blunt. Certes, la grande scène d'un festival n'est pas l'écrin idéal pour sa musique, mais la danoise parvient tout de même à livrer quelques beaux instants d'émotion.


M(h)aol – Irish Blood
Si certains râleurs commençaient à piquer du nez, le réveil fut brutal. Post-punk tranchant et électro sans concession, M(h)aol déversent une intensité brute et violente sans laisser au public le temps de souffler. Malheur à ceux qui avaient oublié leurs bouchons d'oreilles.


Trentemøller – Danish Blood
Le match Danemark-Irlande continue avec Trentemøller qui offrent un show renversant avec une première partie sombre et hypnotique avant une métamorphose vers une explosion électro enivrante. Tension, lumières, rythmes et émotion condensés, tout y était. Une claque visuelle et sonore.


SUUNS – Canada Gaze
Hypnotiques, intenses et très attendus par leurs fans français, SUUNS ont assuré le show. Mais le Fort était déjà en état d'attente sacrée pour Kraftwerk et il fallait bien penser à se sustenter et à s'hydrater pour tenir jusqu'au bout.


Kraftwerk – The Man Machine
Plus de 3D ni de lunettes en carton qui glissent du nez, Kraftwerk reviennent à la Route du Rock en mode essentiel, quatre silhouettes immobiles derrière leurs pupitres comme si rien n'avait bougé depuis 1977. Et pourtant, ça fonctionne toujours. Le Fort de Saint-Père se transforme en cathédrale électronique, chaque séquence s'abat comme un missile, preuve que l'avenir qu'ils avaient imaginé il y a cinquante ans reste notre présent.

La setlist a des allures de musée vivant, The Robots, Autobahn, The Model, Tour de France, nous aurons droit à la collection complète. Mais loin de la nostalgie figée, le son reste d'une modernité implacable, rendant instantanément ringards trois quarts des DJ de festival. On a même surpris quelques quinquas en chemises à fleurs s'adonnant à des pogos appliqués sur Computer World, vision absurde et parfaite.

On pourrait se moquer de leur immobilisme, toujours la même posture, les mêmes visuels et les mêmes blouses de laboratoire, mais ce refus d'évoluer est sans doute leur geste le plus radical. Pourquoi changer quand on a déjà tout inventé ? Sans eux, pas de techno, pas de Daft Punk, pas même ce foutu revival EBM. Était-ce un concert, une messe ou une installation retro-futuriste ? Sans doute un peu tout cela à la fois. Ce soir, il n'y avait pas match, les Allemands ont encore gagné par K-O.

Sega Bodega – The Machine Man
L'irlando-chilien Salvador Navarrete, alias Sega Bodega, réserve une clôture étincelante avec son show Unadulter8 (A/V). Hyperpop, IDM, techno, electronica et synthwave s'enchaînent à un rythme effréné devant un déluge d'images syncopées. On oublie nos jambes lourdes et on se laisse happer par le beat, le Fort devenant dancefloor géant.

Verdict
Ce troisième acte nous a offert un crescendo parfait, où la douceur flottante de Maria Somerville et Fine a laissé place à l'énergie sombre de M(h)aol et Trentemøller, pour finir en apothéose synthétique et visuelle. Kraftwerk, maîtres d'œuvres éternels, ont ouvert la voie à Sega Bodega, maître du futur. Une clôture rêvée pour une Route du Rock qui tient son allure, résolument tournée vers demain sans renier ce qu'elle fut. Que cela continue ainsi encore de nombreuses années !
artistes
    Kraftwerk
    Trentemøller
    SUUNS
    Sega Bodega presents Unadulter8 (A/V SHOW)
    Fine
    M(h)aol
    Maria Somerville
    Camilla Sparksss
    Milan W.
    Pauline Gompertz
photos du festival