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H. Hawkline

Interview publiée par Laetitia Mavrel le 1er avril 2023

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Quelques heures avant son entrée sur scène au Trianon de Paris, Huw Evans alias H. Hawkline nous reçoit dans les loges tout en velours rouge du théâtre parisien pour un petit entretien afin de faire connaissance en évoquant son univers pop poétique reflété dans Milk For Flowers, cinquième album sorti début mars.

Ravie d'enfin te rencontrer ! Pour ma part, je t'ai découvert lors d'une soirée Avant-Garde du Pitchfork Music Festival à Paris au Supersonic Records en 2021. Depuis lors, j'ai exploré ta discographie et ai présenté ton travail pour la sortie de Milk For Flowers. Je te laisse te présenter à nos lecteurs qui ne te connaitraient pas encore...

Je pense que les lecteurs qui ne connaissent pas mon travail solo ont probablement entendu parler de moi comme un musicien en accompagnant d'autres ! Et c'est ce qui me prend le plus de temps en ce moment. Je dirais que je suis « l'homme mystérieux au fond de la scène » ! (rires)

Tu as en effet collaboré avec de nombreux musiciens célèbres, certains gallois comme Cate Le Bon et Gruff Rhys, d'autres internationaux tels Kevin Morby ou évidement Aldous Harding dont tu assures la première partie ce soir. Qu'est-ce que ces nombreuses collaborations t'apportent en tant que musicien ayant lui-même sa propre carrière ?

Ça me permet de jouer d'une façon qui ne dépend pas que de moi, de m'adapter à d'autres univers, d'autres exigences. Ça permet d'enrichir ton propre répertoire, ça élargit ton univers. Tu apprends énormément, tu t'imprègnes d'autres méthodes, sans copier bien sûr, et ainsi tu t'améliores. C'est génial de se nourrir de l'univers musical d'un autre.

Est-ce que cela peut paraître difficile de se mettre en retrait quand on a ton expérience ?

J'ai toujours aimé faire partie d'un collectif, être un élément d'un tout, c'est comme être une pièce d'un puzzle. C'est aussi moins éprouvant émotionnellement parlant de simplement participer au projet d'un autre musicien, c'est agréable aussi de se reposer sur les décisions de quelqu'un d'autre ! C'est différent et c'est aussi l'occasion de réfléchir, de se dire qu'on ne ferait pas ça comme ça... Mais on est là pour faire son boulot et donner satisfaction, donc on se laisse guider.

J'ai écouté Milk For Flowers, qui est donc le premier album de ta discographie dans lequel je me plonge réellement. Je trouve cette pop orchestrale très belle et apprécie énormément les différentes touches de folk que l'on peut y trouver. Il me semble qu'il s'agit d'un album très personnel cependant. Quelle est son histoire ?

Au moment où j'ai fait ce disque j'ai perdu quelqu'un de très proche. J'ai en fait commencé à l'écrire avant et je l'ai peaufiné pendant et après cet évènement. Il s'agit de gérer son deuil, et quand je l'ai écrit j'avais un peu l'impression de trahir ma relation avec cette personne, en dévoilant mes sentiments les plus intimes. Je suis normalement quelqu'un de très discret sur mes émotions, mais j'avais besoin d'écrire et c'est en fait un album sur la personne que tu es avant, pendant et après, car tu n'es forcément plus le même après la disparition.

Je te rassure, à l'écoute ça ne sonne pas du tout triste...

Merci, je suis heureux d'entendre ça ! (rires)

Tu as eu une carrière à la télévision avant de te lancer dans la musique (ndlr : H. Hawkline s'est fait connaitre sur la chaine S4C au Pays de Galles en présentant une émission musicale avant 2010), tu es donc familier avec le fait de devoir se forger une image quand on évolue dans le show-business... Tes dernières vidéos reflètent ton sens de l'esthétisme : c'est très arty, très burlesque, elles sont aussi très atypiques. Quel as été ton rôle dans leur réalisation ?

L'idée des vidéos est la mienne, je voulais que ça soit très cinématographique. En fait je me suis retrouvé avec un budget limité pour trois films et c'est un ami qui m'a suggéré de faire la même vidéo mais à chaque fois avec des paroles différentes. J'ai trouvé ça très culotté ! La musique donne tout son sens aux images. Par exemple, si tu regardes une course en voitures, si tu mets une musique dynamique, ça donnera un côté action. Si tu mets en fond sonore une balade de Paul Simon, tout de suite ça apportera un côté très triste. Il y a toute une série d'images : cette personne, moi, qui lutte pour attacher les boutons de sa veste, cette scène où je coupe les cheveux d'un petit garçon dans le désert... On voit les mêmes images, mais à chaque fois avec des paroles différentes, ça donne un aspect très particulier à chacune d'entre elle.

Je trouve ça très intelligent !

Aldous m'a fait une remarque très chouette à propos de ces vidéos. Elle m'a confié que lorsqu‘elle me voit chanter alors que ça n'est pas les paroles qu'on entend dans le vidéo clip, c'est comme si on m'empêchait de m'exprimer et elle trouvait ça très poignant. J'essaye de parler mais c'est comme si j'étais entravé. Je me suis dit que même si ça ne marchait pas, au moins on avait tenté quelque chose de spécial, en fait j'aime l'idée de perturber les gens ! (rires)

A propos de ton image justement, je me disais que certains artistes ont réussi à se créer un visuel tellement fort que ça a transcendé les années, comme par exemple Davis Bowie. De nos jours, avec les générations TikTok pour qui tout doit être visuel mais plutôt très bref, penses-tu que c'est facile de se créer une image et de la voir perdurer ?

En fait je pense que les artistes du passé ont réussi car ils contrôlaient les moyens de diffuser leur image. Aujourd'hui avec les téléphones on ne peut plus rien contrôler, tout est vu instantanément, et tout le monde peut créer du contenu. Il n'y a plus de mystère ! Avant, quand tu voulais connaître un groupe, il fallait aller au concert. Et pour découvrir qui il était, il fallait lire les interviews et regarder la télévision, c'étaient les seuls moyens d'apprendre sur ces artistes. Les musiciens pouvaient façonner leur image à leur rythme. Je pense que c'est toujours possible mais les paramètres sont différents, et c'est aussi un truc de jeunes. Je me bats avec les réseaux sociaux, à mon âge je suis un peu entre les deux, je pense que je n'ai pas tous les codes pour comprendre comment il font, c'est tout ! Mais tu sais, David Bowie adorait les technologies, il a embrassé toutes les évolutions, il faut donc quand même se plier à l'exercice. Ou alors on ne fait rien et on est tellement mystérieux qu'on en devient invisible !

On sent dans l'album beaucoup d'influences venues d'ailleurs, il y a pas mal de folk très américaine par exemple. D'où te sont venues ces inspirations ?

J'ai vécu quelques années à Los Angeles où j'y ai travaillé en tant que musicien et, pour cet album, Tim Presley a collaboré et y a apporté beaucoup de sa touche personnelle. J'aime écouter de la musique d'ailleurs, par exemple le piano, la basse et la batterie pour moi doivent sonner très français, c'est le résultat que je cherche à obtenir.

Y a-t-il des influences galloises dans Milk For Flowers ?

Absolument, je crois que toutes mes mélodies sonnent galloises en fait ! Tous les musiciens gallois le font instinctivement, quel que soit leur style. On ne peut pas le gommer en fait.

Tu t'es déjà produit plusieurs fois en France, seul ou en accompagnant d'autre musiciens. Y a-t-il quelque chose de spécial dans le fait de jouer chez nous ?

Je trouve que le public français ressemble un peu au public britannique. Par exemple, à Paris, c'est un peu comme jouer à Londres. Il faut travailler plus pour capter l'attention du public. Je préfère batailler un peu avec les présents plutôt que de jouer devant un public complètement captif, c'est bien plus excitant et motivant !