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Savages
Palma Violets

Paris, Boule Noire - 9 novembre 2012

Live-report par Laurent

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C'est devenu un rituel automnal que la visite de l'hexagone par la crème des nouveaux talents anglo-saxons à l'occasion du Festival des Inrockuptibles. Pendant que les Electric Guest et autres Vaccines sévissaient à la Cigale, la petite Boule Noire accueillait à côté les newcomers Saint-Michel, Palma Violets et Savages.

Ce sont les versaillais de Saint-Michel qui ouvrent tôt la soirée et malheureusement mon emploi du temps ne m'a pas permis d'arriver à temps pour apercevoir leur set d'électro-rock. Je peux tout de même faire semblant et les comparer à Phoenix et Air, comme tous les journalistes désireux de leur rappeler leur lourd héritage...

Heureusement, lorsque arrive l'heure du concert des Palma Violets, je suis bien présent, un verre de whisky à la main et bouillant d'impatience. En effet, les quatre lads d'à peine vingt ans sont déjà annoncés comme le phénomène de l'année 2013 alors que le groupe s'est formé il y a à peine un an. Signés par Rough Trade après seulement une poignée de concerts, ils ont fait la couverture du NME avant même la sortie de leur premier single ! Ayant eu la possibilité de les interviewer plus tôt dans la journée, ils m'avaient promis ce soir un concert digne de ceux qui ont fait leur réputation outre-Manche.
Alors que j'avais quitté à la mi-journée de sages adolescents s'offusquant presque que l'on parle de drogues, les quatre musiciens arrivent sur scène totalement ravagés, bières à la main et en poussant des hurlements. Dès les premiers accords, le ton est donné : Chilli Jesson, à la basse et parfois au chant, saute dans tous les sens sur scène, hurle les paroles dans le vide, pousse des cris et pointe du doigt la fosse pour haranguer son public. Sam Fryer semble bien s'amuser tout en assurant au chant et à la guitare. La complicité entre les deux frontmen est évidente. Ce ne sont pas pour autant les nouveaux Doherty/Barât, contrairement à ce que certains racontent, mais on pense néanmoins énormément aux Libertines de par la fougue et l'état d'esprit.

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Les Libertines, c'était prendre sa guitare, la brancher et jouer, sans se soucier du reste. On est exactement là-dedans. Les Palma Violets ne jouent pas bien mais ils jouent avec leurs tripes, ce qui est bien plus important. Ils jouent juste, même avec des instruments désaccordés, parce qu'ils sont vrais. En transe et déchaînés sur le single Best Of Friends, ils ne semblent guère se soucier d'avoir un public de mous du genou face à eux. Le groupe opère dans un joyeux bordel rappelant fortement les Black Lips. Certaines compositions se rapprochent d'ailleurs de celles des américains, de par un chant très entraînant, qui donne envie de s'égosiller, tout en ayant un son digne des débuts du punk britannique (on pense parfois aux Clash).
La face-B Last Of The Summer Wine est un délicieux tube en puissance, joué ce soir avec rage. On pense que le concert est fini après la progressive et répétitive Fourteen mais Chilli Jesson motive ses troupes pour une ultime chanson. Il abandonne son instrument et se met au milieu de la scène. Pete Mayhew, le claviériste, le rejoint tandis que Sam Fryer annonce qu'ils vont finir par une toute nouvelle chanson. Il commence alors à jouer un riff, vite rejoint par la batterie de Will Doyle, en hurlant à tue-tête « I've got a brand new song and it's gonna be number one » tandis que Pete Mayhew et Chilli Jesson se lancent dans un pogo plein d'euphorie, sautillant dans tous les sens sur la petite scène de la Boule Noire. Le second nommé descend même au milieu de la foule pour danser, prend une jeune fille dans ses bras puis s'affale au premier rang pour mieux observer ses comparses. Il remonte ensuite chercher une cymbale pour les premiers rangs puis les quatre garçons quittent la scène en titubant. J'ai l'impression d'avoir pris dix ans. Un autre quatuor de la nouvelle scène londonienne clôture la soirée : Savages. Décrites par la presse britannique comme la version féminine de Joy Division, ces quatre filles sont, tout comme Palma Violets, précédées d'une excellente réputation live. Leur dernier EP en date, sorti chez Rough Trade il y a quelques semaines, est d'ailleurs composé d'enregistrements effectués cet été lors de leur première tournée.

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Elles arrivent sur scène toutes habillées en noir de la tête au pied, s'emparent de leurs instruments... et c'est le choc avec un son puissant, électrique, froid et agressif. Ça joue vite. Très vite. Ça joue bien. Très bien. La bassiste est à l'opposé de ce que nous a proposé Chilli Jesson lors du concert précédent. Alors que ce dernier assurait le show et jouait très approximativement ses lignes de basse simplistes, la jeune Ayse Hassan se fait oublier sur scène mais est d'une incroyable aisance technique. Ses lignes, soutenues par la batterie de Fay Milton, portent merveilleusement les compositions post-punk des sauvagesses.
Le jeu de guitare de Gemma Thompson est ce soir tranchant comme une lame de rasoir. Elle est aussi douée pour composer des riffs entêtants que pour partir dans des soli de folie. Au centre, la réincarnation féminine de Ian Curtis est face à nous. C'est assez troublant. La chanteuse Camille Berthomier (Jehnny Beth, depuis qu'elle s'est exilée en Albion) joue peut-être d'ailleurs trop de cette ressemblance, au point d'être parfois agaçante. Mais elle assure le show sur le devant de la scène et chante avec rage et conviction, jusqu'à vous glacer le sang. Assez captivante, elle ne manque pas non plus d'énergie pour remuer sur les dangereux riffs que balance son acolyte Gemma durant quarante minutes. Le concert se finit en beauté avec un fiévreux final qui verra la fosse enfin s'agiter alors que le public a semblé unanimement conquis par ce set mené à un rythme effréné. Les Savages ont également pu démontrer qu'elles ne sont pas qu'une copie de Joy Division puisque leur musique est moins désespérée, moins épurée aussi, mais plus rapide.

Une soirée riche en émotions avec la découverte de deux excellents jeunes groupes qui devraient assurément beaucoup faire parler deux l'an prochain. Il est juste dommage que le public ne soit pas toujours à la hauteur de la performance proposée sur scène, surtout dans une petite salle où la proximité avec les artistes permet une réelle connexion.