Bipolar Sunshine
Rosie Lowe
Vaults

Pendant que Glass Animals jouent leurs premières notes à la Cigale et que la file d'attente sans doute constituée de fans de Chet Faker s'allonge devant son entrée, sa petite sœur de la Boule Noire se prépare à accueillir ses premiers concerts du festival les inRocks Philips édition 2014. Une affiche 100% anglaise qui trouve légitimement sa place dans ces pages mais qui n'aura pas fait le plein.



Aux petits jeunes de Vaults l'honneur d'ouvrir le bal. Visiblement discrets et réservés, ils se glissent ni vu ni connu sur scène afin de lancer le synthé d'Echoes, premier morceau joué ce soir. Deux garçons aux instruments et aux machines, une fille au timbre cristallin pour le chant, un âge moyen autour de la vingtaine : cela vous rappelle quelque chose ? S'ils viennent eux aussi de Londres, Vaults n'a pas encore dompté la grammaire des charts. Pourtant, on leur prédit volontiers un bel avenir tant leurs compositions semblent déjà taillés pour inonder les FM et toucher le cœur d'auditeurs en mal de cocooning sonore. Soyons honnêtes, tout cela manque franchement de personnalité et sonne un peu trop au goût du jour, un coup Florence & The Machine, un autre Lana Del Rey. Malgré ces réserves, on ne peut qu'être impressionné par la maturité de leur son et la qualité de leur prestation. Des morceaux comme Vultures et Cry No More sont exécutés à la perfection, quitte à faire apparaître leur nature par trop lisse et radiophonique. Les mouvements de danse façon petit cerf dans les bois de la chanteuse Blythe Pepino achèvent de charmer les premiers rangs.



Changement d'ambiance avec Bipolar Sunshine : très communicatif et visiblement déjà bien ambiancé en coulisses, le Mancunien va s'employer à faire danser une Boule Noire désormais correctement remplie pendant une quarantaine de minutes. Son dernier single Deckchairs On The Moon nous a fait penser à un outtake de Blood Orange et sur scène, Adio Merchant (son vrai nom) est aussi exubérant que Dev Hynes. A plusieurs reprises, il encourage le public à taper des mains, reprendre les refrains et lancer des « Ouuuh Ouuuh » en chœur. Si ses chansons ne sont pas encore connues de tous, empêchant une adhésion de la salle dans son entier, sa bonne humeur ainsi que celle de son groupe emportent le morceau. Du moins quand il ne tombe pas dans le mielleux comme sur Love More Worry Less. On le préfère en prédicateur funky quand il entonne le brillant Future et que ses musiciens envoient quelques boucles hip-hop bien senties. S'il hésite encore entre groove sec et pop romantique, le bipolaire Adio ne devrait pas tarder à faire son choix.



Une demi-heure s'écoule après la fin de sa performance et, bizarrement, la Boule Noire a du mal à se remplir de nouveau. Est-ce la concurrence de The Shoes dans les murs mitoyens ? En tout cas, alors que généralement le troisième groupe a l'avantage de l'heure et du statut supposé de tête d'affiche pour faire le plein, ce ne sera pas le cas ici. Il faut dire que la charmante Rosie Lowe et ses trois musiciennes ne sont pas aidées par quelques soucis de mise en place du plateau, faisant commencer le show à 22h30. L'influx du public après la prestation enjouée de Bipolar Sunshine s'est quelque peu perdu en route. Le démarrage sur How'd You Like It, dernier single de la jeune femme, est poussif : la voix est couverte par les machines, on entend mal les nuances des chansons. Bien qu'elle nous avait promis durant notre interview, réalisée quelques heures auparavant, de s'essayer au français, elle se bornera à un simple « Bonjour Paris, ça va ? ». Logiquement plus affairée à régler son retour dans ses écouteurs et à indiquer les corrections à l'ingénieur son, Rosie a du mal à retenir toute notre attention.
Elle trouve enfin ses aises sur le sensuel Water Came Down qui provoque les premiers applaudissements nourris. Sa souriante batteuse, placée de profil face au public, impressionne sur un nouveau morceau intitulé Who's That Girl. La setlist fera d'ailleurs la part belle aux titres de l'album à paraître, mettant notamment de côté le premier EP Right Thing. Sans doute à cause d'un départ tardif et peut-être d'un couvre-feu de la salle, Rosie Lowe ne passera que trente minutes sur scène, concluant cette courte prestation avec un autre inédit nommé Nicole. On espère la revoir au printemps pour la sortie de son premier LP, déjà enregistré et mixé.

Après avoir récupéré sa setlist, on s'apercevra que deux morceaux ont bien été sacrifiés sur l'autel des horaires stricts du festival. Dure loi pour Lowe.

Photographies : ©Valentin Chemineau