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Beige Banquet
Hallan

Paris, Supersonic - 3 février 2023

Live-report par Franck Narquin

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Putain, 7 ans ! Déjà sept ans que Hadrien et ses joyeux camarades ont repris l'OPA, café-concert de la discrète rue Biscornet à deux pas de la place de la Bastille, lui filant un sacré coup de lifting à base de guitares saturées et de bières bien sourcées, pour donner naissance au Supersonic et quelques années plus tard à sa petite sœur le Supersonic Records, ou vous trouverez à coup sûr tous les coups de cœur de la rédaction de Sound of Violence dans des versions vinyles de qualité. On pourrait aussi dire « seulement sept ans » car avec sa programmation inspirée, ses concerts invariablement gratuits et ses soirées indie-rock all night long endiablées, le lieu s'est si vite imposé comme un des piliers de la nuit rock parisienne, aux côtés des inusables Pop-In, Truskel et Motel, qu'il semble exister depuis toujours.

Avant de célébrer cet anniversaire jusqu'au petit matin au cours d'un DJ set mettant à l'honneur les groupes qui ont fait trembler les murs de la salle depuis son ouverture, le Supersonic nous a concocté un alléchant line-up avec Chester Remington, le rémois psyché-grunge en ciré jaune, Hallan, la sensation post-punk de Portsmouth qui revient ici pour la deuxième fois en quelques mois avant de terminer par le weirdo-punk survitaminé des londoniens Beige Banquet. Cette belle affiche en a d'ailleurs fait saliver plus d'un, à tel point qu'à vingt-et-une-heures, le jauge est déjà atteinte et l'excitation initiale devra faire place à la patience pour affronter une queue digne d'un samedi soir à une heure du matin. Pas la peine de tenter de resquiller ou d'amadouer le portier qui met un poin(g)t d'honneur à respecter la sacro-sainte règle du premier arrivé, premier entré et qui semble ce soir se rêver en une version française et testostéronée de Sven Marquard, le redouté et redoutable physionomiste du Berghain. On parviendra tout de même à s'incruster juste à temps pour assister au concert de Hallan grâce à un stratagème digne de l'évasion de Carlos Ghosn (d'ailleurs un grand merci à la sympathique membre du crew qui se reconnaîtra).

A l'intérieur, la fête a déjà bien commencé, l'ambiance est survoltée et on croise quelques minois passablement alcoolisés. Après une énième tournée de shots à tout juste 21h30, pour certains la nuit va être longue ou la soirée courte (comme promis à Violette, on ne citera aucun nom). On commande une pinte de Mission Pale Ale et on se faufile dans les escaliers pour tenter de trouver une place nous permettant d'assister à la très attendue performance de Hallan sans trop de « visibilité réduite » comme on dit chez certains. Bien que le quatuor mené par Conor Clement, en costume cravate et Wayfarer, bénéficie d'une cote déjà supérieure à Beige Banquet et surtout d'un bien plus grand potentiel, il a été intelligemment programmé en deuxième position, la musique des londoniens étant bien plus violente et musclée que celle de Hallan. Comme dans toute bonne dégustation de vins, il faut évidemment terminer par la bouteille la plus forte et alcoolisée et non pas par la meilleure.


Sans vous faire l'habituel coup du « next big thing » ou du futur de la musique (nous ne sommes pas le NME), Hallan débarquent tout de même dans la bouillonnante scène post-punk britannique actuelle avec de sérieux atouts : une poignée de single de haute volée tels que Money Talks, Modern England ou Orwell's Idyllic Future, un charisme certain doublé d'un sens de l'humour piquant et des prestations live enlevées. On les croit sur parole quand ils affirment considérer que leur premier passage au Supersonic était le meilleur concert de leur courte carrière. On retrouve d'ailleurs ce soir bon nombre des spectateurs de la soirée They're Gonna Be Big #4 d'août dernier et leur nom est sur toutes les lèvres. On ne compte plus les « Tu vas voir, Hallan c'est super ! » auxquels on se retient de répondre « C'est exactement pour ça qu'on est là, sinon on serait bien sûr allé voir Pacifiction, le génial thriller géopolitique, neurasthénique et paranoïaque d'Albert Serra, nommé neuf fois aux Césars, fait rare pour un film d'une telle radicalité »). Les Anglais débutent leur set par leur prochain single Unwomanly Face Of War, sortant le 16 février et inspiré du livre de Svetlana Alexievich, prix Nobel de littérature. Car Hallan est un groupe lettré, presque dandy. Il y a du Jarvis Cocker chez Conor Clement, du The Fall dans ces morceaux aussi acides qu'acerbes et s'il fallait classer les innombrables formations post-punk anglaises dans un jeu des sept familles, Hallan appartiendraient sans hésiter à celle de Yard Act, qu'on avait justement découverts pour la première fois en concert à Paris au... Supersonic Records. Les quatre anglais se montrent à la hauteur de leur réputation avec ce set de neuf titres mené tambour battant et déclenchant de jolis pogos ou autres stage diving et slams (et non ce n'est pas la même chose, un stage diving non suivi d'un slam peut être très douloureux, tape « Shy'm saute dans la foule » sur Google pour voir). Le groupe invitera même les patrons du Supersonic à venir jouer du tambourin, clin d'œil coquasse à Liam Gallagher, sur leur dernier morceau. Entre Deadletter, Folly Group, Humour, Italia 90, Egyptian Blue et Hallan (liste non exhaustive et à actualiser tous les quinze jours), la course au prix du meilleur debut album de post-punk britannique de 2023 s'annonce passionnante !


Certains copains nous enverront pendant la soirée des sms déçus et résignés, la porte étant ce soir quasi infranchissable pour les retardataires. Ils auront pu facilement se rattraper car les voisins du Pop-Up du Label fêtaient eux leurs neufs ans. Après un rapide tour au bar, le belle Zofia, mon +1 de choc, haute comme trois pommes et à peine plus baraquée qu'Asha Lorenz, la chanteuse de Sorry, me propose d'aller profiter d'une acoustique optimale et de de s'installer aux tous premiers rangs en attendant le début du concert de Beige Banquet. J'estime son espérance de vie dans la fosse inférieure à celle d'un piéton sur une autoroute (je vous laisse encore chercher sur Google, mais vous avez la flemme ou pas de réseau, la réponse est vingt minutes). Bingo, dés le deuxième morceau, je la retrouve propulsée à mi-salle, comme environ 99% des représentantes du genre féminin de la fosse. Il fallait prendre de la Kétamine au petit déjeuner pour tenir dans un tel chaos, car si à l'image de ce nom qui semble s'inspirer un peu trop directement des américains Parquet Courts, la musique de Beige Banquet n'est pas des plus originales, le groupe en impose tout de même sur scène, tant physiquement avec son bassiste chauve torse nu tout en muscle et en défiance, aussi inquiétant qu'excitant, que soniquement avec les éruptions vocales du chanteur Tom Brierley et les assauts agressifs de guitares saccadées à la Crack Cloud. Avec douze titres bien rodés, Beige Banquet livrent une prestation puissante et efficace, sacrément aidés par un public chaud comme la rédaction des Inrockuptibles à l'annonce de la sortie d'un album de Clara Luciani.

Cette belle fête d'anniversaire remplie de nombreuses surprises se poursuivra jusqu'à l'aube, mais malheureusement (ou heureusement pour certains) notre récit doit ici se terminer. De cette soirée, on retiendra avant tout que grâce à Hallan, Portsmouth strikes again !
setlist
    HALLAN
    Unwomanly Face A War
    Hands Up
    Sich Ubergeben
    Modern England
    Shadowplay
    The Colline Gate
    Yesterday (With Him)
    Money Talks
    Orwell's Idyllic Future

    BEIGE BANQUET
    Cold Yoghurt
    Elasyicated
    What is Going On?
    Wired Weird
    Konny 500
    Animals
    People
    Collapse/Crisis
    Construction
    Awake
    Hotel Room
    Acid Bath
photos du concert
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