logo SOV

Barry Can't Swim

Paris, Trabendo - 26 mars 2024

Live-report par Franck Narquin

Bookmark and Share
Quelques jours après l'Olympia de Róisín Murphy et en attendant les concerts de George Riley, Bonobo, Glass Beams, Sofia Kourtesis et Yeule, c'est au tour de Barry Can't Swim de mener la déferlante printanière des artistes Ninja Tune dans les salles françaises. Fondé il y a trente-quatre ans par Coldcut et devenu dans les années quatre-vingt-dix le label phare de l'abstract hip-hop avec des groupes tels que The Herbaliser, Amon Tobin, Mr Scruff, Kid Koala ou Roots Manuva, Ninja Tune a su évoluer et se renouveler tout en gardant sa ligne de conduite, au point de vivre aujourd'hui un nouvel âge d'or grâce à des formations aussi éclectiques qu'exaltantes parmi lesquelles on retrouve certains des meilleurs groupes britanniques actuels comme Young Fathers, BICEP, Kae Tempest, Black Country, New Road ou même Metronomy, dernière signature en date qui semble ainsi avoir retrouvé ses jambes de vingt-ans.

En ce mardi soir, on note une certaine effervescence en arrivant Porte de Pantin tout en s'étonnant des profils et des âges très variés des personnes s'affairant vers les salles de concerts avoisinantes. Le Zenith accueille Queen Extravaganza, groupe officiel de reprise de Queen, tandis que dans la salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris, l'Orchestre National de France revisite les œuvres de Debussy et Ravel. Les mélomanes de plus de quarante ans restants sont quant à eux à l'Olympia pour voir les Pixies et s'assurer que le douzième meilleur groupe de tous les temps, auteur de Doolittle, septième meilleur album de tous les temps, est toujours aussi insignifiant et anecdotique sur scène. Les cool kids eux, ont enfilé leur K-Way (mais celui en collaboration avec APC ou Kitsuné, car ce soir c'est la Fashion Week du vêtement de pluie chez ces jeunes gens qui ne semblent que très peu touchés par la précarité étudiante) pour braver la pluie et se rendre au Trabendo. Ils ne se soucient guère du Prélude à l'après-midi d'un faune ou du sosie vocal de Freddie Mercury, ce qu'ils veulent ce soir c'est danser sans s'économiser comme si on était une veille de jour férié.

Comme me le disait encore notre fantasque photographe, samedi dernier à onze heures du matin dans un club interlope du nord-est de la capitale, il n'y a pas d'heure pour danser ! Assertion que ne renierait pas piaconcept, jeune et talentueuse productrice et DJ bien connue des hipsters bordelais, qui a prévu de nous délivrer un set club et ultra festif ce mardi soir à 19h45 pétantes. On se remémore avec nostalgie cette époque où pour nous aussi le weekend débutait le mardi tout en se pressant pour fermer notre ordinateur, enfiler nos platform-shoes et donner les dernières indications à la babysitter. En deux-heures quinze de TGV, les rumeurs nous remontent vite et on sait qu'il ne faut pas rater celle que nos confrères de Tsugi ont récemment classée parmi « les producteurs les plus chauds de ta région ». La maxime veut qu'à Bordeaux, si a vingt-cinq ans tu n'as pas mixé à l'IBOAT, tu as raté ta nuit. piaconcept a par conséquent débuté en écumant tous les clubs locaux et commence déjà à se faire un nom bien au-delà de la Dune du Pilat. Si ce soir, derrière les platines du Trabendo, on la sent un peu plus tendue et réservée que lors de ses prestations survoltées à domicile avec son crew, il ne lui faut pas longtemps pour se mettre le public dans la poche et offrir un réjouissant set entre house, breakbeat et IDM. Peu à peu la salle se remplit, le public se dandine puis se lâche et se met à danser sans compter. Sons finement sélectionnés, enchainements maîtrisés, effets travaillés, timing bien dosé et danseurs amadoués, piaconcept se révèle être une sacrée DJ. Vous pouvez foncer tête baissée à ses soirées, de notre côté, on attend de pied ferme les prochaines productions qu'elle va nous proposer.


Après l'annonce de sa signature chez Ninja Tune et sur la foi de cinglants singles tels que Can We Still Be Friends? et Deadbeat Gospel, on voyait déjà Barry Can't Swim en nouvel homme fort de la musique électronique anglaise. Mais When Will We Land?, son premier album, ne nous avait qu'à moitié convaincus. Epatant et novateur sur certains titres, le producteur sombrait par moment dans la facilité et le déjà vu avec une house jazzy aux accents afro-beat un peu trop mièvre. On attendait donc avec impatience sa prestation scénique pour se faire un avis plus tranché. On se prend peut-être trop la tête car les gamins autour de nous ont l'air de se poser nettement moins de questions. Ils sont chauds comme la braise et acquis d'avance à la cause de celui qui se se présente sur son compte Spotify de la plus simple des manières : « Hi, I'm Barry and I Can't Swim ». Première bonne nouvelle, Joshua Mainnie n'a pas prévu de passer la soirée seul derrière des platines. Au contraire, il est accompagné par un batteur et une claviériste tandis que lui gère sampler, clavier et chant. Les morceaux électroniques de Barry Can't Swim, tous finement fignolées en studio, gagnent en incarnation et en puissance grâce à ces interprétations live et ce, sans rien perdre de leur efficacité dancefloor.

Souriant et dansant, Joshua ne met pas longtemps à prendre le pouls du public. Sans être trop bavard, il échange sans cesse avec son auditoire et dès le deuxième titre, How Does It Feel, la communion est totale. C'est parti fort, presque un peu trop car très vite Barry atteint un rythme de croisière, les titre s'enchaînent alors joyeusement mais de manière un peu trop mécanique. L'ambiance est bonne, les gens s'amusent mais on reste sur le même sentiment mitigé que celui provoqué par l'album, se disant que l'écossais ne force pas son talent et se contente d'un show efficace alors qu'avec un peu plus d'audace et d'intentions celui-ci pourrait être renversant. Il faudra attendre les derniers titres pour qu'il mette enfin le turbo et prouve de quoi il est capable avec Can We Still Be Friends?, Sunsleeper et Deadbeat Gospel.


Le trio sort de scène, les lumières restent éteintes et le public s'égosille et applaudit à tout rompre. Les membres de l'audience veulent leur rappel et ils le veulent vraiment car après un peu plus d'une heure de set, ils sont loin d'avoir envie de s'arrêter de danser. Barry Can't Swim reviendra alors pour un dernier titre, Blackpool Boulevard, expédié un peu trop rapidement et sans grande conviction.

On sort du Trabendo en se demandant encore, et peut être même plus qu'avant ce concert, si Barry Can't Swim possède réellement la trempe des grands et doit juste travailler et s'affirmer pour accomplir son potentiel ou s'il n'est finalement qu'un sympathique et honnête producteur de musique électronique capable de sortir de temps à autres du milieu du peloton pour pondre quelques excellents titres. Affaire à suivre...
setlist
    When Will We Land?
    How It Feels
    Always Get Through To You
    Dance Of The Crab
    Woman
    Define Dancing
    Sonder
    God Is The Space Between Us
    Can We Still Be Friends?
    Sunsleeper
    Deadbeat Gospel
    ---
    Blackpool Boulevard
photos du concert
    Du même artiste