Grosse affiche ce soir au Zénith de Paris. Les Cribs et leur illustre
guitariste, en pleine promo de leur album
Ignore The Ignorant, se
payent un avant-goût des grandes salles en ouvrant pour Franz Ferdinand.
Les frères Jarman débarquent sur scène l'air décontracté et confiant. On notera que pour l'occasion Ryan a fait l'effort de porter un jean potable, qui ne part pas en lambeaux. Johnny Marr apporte lui-même sa guitare sur scène, sans doute ne laisse-t-il personne d'autre la toucher, en véritable fétichiste. Tout naturellement c'est par
We Were Aborted, le premier morceau du dernier album, que le set démarre, puis les anglais vont au plus direct en jouant leurs plus gros singles
Hey Scenesters! et
I'm A Realist. Les Cribs font partie de ces groupes qui, indéniablement, ont cette capacité de « remplir » les grosses salles, non pas par la vente de billets mais par l'amplitude de leur musique. Et ce d'autant plus depuis l'arrivée de Johnny Marr.
Ce dernier leur donne un air de vieux briscards de l'indé, et à les voir sur la
scène du Zénith ce soir, on se dit que c'est bien là le sort qui les
attend. Et pourtant... Les fans de Franz Ferdinand ne semblent pas spécialement partager cette opinion. Les Cribs font ce soir les frais de l'attitude méprisante que le public parisien réserve habituellement aux premières parties, et c'est bien dommage. Même une chanson comme
We Share The Same Skies, avec ses motifs de guitare aériens dont seul Johnny Marr a le secret, et son refrain taillé pour être repris en chœur par les foules en délire, ne suscite pas plus qu'un battement de cils.
Les Cribs font de leur mieux, malgré quelques soucis de voix dont ils s'excusent (en français s'il-vous-plaît). Au final, une bonne performance, mais tombée dans l'oreille complètement sourde du Zénith.

Pour Franz Ferdinand, changement d'ambiance. Sur le rideau en fond de scène, le logo du groupe en écriture gothique, façon armée prussienne. Après les références à la Russie soviétique sur leur deuxième album, Franz Ferdinand cultivent l'imagerie des régimes militarisés, en adéquation certaine avec le côté très martial de leur musique. Les lumières s'éteignent, le Zénith se met au garde-à-vous, et le Général Kapranos et son contingent font leur entrée.
Il est le premier à s'adresser aux troupes, en chantant l'introduction de
Bite Hard à la façon d'un crooner. On assiste à la première parade
de la soirée pendant
Matinée : les fantassins sautent tous en rythme.
Franz Ferdinand n'ont pas l'air de vouloir tergiverser, et ont décidé de dégainer leurs plus gros missiles dès le début du set :
Do You Want To et
Take Me Out s'en suivent, les troupes sont galvanisées. Après ces deux bombes atomiques, le climat se détend. Pendant
This Fire, le Lieutenant McCarthy tente d'affirmer sa présence en jouant de long solos de guitare et en agitant un tambourin. Mais l'autorité du Général Kapranos est indiscutable: lorsqu'il demande de taper dans les mains ou de répéter indéfiniment une litanie de « Oh yeah » , on s'exécute. Il peut même faire durer
40 Ft plus que les quarante secondes réglementaires, et partager son micro avec les simples soldats au premier rang pour qu'ils chantent eux-mêmes les « Lalala ».

Pendant tout ce temps, le logo gothique a fait place à un rideau de petits carrés blancs sur lesquels sont projetés des animations, plus ou moins psychédéliques. Pour
Outsiders, les roadies installent une batterie transparente au centre de la scène, Franz Ferdinand se réunissent autour et taperont de bon cœur dessus pendant cinq bonnes minutes. Un rappel est inévitable, et le Général remonte sur scène, et refait son numéro de crooner. Après les gros riffs de
Michael, et les riffs encore plus gros de
Van Tango, il nous réserve sa plus grosse offensive pour la fin : une version extended de
Lucid Dreams. Le Lieutenant McCarthy est aux commandes d'un synthé qu'il programme pour exécuter une boucle sur laquelle Kapranos et le reste de l'état-major vont improviser pendant un bon quart d'heure. S'ils ont l'air de s'amuser, ce n'est pas le cas de tout le monde : le gros des troupes
est quelque peu déstabilisé. Pour certains, un final grandiose, pour d'autres, un délire électro superflu.
Quoiqu'il en soit, le Général Kapranos fait ce qu'il veut, et s'il lui vient la lubie d'envahir la contrée de l'Electronica voisine de son Rock natal, personne ne l'en empêchera. Alea Jacta Est.