goo

goo : terme technique américain dérivé du ragoût d'opossum désignant un truc au choix visqueux, gluant ou poisseux, quand ce n'est pas les trois à la fois. Et pour les deux dans le fond, scotchés à leurs walkmans cassette et à leurs gueules de bois, c'est aussi le titre du (meilleur) septième album des New-Yorkais de Sonic Youth. De là à savoir quelle est la préférence du groupe qui nous occupe aujourd'hui entre la jeunesse sonique et le burgoo, le mystère reste entier, mais ne partez pas si vite, car je connais tout de même un ou deux secrets sur notre ami goo.

Acte 1, Scène 1. L'histoire prend place à Keighley, petite ville du nord de l'Angleterre, en banlieue de Bradford, elle-même en banlieue de Leeds. Une banlieue de troisième rang où il se passe toujours... rien, en fait. Rien, vraiment ? Non, car un petit pub-concert de centre-ville résiste encore et toujours à la morosité ambiante, devenant le centre de la vie culturelle de la petite ville de Keighley. The Exchange, c'est son nom, sera donc le lieu de la première scène de notre pièce, introduction des personnages, parfois au service bar, parfois en train de se murger ou de pogoter dans la salle, Tanisha Badman, Sam Drury, et Kurt Wood. Passent en fond Oasis, Elastica, Suede, Blur, et comme on n'est pas rancunier pour la Tea Party, du Nirvana, des Pixies, et du Green Day.

Acte 1, Scène 2. Le rideau s'ouvre sur une chambre étudiante, Tanisha chante, une Telecaster à 50 balles dans les mains, Sam plaque des accords aléatoires derrière les lignes de chant, ses longs cheveux roux et son pull de noël à rayures égayant une piaule dans laquelle Kurt (pas Cobain) tapote les murs en fredonnant toutes les idées qui lui passent par la tête.

Acte 1, Scène 3. Les personnages déjà connus répètent dans une arrière-salle de bar, Bryn Price s'est rajouté à la bande, apportant ses sautillements de basse, son air de premier de la classe, et sa chemisette à carreaux boutonnée jusqu'en haut du col.

Acte 1, Scène 4. Paris, France, baguette, omelette du fromage. goo retournent le Supersonic Records, mais surtout le cœur de votre chroniqueur préféré, dans le sillage des tornades Fomo et Call In Sick. Un concert conclu par une reprise du Gigantic des Pixies, les références sont assumées, préparez-vous, les années 90 sont de retour, pour vous jouer un mauvais tour.

Acte 1, Scène 5. L'EP Chomp déboule sur la FM, et dans le ghetttoblaster de ta mère-grand. Converses, jean troué, chemise à carreaux rouge et noir, pudding et trainspotting, Inside Out relie Londres à Seattle en passant par Keighley (où il ne se passe toujours rien, si ce n'est des concerts de goo), Tanisha hurle avec la gouaille de Justine Frischmann, Kurt tabasse son kit comme Dave Grohl, la basse saute, les guitares cisaillent dans le bordel, le résultat est chanmé, chébran trente années en arrière. Mais la goo magique attendra Beth pour définitivement entrer en ébullition, réaction spontanée de talent mélodique et de haut-parleurs saturés catalysée par le génie à la frappe de Kurt Wood, dont la variété rythmique et la puissance combinées le place déjà parmi les meilleurs batteurs du british rock game actuel.

Et maintenant, do you know The Smashing Pumpkins ? Ainsi, ne vous fiez pas aux débuts calmes de Rush, car sa fin est un déluge apocalyptique plaçant la douce voix de Tanisha au-dessus de nuages noirs du bois des guitares brûlées, au-dessus d'un monde perdu, enseveli par le tonnerre et les coups de cymbales. Un monde perdu et un peu pourri dont on aimerait bien un arrêt de travail, alors pourquoi ne pas Call In Sick ? Un arrêt maladie en forme de doigt d'honneur, de brûlot punk et pop, de défouloir généralisé envoyé à la gueule du travail libérateur. Alors si votre patron vous fait chier vendredi matin, dites-lui que vous avez mieux à faire, parce que le premier EP de goo vient de sortir, et c'est quelque chose que l'on ne manquerait pour rien au monde.

Alors goo, quoi de neuf ? Chomp, six chansons britgrunge pour retrouver vos années 90, vos pulls moches tricotés à la main, vos parkas goût violette-pistache, le canapé en velours de mamie, et ce n'est pas la pochette qui dira le contraire.