Jim Noir

Auteur d’un Tower Of Love acclamé, à juste titre, Jim Noir (dont le vrai nom est Alan Roberts) nous avait laissé une impression incroyable avec ce premier album à la richesse intarissable. Avec sa nébuleuse néo-psyché-pop, il nous subjuguait par cette fraîcheur et cette relecture moderne d’un anachronisme musical. Sans faire reposer sa créativité, ni calmant ses urgences pop, Jim Noir nous revient avec un album éponyme. Tout en dédale et en spirale.

Jim Noir ne perd en tout cas rien de sa superbe. Techniquement, ce nouvel exercice est largement du niveau de son premier album, usant de reverb, de phasing, et de multiples pistes vocales, l’Anglais tire sur les mêmes ficelles électro-pop que Beck. On retrouve également ces mélodies cycliques, faisant virevolter ces notes flottantes au-dessus du rythme initial, gravant les sillons sensoriels de réminiscences sonores. Toutefois, l’influence Beach Boys se fait encore plus évidence sur cet album, Jim Noir ne se passant quasiment plus de ces harmonies vocales canoniques. Effectuant lui-même toutes les voix, usant d’un psychédélique bariolé, et répétant de paroles mystiques, chantées mais à la fois susurrées, parfois même suggérées, l’univers Jim Noir semble de plus en plus se détacher pour évoluer en total autarcie. Il nous répète ainsi inlassablement certaines rengaines lyriques jusqu’à envoûtement total comme sur All Right ou ce Don’t You Worry en forme de message d’adieu passant en boucle.

Moins pop et peut-être moins immédiat que Tower Of Love, Jim Noir est d’autant plus à part qu’il décline tout son panel créatif qui ne semble jamais vouloir s’épuiser. D’une pop enfumée et synthétique Ships And Clouds aux airs de Super Furry Animals, ou un Welcome CJ psychédélique sixties beatlesien, il nous entraîne dans sa légère ritournelle Happy Day Today, tout en allégresse et en évolution mélodique. Jim Noir s’embarrasse ainsi peu de sa propre époque, préférant laisser ses contemporains pour s’envoler et s’embraser. La pop à l'état originel a trouvé une nouvelle pousse des plus talentueuses du côté de Manchester. Le jeune Jim Noir réincarne les fantômes des sixties, des seventies et des nineties. Se côtoient Air, les Byrds, les Beach Boys, Badly Drawn Boy, ou Boards Of Canada au sein de ce Jim Noir. D'une popitude à toute épreuve, cet album temporellement perdu dans les méandres d'une époque qui n'est pas la sienne, est l'oeuvre d'un fou… ou d'un génie.