The Cribs

Ils nous avaient laissé sur Housewife, un single subtile et touchant, dont la britpop semblait échafaudée sur la guitare de Johnny Marr, bien que l'on en sentait alors beaucoup moins l'impact. The Cribs semblaient s'être découvert une passion pour la mélancolie douce et la faisait prédominer sur les guitares saturées qui, à hauts décibels, faisaient leur force d'antan. C'est ainsi qu'au départ (jugé prématuré par certains) du mythique guitariste des Smiths de la formation londonienne, on ne savait plus bien à quoi s'attendre de la part du groupe redevenu à proprement parler une fratrie.

Retrouver les frères Jarman avec le single Come On Be A No-One ne peut donc être qu'une surprise. Un vrai hymne pop comme on les aime, qui sait rester sincère tout en étant accessible et transporter tout un chacun, ne peut forger en son auditeur que de l'espoir concernant l'album qu'il annonce. D'autant plus lorsque celui-ci est forgé sur de solides bases. Le groupe a su recourir à des guitares au son massif, abandonner ses riffs tendus pour leur préférer des accords graves, d'une noirceur punk et entraînante. Et c'est ainsi qu'est conçu In The Belly Of The Brazen Bull, cinquième album à la pop lourde et aux refrains bien frappés.

Ouvert sur Glitters Like Gold, on sent tout de suite que le trio familial s'est séparé de la mélancolie qui l'arpentait dans son album précédant. Dommage, car, ainsi conçu, lgnore The Ignorant parvenait à émouvoir tel le faisaient les Smiths en leur temps. Outre le fait que Johnny Marr figurait alors parmi les Cribs, on peut aisément sentir dans cette pépite passée trop inaperçue les guitares claires et l'atmosphère grisante que le mythique groupe mancunien avait su instaurer sur le terrain pop. Difficile d'en percevoir ne serait-ce qu'une trace dans cette nouvelle livraison.
Pour autant, les frères Jarman ne sont pas tombés dans la facilité. Si Jaded Youth semble au départ être un hymne adolescent sans réelle ambition, on peut difficilement échapper au charme de ses envolées poignantes, de son chant déchiré et troublant. D'autres titres sont certes moins percutants dans leur saturation. L'hymne entêtant Chi-Town peut paraître dérisoire, on prend rapidement goût à son entraînante nervosité.

Et que dire du songwriting tout en simplicité d'Anna, de la mélancolie de Confident Man et Pure O ? Ces belles pièces nous ramènent trois ans auparavant, quand les frères Jarman immergeaient leur soft-punk dans une douce et subtile mélancolie.
Alterner les plaisirs, tel est le grand mérite de cet album globalement réussi. Entre tubes remarquables et ballades somptueuses, The Cribs font la synthèse d'une carrière déjà bien entamée. Malheureusement, en voulant varier les ambiances, les frères ne trouvent pas l'équilibre qui en ferait la pièce maîtresse de leur discographie. Un très bon disque, mais certes pas leur meilleur. Des passages à vide d'inventivité (Uptight, Butterflies) nous font regretter ses prédécesseurs.
Cela dit, la simplicité lo-fi jusqu'alors inédite chez les Cribs de I Should Have Helped ne peut que procurer le jugement inverse. Back To The Bolthole, crache un malêtre hargneux et touchant. Ses envolées soudaines l'élisent clairement pièce maîtresse de cet album.

The Cribs est décidément le groupe alternatif majeur de l'Angleterre d'aujourd'hui, celui capable de conserver un aspect subversif dans sa musique pop et accessible. Dommage qu'il ne livre pas l'album idéal pour conforter dans ce point de vue ceux qui lui sont encore réticents.