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Errors

Lease Of Life

Errors - Lease Of Life
Chronique Album
Date de sortie : 23.03.2015
Label : Rock Action Records
3
Rédigé par Xavier Turlot, le 22 mars 2015
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Trois ans après son curieux Have Some Faith In Magic, le trio écossais Errors revient sur le devant de l'actualité avec un non moins bizarre album nommé Lease Of Life. Enregistré sur l'île de Jura, au large de la côte ouest de leur pays, cet album a semble-t-il épongé une bonne partie des mystères de cette terre sauvage aux portes de l'océan.

Pas de surprise au niveau de l'évolution artistique, la trajectoire entamée depuis 2012 se confirme par une prise de distance de plus en plus grande avec les deux premiers albums, beaucoup plus math rock et exclusivement instrumentaux. Sur Lease Of life, comme sur le précédent opus, ce sont des rythmes lents, des nappes abondantes de synthétiseurs ainsi que des voix dissonantes et recouvertes de filtres qui mènent la danse. Le trio persiste dans son choix d'obtenir un résultat psychédélique et hypnotique très éloigné de ses débuts percutants. Ici, les structures sont linéaires et ne proposent quasiment jamais d'à coups, on penserait presque à des morceaux d'afrobeats plongés dans l'acide vu leur longueur démesurée et leur rythmiques indéboulonnables.

Slow Rotor est peut-être la plus pop et la plus accessible de toutes, soutenue par une voix dream pop et une structure lisible, mais bien sûr sujette à l'overdose électronique habituelle. Scruter l'océan a occupé le groupe pendant un bon moment, relevant encore l'aspect contemplatif d'une musique tournée plus que jamais vers l'évasion et la suggestion de grands espaces. La couleur souvent sombre et spéléologique des sons évoque presque des cérémonies religieuses officieuses, comme sur l'inquiétante New Winged Fire qui gagnerait à enrichir un film d'anticipation décadent. Les synthés bouillonnent, les cloches tintinnabulent et Stephen Livingstone prononce son incantation qui frise la sorcellerie. Dans le submergement d'électronique qui constitue la moelle du disque, il y a malgré tout beaucoup d'éléments très organiques, même s'ils ne sont que reconstitués ; ainsi on pourra reconnaître des percussions traditionnelles, des vibraphones ou un saxophone. Ils se fondent certes dans un vaste ensemble synthétique, mais en comparaison des premiers albums, voici déjà un tournant esthétique radical.

Deux chanteuses ont été invitées à participer à l'enregistrement de ce quatrième album : Cecilia Stamp et Bek Oliva. Elles parviennent à insuffler une dose de fraîcheur très appréciable en milieu de disque, quoiqu'une fraîcheur ténébreuse sur Dull Care et ses profusions d'arpégiateurs qui amènent une fin grandiloquente, quand même pas très loin d'un début de ridicule... Il faut attendre la septième piste, Genuflection, pour retrouver un tempo clubbing-compatible, même si cette dernière part rapidement dans des épanchements de chants à notes infinies qui étaient sans doute dispensables.
C'est peut-être l'une des limites du changement de direction opéré par Errors depuis trois ans : on peut légitimement imaginer les morceaux sans pistes vocales et penser qu'ils y gagneraient en clarté et en efficacité. Malgré la profusion de retouches en tous genres, les voix masculines ne semblent jamais puissantes et assurées, s'attardant parfois avec lourdeur sur chaque note. Une autre limite serait l'excès de pistes qui nuisent à la limpidité de leur musique. La politique du tout, tout le temps, n'est pas vraiment payante en ce qui concerne la musique électronique, d'autant plus qu'il s'agit souvent de sons appuyés et tenus avec insistance, le tout dans des textures qui giclent aux oreilles. En revanche, les voix féminines invitées sont nettement plus convaincantes, ainsi sur Putman Caribe, une chanson surréaliste qui poursuit tranquillement la trajectoire onirique de Lease Of Life. Une batterie syncopée vient soutenir la lourde machinerie électronique qui rugit sa cadence industrielle, avant que la piste de débouche sur des sonorités plus légères et atmosphériques, perdant peu à peu et avec subtilité l'oppression du début.

Le dernier chapitre, Through The Knowledge Of Those Who Observe Us, dure presque un quart d'heure. Le groupe a employé les grands moyens en faisant appel à un chœur tout entier, réquisitionné pour bâtir ce monument pharaonique. Cette dernière aventure s'ouvre sur un sentier tropical et nonchalant qui nous berce immédiatement et nous engourdit avec sa moiteur. Cette langueur est utilisée sans parcimonie, étirée pour arriver à un format qui flirte avec la musique d'ambiance. A prescrire en période de grand stress et de ciel couvert. Le saxophone ne s'arrête plus, il part en improvisation sur un petit bouquet de notes avant d'être relayé par une guitare (une guitare !) dont Livingston a gardé la première prise pour conserver ce côté vrai et un tantinet maladroit...

Nous voilà arrivés au terme d'un disque d'une redoutable homogénéité et d'un aspect très étrange, nous laissant avec le sentiment d'avoir traversé une contrée aux paysages inconnus jusqu'alors. Le trio de Glasgow a parcouru un sacré chemin depuis sa toute première production, How Clean Is Your Acid House, en 2006. Il est même impossible de relier ces deux objets tant tout les distingue, et par là même il est compliqué de mettre en perspective ce nouvel album. Les trois Écossais sont des pionniers dans l'âme et n'ont pas l'air de vouloir engranger des rentes sur leurs idées d'il y a dix ans, d'où leurs explorations incongrues et peut-être pas toujours réussies, mais néanmoins courageuses et constamment intrigantes.
tracklisting
    01. Colossal Estates
  • 02. Lease Of Life
  • 03. Slow Rotor
  • 04. New Winged Fire
  • 05. Early Nights
  • 06. Dull Care
  • 07. Genuflection
  • 08. Putman Caraibe
  • 09. Through the Knowledge of Those Who Observe Us
titres conseillés
    Slow Rotor, New Winged Fire, Putman Caraibe
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