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La Route du Rock

Saint-Malo, du 14 au 16 août 2009

Live-report rédigé par François Freundlich le 15 août 2009

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C'est sous un soleil de plomb que débute cette 19ème Route du Rock, temple du rock indépendant, comme pour nous préparer aux guitares brûlantes qui enflammeront la soirée. Les programmateurs l'ont voulue basée sur les shoegazers de My Bloody Valentine entourés de leurs dignes successeurs. Nous voilà prévenus.

Dés la fin d'après-midi, Crystal Stilts est chargé d'ouvrir la grande scène du fort de Saint-Père-Marc-En-Poulet. Le groupe arrive étonné de voir un public si clairsemé, retenu en masse à l'entrée alors que les porteurs d'une marque de chaussures peu solides avaient l'entrée prioritaire. Soit.
L'entrée en matière est assez rafraîchissante, les guitares sont en train d'être aiguisées mais le contenu reste pop, cadencé par des nappes de synthé donnant un petit coté rétro mais tellement dans l'air du temps. Le clavieriste sera d'ailleurs très loquace entre chaque chanson, le seul de la soirée qui se soit exprimé face au public. La voix grave est mise en arrière de manière assez traditionnelle pour ce genre de soirée. On s'attend a du très haut niveau musical ce soir et cela commence très fort.

Les choses sérieuses commencent malgré tout avec Deerhunter, premier grand moment d'intensité du festival. La rythmique détonante et la voix aérienne de l'échalas Bradford Cox, leader omniprésent, subliment un fort qui s'est bien rempli. La tension dégagée par le groupe n'a d'égale que la relative impression donnée par le groupe d'être totalement ailleurs que sur scène. Les chansons torturées et parfois totalement détournées du contexte de leur très bon dernier album Microcastle reçoivent un accueil chaleureux d'un public qui, je pense, après un tel show, aura pardonné l'annulation du groupe à la Route du Rock Collection Hiver de février. Le contraste entre une rythmique mathématique et des guitares qui s'échappent est saisissant. Au final, c'était bien plus qu'une mise en bouche : un très grand moment du festival.

C'est au tour de Tortoise d'investir la scène de la Route du Rock avec une configuration atypique : deux batteries, trois claviers, des marimbas et quelques guitares. Les cinq musiciens mutli-intrumentalistes livrent une musique riche, variée et jamais ennuyeuse malgré l'absence de chanteur. Les morceaux sont en constant changement dans leur structure, pouvant passer d'une légère mélodie au marimba à des riffs puissants pour finir sur un psychédélisme Krautrock. Mariage parfait entre Shoegaze et Free-Jazz, l'attitude du groupe est à l'opposé du précédent ; ils vivent pleinement leur art dans une énergie collective et souriante. Le mélange des deux batteries fait des merveilles. Le public est parfois interrogatif, parfois en pleine danse, mais conquis par cette musique unique et originale.

L'ambiance est grandissante et on peine à circuler sur le site alors que sont attendus ceux qui ont défini les couleurs de cette édition, My Bloody Valentine. L'occasion pour des jeunots qui étaient encore en culottes courtes quand le groupe mythique a sorti ses albums, et qui n'apprécient que le style shoegaze en concert de part des descendants tels que The Raveonettes, M83 ou My Vitriol, de voir enfin ce groupe majeur.
Première déflagration de guitare, le son est puissant, très fort, laissant nos oreilles et nos tripes pendantes. Le show commence sur le titre I Only Said accueilli comme le messie par des fans en furie. Certains ne s'attendaient pas à une telle envolée de décibels, les avis entendus ici-et-là seront divisés. Mais une chose est sûre, le groupe qui a influencé toute une génération est toujours présent et bien présent. L'attitude de Kevin Shields, éternel adolescent au chant à peine audible, est nonchalante, de même pour Bilinda Butcher dont on n'entendra pas la voix. En les regardant, on n'a pas l'impression que ce sont eux qui produisent un tel son et pourtant, les instruments couvrent tout mais avec une maîtrise fulgurante. Colm O'Ciosoig est quand à lui penché sur sa guitare assurant une tension permanente. Le flot de son passe au dessus des têtes pour se perdre très très loin dans la campagne bretonne. Sur la fin, le groupe passe le mur du son avec un moment hors du temps tel un décollage de fusée, une même note d'une puissance phénoménale tenue plus d'une dizaine de minutes. Certains renoncent, d'autres sont en transe, en tout cas le fort de St Père n'était pas loin de décoller ce vendredi soir.

A peine le temps de souffler et c'est reparti pour du gros son, pas de répit ce soir. Comment passer après ça ? Voilà une question que les membres de A Place To Bury Strangers ne se sont certainement pas posée puisqu'il ne se démontent pas et se montrent dignes de leurs prédécesseurs, leur influence artistique majeure. Des guitares ravageuses se mêlent à des structures plus pop et à une voix plus présente comparé à ce qu'on vient d'entendre. Quand le trio s'énerve, le résultat est aussi bruyant que My Bloody Valentine mais évidemment sans tomber dans la caricature pouvant incomber à des styles qui se rapprochent. Malgré tout, le public pourra quand même danser sur les passages électro noise ou plus sombres à la The Cure. Le jeu de scène en triangle tient parfaitement la route et prolonge la fête en cette heure avancée.

Les DJ Magnetic Friends vont alors faire danser les derniers récalcitrants restés pour le dernier groupe pendant environ une heure. Le fort se transforme en dancefloor avec de très bon mix electro, 80s, 90s, sans oublier David Bowie. Le passage de Snowman qui remplace au pied levé The Horrors et leur chanteur en arrêt maladie restera anecdotique comparativement au torrent de son vécu ce soir.

La Route du Rock est toujours là et bien là.
artistes
    My Bloody Valentine
    Tortoise
    A Place To Bury Strangers
    Deerhunter
    Crystal Stilts
    Snowman
    Marissa Nadler
    Mark Kozelek
    Daan Blake
    Starboard Silent Side
    The Delano Orchestra
    Ethel (DJ Set)