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La Route du Rock

Saint-Malo, du 14 au 16 août 2009

Live-report rédigé par François Freundlich le 17 août 2009

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Le dernier jour de ce week-end de Route du Rock est placé sous le signe d'artistes assez particuliers, hors du temps, avec un enchaînement et une cohésion dans la programmation assez réussis.

Le songwriter américain Bill Callahan et son groupe arrivent sur scène pour dévoiler ses airs aux accents folks. Ne connaissant pas vraiment ce Monsieur, je suis d'emblée touché par sa voix grave et profonde. Le personnage est particulier avec ses airs sérieux aux cheveux grisonnants et ses pieds nus. La mélancolie se dégageant de ses compositions ne peut que susciter l'admiration, et la tristesse de certaines me serre la gorge. On pense à Johnny Cash ou Bob Dylan. Les arrangements précis et recherchés de chaque chanson sont mis en valeurs par la touche de fraîcheur apportée par la violoniste - clavieriste. Le son du violon est d'ailleurs à couper le souffle. Lorsque la voix se mêle au violoncelle électrique, une ambiance très particulière se crée. On a en tête des images parfois sombres, parfois lumineuses de paysages atemporels. Le bon Bill éprouvera tout de même un malin plaisir à faire tourner la tête au public vers le soleil couchant sur les hauteurs du fort et ce à plusieurs reprises :« oh regardez des chèvres là-bas, je vais leur dédicacer une chanson ». Une touche d'humour dans un océan de finesse et de poésie.

Andrew Bird, autre personnalité atypique de la scène folk-rock d'outre-Atlantique, prend le relais. Cet habitué des terres bretonnes livre un set plus électrique qu'à son habitude. On est toujours impressionné par les qualités techniques de ce musicien hors-pair qui enchaîne dans une même chanson des airs au violon pincé ou archet, à la guitare, sifflotant, ou chantant en tapant sur son xylophone. La voix s'envole et nous rappelle Jeff Buckley tandis que le violon toujours à l'honneur, est délicieusement manié. Une très belle version du titre Anonanimal, extrait de son dernier album finira de nous convaincre, Andrew Bird a conquis la Route du Rock.
Signalons au passage les mix réussis des Magnetic Friends qui ont bien animé les pauses entres les concerts. Plusieurs festivaliers sont d'ailleurs venus les féliciter.

On avait presque oublié qu'on pouvait encore s'exprimer en français sur cette scène quand Dominique A nous rejoint. Venu en parrain du festival, le chanteur a en effet rythmé plusieurs concerts au fort dans les années 90. Il en est aujourd'hui la tête d'affiche, seul sur scène avec ses guitares, son clavier et ses machines. J'avais quelques appréhensions sur ce concert, ayant peur de m'ennuyer, mais j'ai découvert l'univers assez particulier de Dominique A et sa voix profonde. On pense à Alain Bashung dans cette manière de faire sonner la langue française. Je me surprends à apprécier les chansons jouées à la guitare électrique tandis que celles au clavier avec accompagnement sur boîte à rythme me laissent un peu de marbre. Il parvient à posséder toute la scène de part son charisme, les lumières sont également très abouties. Beaucoup de fans dans le public et de la communication avec l'artiste qui répondra « j'aimerais vous y voir... ». Une prestation réussie et surprenante pour ma part. Ces 3 premiers concerts ont été des expériences qui touchent un public d'une manière plus personnelle que collective. L'enchaînement a en tout cas provoqué une palette d'émotion assez variée.

Mais ce n'est que le début et la Route du Rock va atteindre son paroxysme grâce au concert des américains de Grizzly Bear. Le groupe fait son retour dans « son festival préféré » après sa double-performance en 2005 précédée d'une nuit passée dans le bois à coté du fort (dixit Daniel Rossen, chanteur et guitariste). Le groupe a pris une autre dimension depuis et la sublime performance de ce soir en est la preuve : inspiré, mélancolique, superbe. Le mélange des voix ajouté à celui des guitares offre une magie à peine descriptible. On redécouvre les compositions de leur album Veckatimest, déjà salué comme la grande sensation de cette année, et les adaptations ne lui font pas défaut.
Les notes de piano de Two Weeks raisonnent grâce à un son toujours aussi parfait : cette chanson restera mon grand moment de ces trois jours. On reconnaît quelques chansons plus anciennes déjà jouées lors de leur précédent passage, comme Knife et ses distorsions de voix, alors que mon voisin réclame While You Wait For The Others dans un silence général très respectueux. Le groupe, ravi, s'exécute en lui dédicaçant cette petite perle que je redécouvre complètement. L'histoire d'amour entre Grizzly Bear et la Route du Rock continue, les quatre nous quittent sous les acclamations en remerciant chaleureusement tout le monde. Je suis subjugué.

Après avoir encaissé tout ça, je me sens incapable de continuer. Quoi ? Il faudrait danser maintenant ? Mes jambes ne veulent plus ! J'attends quand même Simian Mobile Disco pour le virage électro de la soirée. On amène sur scène un fatras de machines autour desquelles ne vont pas tarder à s'activer les 2 DJs déjantés. Tournant autour de leurs tables le plus rapidement possible, à lancer un sample d'un jeté de bras, se précipitant sur un bouton, les Simian vont enflammer le fort tel des gourous. Je retrouve les ambiances bleutées des Transmusicales 2007 ainsi que mes jambes au passage. Ça bouge tout seul, le public s'excite, crie, danse. Le son est puissant et les beats sont rapides. J'aperçois un dauphin gonflable qui fait du stage diving, passant de festivalier à festivalier. Son ami le homard gonflable n'a pas eu cette chance. Le fort est en feu et on n'est pas près de voir cette soirée s'achever, puisque autoKratz prendra le relais juste après.

C'est pourtant ici que s'achève pour moi cette édition, riche en surprises et en découvertes. On a beaucoup parlé du son de My Bloody Valentine (concert audible jusqu'à la côte), en mal ou en bien (j'ai surtout entendu du mal même si pour moi c'était bien). On a eu du soleil dans le ciel et sur scène avec Camera Obscura et St Vincent, des grosses guitares avec Deerhunter ou The Kills, des personnages avec Bill Callahan ou Dominique A, de l'excitation avec Peaches ou Simian Mobile Disco. Mais le point culminant restera pour moi Grizzly Bear qui aura sublimé cette édition.

Il paraît que l'an prochain, c'est les 20 ans, et qu'on aurait peut-être droit à un groupe mythique. J'attends l'anniversaire de pied ferme et je ne raterai pour rien au monde mon pèlerinage malo-aoutien : merci pour tout.
artistes
    Dominique A
    Grizzly Bear
    Simian Mobile Disco
    Andrew Bird
    Bill Callahan
    Autokratz
    Gang Gang Dance
    Telepathe
    The Missing Season
    The Last Morning Soundtrack
    That Summer
    Ethel (DJ Set)