logo SOV

La Route du Rock

Saint-Malo, du 12 au 14 août 2011

Live-report rédigé par François Freundlich le 16 août 2011

Bookmark and Share
Une marée haute sur la plage de Bon Secours reflue l’ouverture d’une Route du Rock proposant certainement cette année la meilleure programmation estivale de France.

La petite scène au bord de la mer accueille la découverte du jour du label HipHipHip, le duo Botibol. L’écume malouine délicate se mélange à celle d’une douce guitare folk égrenant une pop bluesy et mélancolique. La voix prend des hauteurs insoupçonnées, quelque part entre Jeff Buckley et Band Of Horses. Lorsque le folk est laissé de coté, il est remplacé par un blues électrique et ronflant toujours accompagné d’une batterie. De petits xylophones viennent perturber le tout afin d’accentuer le coté pop de la chose. Ces harmoniques sont bienvenues et apportent une profondeur supplémentaire à cette voix qui impose une atmosphère particulière. Entre baigneurs du vendredi et festivaliers ravis, Botibol confirme tout le bien que l’on pensait d’eux après l’écoute de leurs compositions studio arrangées au millimètre.

 

SOV

 

Ce premier groupe a le mérite d’apporter le soleil sur la région malouine, ce qui n’était pas gagné au premier abord. Le beau temps est de mise sur le Fort de Saint-Père quand Anika entre en scène. L’allemande est accompagnée de son groupe mais on ne peut pas dire que la joie de vivre soit au rendez-vous tellement l’ambiance est sombre et triste. Sa reprise de The End Of The World ne se passe pas tout en douceur et en plénitude comme l’originale de Skeeter Davis. La sienne est torturée, lente avec des torrents sonores arrivant d’on ne sait où. Au final, une différence de vision entre la fin du monde des années 60 et celle de 2011...
Là ou la Route du Rock a pris l’habitude de s’ouvrir par une pop douce et entrainante, le choix de cette année est différent, mettant en scène cette blonde en noir à la voix de Nico sous Prozac. Là encore, on s’est mis au diapason 2011. Les productions du génial Geoff Barrow de Portishead revisitent le Master Of War de Bob Dylan ou I Go To Sleep des Kinks en leur faisant apparaître une face cachée lunaire et froide. Les basses frémissent et la voix d’Anika tente de les rejoindre. On a plutôt l’habitude d’artistes qui réchauffent les températures trop froides du fort, ici Anika refroidit des températures estivales. Le charme de la femme fatale opère même si les adaptations live sont parfois poussives comparées à l’album.

 

SOV

 

Pour repartir sur des bases plus seines, le mythique trio lo-fi Sebadoh se reforme sous nos yeux avec son line-up originel. Après avoir inspiré toute une vague indie ces quinze dernières années, les américains remettent les choses à leur place et prouvent à nouveau qu’ils sont bien l'un des groupes majeurs de la scène d’outre-Atlantique.
Partis sur des bases power-pop avec Lou Barlow à la guitare et au chant, entonnant un frénétique Skull, le son se fait de plus en plus mouvementé. Il devient carrément agressif lorsque Lou échange sa place avec le bassiste Jason Loewenstein, beaucoup plus rageur dans sa prise de position. La voix se fait criarde, la batterie s’accélère tandis que la guitare s’emporte dans un effet de distorsion débridé. On a presque l’impression d’assister à deux concerts différents selon la présence au chant de l’un ou de l’autre.
La préférence va à la formation initiale et son style plus dansant mais flirtant avec le stoner comme sur un Licence To Confuse poussant au headbanging. La voix posée et ronde de Lou apporte une subtilité à Sebadoh que la voix de Jason, aux allures de Dave Grohl en plus poussif, n’égale pas. Pour le début de soirée en douceur qu’on espérait avant un déluge sonore final, on repassera. Sebadoh est énervé et rien ne pourra les calmer, à l'exception de Magnet's Coil, seule chanson calme du set : havre de douceur très émouvant et appréciable. Moins provocateur dans son attitude qu’à ses débuts dans les années 90s, le trio laisse parler l’expérience de musiciens qui se connaîssent par cœur et enchainent parfaitement leurs plus grands tubes.

 

SOV

 

Pour leur grand retour à la Route du Rock, les filles d’Electrelane se reforment pour le plaisir de rejouer leurs meilleurs morceaux sans prise de tête. On aperçoit sur leur visage le bonheur de partager avec un public malouin persuadé à l’avance qu’il verra un bon concert. Après leur premier passage en 2007, on se dit que c’est évidemment le cas. Verity Susman se déchaine derrière ses claviers, affolant des arpèges entre boucles et montées fulgurantes tandis que sa douce voix un peu cachée se perd dans des aigües aux résonnances de diva pop. Ses trois acolytes ne sont pas en reste puisque fortes d’une section rythmique reposant sur la bassiste Ros Murray très percutante et ajoutant ses chœurs aériens aux compositions. Que dire du son de la guitare, de petites touches ponctuent doucement les claviers avant de longs déchainements instrumentaux.
Les quatre demoiselles offrent le premier grand moment de communion avec le public malouin. Leur fameux single To The East reçoit un accueil chaleureux et on ne peut s’empêcher de remuer face à ces touches de guitares glaciales et cette douce voix surmontant une pop-song parfaite. Les cris tendancieux de On Parade s’échappent des boucles de guitares infinies. Une reprise du Smalltown Boy de Jimmy Sommerville et son Bronski Beat surprend l’assistance pour faire ressortir de ce vieux tube des années 80s une essence rock dont on ne soupçonnait pas l’existence. La touche Electrelane est passée par là puisque s’en suit une divagation instrumentale sur laquelle les filles de Brighton s’en donnent à cœur joie. La lumière se fait limpide alors que le soleil se couche sur St Père.
Le concert se termine dans la nuit : se faire accompagner au crépuscule par le rock suave des ces quatre jouvencelles restera le premier plaisir échappatoire de cette Route du Rock. Encore plus marquantes et meilleures que lors de leur dernier passage, Electrelane ont joué sans pression mais avec la manière.

 

SOV

 

Inspiration principale d’Electrelane dés leurs débuts, c’est Mogwai qui entre en scène pour la suite des festivités, première déflagration sonore d’un trio de groupes plutôt énervés qui maltraiteront nos oreilles à leur façon jusqu’au matin. Les Écossais, arrivés légèrement en retard au fort, sont prêts à en découdre. Les guitare saturées sont tranchées par un violon électrique apocalyptique. Dans l’ombre d’un lightshow éblouissant sous un écran où défilent des images psychédéliques, Mogwai pousse le niveau sonore jusqu’à faire pâlir les hôtesses de la prévention auditive qui jonchent l’accès au site.
Un concert de Mogwai est toujours un instant particulier puisqu’il faut pénétrer pleinement dans leur post-rock instrumental ravageur. Les débuts sont mélodieux, introduisant des titres relativement calmes et permettant aux non-habitués de s’offrir une transition vers un son se faisant de plus en plus violent. On aperçoit difficilement les musiciens mais les superpositions de couches de basses ronflantes et de synthés lancinants font deviner une présence bien audible. Le public, lui, est attentif sans être totalement emballé. On s’oublie quelque peu sur des longueurs pour se réveiller sur des passages plus mélodiques. Le concert est à réserver aux initiés qui ont du apprécier, les autres sont restés dans leurs pensées pleines d’Electrelane...

 

SOV

 

On est toujours ravis d’accueillir des canadiens dans le Fort de Saint-Père et les programmateurs se sont offert un petit plaisir en faisant venir Suuns pour la seconde fois en six mois après leur passage mémorable à la Collection Hiver du festival en février. Il est vrai que cette prestation avait fortement marqué les esprits à la salle de l’Omnibus et les Montréalais deviennent le premier groupe à enchainer les collections hiver et été la même année.
Privilège relevé avec brio puisque même sans être subjugué comme au deuxième rang comme en salle, il faut admettre que leurs titres sont toujours aussi efficaces. Leur album Zeroes QC n’a pas quitté nos platines depuis le début de l’année et l’enchainement de ses chansons fait plaisir à entendre. Le tensiomètre est à son maximum dans la voix de Ben Shemie tandis que des basses foudroient la nuit autant que les tripes. Les compositions prennent une ampleur encore plus importante que lors de leur dernière apparition étant donné le gigantisme du son. D’une ouverture électrisante sur Arena qui a le mérite de nous faire entrer dans le vif du sujet, à la distorsion écrasée de Armed For Peace, les canadiens enchaînent les tubes. Même la répétitive et bizarre Pie IX trouve tout son sens dans une version live l’emmenant dans une déstructuration finale complètement jouissive. Gaze connaît le même traitement avec toujours cette voix détachée qui flotte au dessus de bases sonores torturées et tranchantes. Suuns s’écoute donc en toutes saisons et a encore retourné la Route du Rock. Les programmateurs ont bien compris que ce groupe est parvenu à marquer l’année 2011 autant sur disque que sur scène.

 

SOV

 

Pour terminer cette soirée enrichissante pour tout ORL opportuniste, le terrifiant Aphex Twin voit son matériel installé dans l’impatience générale. Alors que généralement la population diminue fortement avant le passage du dernier groupe (2h10 du matin oblige), la curiosité l’aura cette fois emporté sur la fatigue. Personne ne veut rater l’une des rares apparitions d’AFX et beaucoup semblent venus pour lui.
L’irlandais sait se faire désirer et après une longue attente les premiers sons s’échappent du mur d’amplis. Placé dans l’ombre de trois écrans géants à l’arrière de la scène et seul devant son bureau composé lui-même d’écrans, il est fin prêt pour lancer la danse. Il ne faut pas être épileptique pour suivre ce concert entre les projections ultra rapides de vidéos psychédéliques et les rayons laser par dizaines à la seconde. On est parfois obligé de baisser les yeux pour ne pas voir de petits points blancs. Le mix met tout le monde d’accord et on assiste à un set d’une originalité inouïe et extrêmement novateur. A la trappe les DJs qui reprennent tous le même son dont on sait exactement d’où il vient, Aphex Twin est subjuguant de créativité. On ne peut que s’étonner de chaque changement de rythme et de chaque enchainement pour finalement se laisser emporter et apprécier. On termine ce set comme une oie, gavé de lumière éblouissante et de beats épicés en essayant de tenir le coup mais c’est trop. Aphex m’a tuer.

 

SOV

 

Une première journée de retrouvailles avec son festival fétiche est toujours bonne. Les filles d’Electrelane nous ont offert un retour tout en beauté tandis que le trio Mogwai, Suuns et Aphex Twin nous a bien décrassé les tympans. Comme dirait Sebadoh, « Thanks to the dead cassette » !
artistes
    APHEX TWIN
    ETIENNE JAUMET
    SUUNS
    MOGWAI
    ELECTRELANE
    SEBADOH
    ANIKA
    MAGNETIC FRIENDS
    BOBITOL