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The Horrors

Paris, Paris International Festival Of Psychedelic Music - 4 juillet 2015

Live-report par Xavier Ridel

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Moiteur est le mot qui définirait le mieux ce samedi 4 juillet, quatrième jour du Paris International Festival Of Psychedelic Music. Du métro aux avenues de Pigalle, des kebabs à l'enceinte du Trianon, impossible d'échapper à la canicule. Les parcelles d'ombre se faisant rares et recherchées, nous nous jetons dans la salle parisienne, prêts à faire taire la sécheresse sous une pluie de bière fraîche.

A peine poussées les portes du Trianon, nous avons la surprise de voir Camera sur scène, en lieu et place de Hookworms, pour un deuxième concert d'affilée - les Berlinois ayant déjà joué la veille à La Machine du Moulin Rouge. Immédiatement happés par les flux et afflux répétitifs de leur krautrock, nous n'aurons que peu de temps pour regretter l'absence des créateurs de l'excellent The Hum.
Les quatre membres de Camera, le visage baissé vers un océan de pédales d'effets, jouent sans se regarder et de manière presque totalement improvisée. Debout au centre, le batteur martèle sa caisse claire, uniquement accompagnée de quelques cymbales. Les musiciens n'ont pas besoin d'échanger avec le public pour faire apprécier à ce dernier leurs chansons, tant celles-ci sont exécutées avec naturel, feeling et efficacité. Très vite, chacun se trouve plongé dans ses pensées, naviguant au gré des notes sur le fleuve de sa psyché. Inutile de s'attendre à de la nouveauté, ni à des refrains: les garçons de Camera sont là pour reprendre fièrement l'étendard du krautrock et se poser en dignes héritiers d'un style qui, 50 ans après, n'a pas pris une ride. Ce qu'ils font à la perfection.
Les guitares distordues se mêlent ainsi sans effort à la batterie, à la basse et au synthétiseur, dans un esprit de cohésion assez impressionnant. L'auditeur averti pourra reconnaitre quelques titres du groupe, pourtant malmenés par le désir d'improvisation de ce dernier; ici une bribe des rugissements soniques de E-go, là le riff synthétique - et synesthésique- de Synchron. Puis une chanteuse vient rejoindre les berlinois, posant sa voix sur deux titres cette fois-ci plus travaillées et à la couleur presque trip-hop. L'ensemble parait être un mix bâtard de Portishead et de Can, qui, s'il est un peu déconcertant au départ, n'en demeure pas moins plaisant. Et voilà Camera qui s'éclipsent en balançant quelques remerciements sincères au public parsemé.

Une petite demi-heure plus tard, c'est au tour des Horrors de prendre le contrôle d'un Trianon désormais presque plein. Le public est un étrange composite de jeunes barbus, de filles en fleur, de quarantenaires avinés et, même, de sexagénaires. Chacun se masse devant la scène, attendant ceux qui, les premiers, écrivirent le mot psychédélisme en lettres gothiques. Ceux-là même arrivent, rejoints quelques instants plus tard par leur leader, Faris Badwan. Les tignasses empruntées aux Cure ont disparues, à l'instar des vêtements sombres et des mines blanchâtres, fatiguées, qu'arborait le groupe à ses débuts.
C'est sans dire un mot que les anglais lancent Mirror's Image, tiré de Primary Colours. La voix de Badwan n'a pas perdu de sa superbe, tout comme son charisme; et le leader harangue la foule, parcourant la scène de long en large. Quelque chose manque cependant. Alors que nous nous attendions à des déluges soniques dignes de My Bloody Valentine, à une atmosphère sombre, criarde, le son semble comme aseptisé, dénué de toute aspérité. Si les morceaux restent excellents, comme le démontre cet I Can See Through You joué en deuxième position, la magie parait s'être évaporée on ne sait où. Malgré ça, les pogos font rage au centre de l'arène, chacun frappant du pied un parquet trempé par la bière et la sueur.

Il faudra attendre le quatrième titre pour entendre un extrait du dernier album des Horrors, Luminous. S'il était déjà difficile de se voir convaincu par cet opus, son interprétation scénique n'est pas moins décevante. Le coté pop, largement mis en avant par le l'imitateur de décibels, est à l'opposé avec ce que nous aimions chez le groupe et avec ce qui faisait à notre sens sa particularité. Entendons par là les multiples distorsions, donc, le coté sombre, pesant parfois, des chansons, et les incursions au sein de genres tels que le shoegaze, le krautrock ou encore la cold wave. Autant de choses qui semblent difficiles à trouver dans les titres de Luminous.
Et cette impression perdurera tout au long du concert, en dépit de chansons inoubliables - Still Life en tête. Les Horrors quittent la scène au bout de onze titres, remerciant leur public avant de s'éclipser sans rappel. Quelques extraits de Skying ou de Primary Colours, et seulement deux de Luminous : le concert aura en réalité été un rapide Best Of du groupe. Ainsi se clôture cette soirée du Paris International Festival Of Psychedelic Music, qui cette année encore aura offert à son public un impressionnant panel de groupes émergents ou confirmés.

Reste néanmoins en bouche le petit goût amer qui aura suivi la prestation des Horrors. Sans doute faut-il accepter l'évolution de ses idoles de jeunesse, et se faire à l'idée que ceux-ci doivent bien, un jour, changer de style et se renouveler. Ce fut le cas de beaucoup, voire de tous; on ne peut cependant que regretter cette évolution du groupe vers une musique plus légère. Cela ne nous empêchera en aucun cas de continuer à, parfois, trainer sous les lueurs blafardes des réverbères, bercés par la voix de Badwan sur I Only Think Of You, convaincus que les Horrors sont et resteront un des groupes les plus influents de cette décennie.
setlist
    Mirror's Image
    I Can See Through You
    Who Can Say
    In And Out Of Sight
    Scarlet Fields
    Sea Within A Sea
    Endless Blue
    I See You
    Changing the Rain Still Life Moving Further Away
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