Villagers

« Where Have You Been All My Life ? », titre du dernier album de Villagers, invite déjà au voyage et à la rêverie. « Où étais-tu, durant toute ma vie ? » suppose la recherche d'un idéal amoureux, enfin trouvé, entre soulagement et grâce. Ce ne sont pas de nouveaux morceaux, mais un concentré de plusieurs anciens joués en live au studio RAK à Londres et forcément avec cette belle mise en bouche on voulait voir ça de plus près. C'est à la Maroquinerie que nous les avons retrouvés pour passer un moment en toute simplicité.



Dès le premier titre Memoir, la salle est plongée dans une douce contemplation qui se prolongera jusque le dernier morceau en rappel, Courage. Une atmosphère particulière s'en dégage. Nous sommes soudain les personnages gravissant la colline de la pochette de leur album pour y contempler l'unique individu volant au dessus des nuages à la façon de Peter Pan dans un paysage à la fois fantastique et nébuleux. Villagers, c'est un peu ça. Ils nous font voyager à travers leur musique dans les terres aériennes irlandaises d'où ils sont originaires. Les amoureux s'enlacent tendrement, tandis que la plupart des personnes présentes ont sur les lèvres leurs paroles.

So Naïve dégage tout le talent de Conor O'Brien, leader du groupe, tenant sa voix un long moment, suffisamment longtemps pour nous tenir en haleine, jusqu'à ce qu'il se précipite sur les syllabes suivantes. Ce changement brusque est inhabituel et plaisant. Il y a un sentiment de glissement que nous le retrouvons constamment à travers la musique grâce à un mélange de cuivres et de cordes. La harpe vient apporter cette petite touche de douceur à travers un son cristallin, contrastant avec celui de la contrebasse, ajouté à cela un synthé et une batterie jouée au balai comme en jazz. Nous avons à travers ces différents instruments un large panel de tonalités.

À chaque nouveau morceau, nous avons l'impression de passer à un état nouveau. Celui-ci se fait progressif. À mesure que nous avançons, les musiques se font moins calmes, les instruments plus excités jusqu'à ce point culminant sur Occupy Your Mind. Nous quittons complètement l'aspect aérien pour être confrontés à des sonorités qui s'appesantissent mais qui nous donnent envie de taper du pied. La plupart de leurs morceaux évoquent quelque chose de fort comme Everything I Am Is Yours, il n'est donc pas étonnant de ressentir cette union entre le public et le groupe qui en chœur répète le refrain. Je tiens également à mentionner The Pact à l'écriture à la fois simple et évidente. « Do what you did yesterday, go on repeating / 'cos my heart's only on fire when you are the teacher / You take the torch and I, follow the leader / You'd be my master and I'll be your fever ». Ils nous procurent une fièvre douce et chaleureuse à leur écoute.



On aura également apprécié les petites touches d'humour du leader lorsqu'il découvre ce que veut dire le terme « maroquinerie » : « c'est un truc rapport au cuir, c'est ça ? » demande-t-il au public qui s'empresse de confirmer sa supposition. Entre deux morceaux, il se met à entonner « Je suis le poinçonneur des Lilas, le gars qu'on croise mais qu'on ne reconnaît pas », entre No One To Blame et Wichita Lineman. Son enthousiasme qui transparaît en fredonnant ces quelques mots, contraste avec les deux morceaux joués en toute intimité au piano. Cette mention spéciale à Gainsbourg m'aura personnellement enchantée. On aurait aimé qu'il fasse plus souvent dans l'improvisation et laisse davantage place à ce personnage spontané et tout à fait charmant.

Ce concert de Villagers fut une rencontre plutôt agréable, où on se laisse glisser et flotter au grès des notes. Il n'y a qu'à fermer les yeux et à écouter...