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Villagers

Interview publiée par Jacqueline le 25 mai 2010

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Découvert au sein de The Immediate il y a quelques années, Conor J. O'Brien, aka Villagers, est désormais considéré par beaucoup comme l'un des artistes irlandais les plus talentueux de sa génération. Rencontre avec le jeune multi-instrumentiste à l'occasion de la sortie de son premier album solo, Becoming A Jackal...

Tu n'es pas encore très connu en france, mais tu jouais dans The Immediate il y a quelques années... Peux-tu nous en parler ? Comment es-tu passé d’un groupe à jouer en solo ?

Ca s'est fait de façon très naturelle lorsque le groupe s'est séparé. On se connaissait depuis l'école, on jouait ensemble depuis tout jeunes, depuis qu'on a douze ans... on était un vrai gang. Mais c'était une conclusion naturelle lorsqu'on a choisi d'arrêter, tout le monde sentait que c'était la fin, on voulait tous faire des choses différentes. J'étais un peu choqué sur le moment, car deux d'entre eux voulaient arrêter, mais j'ai commencé à écrire mes morceaux le lendemain, je ne savais pas trop quoi faire ...

Pourquoi avoir créé Villagers au lieu de former un autre groupe ?

Je ne voulais absolument pas monter un autre groupe parce que je ne voulais pas me sentir forcé à collaborer avec quelqu'un. J'ai toujours joué avec mes meilleurs amis, mais là, après cette séparation, je me suis dit que j'étais capable de tout faire tout seul, jouer mes propres chansons sans l’aide de personne.

Peux-tu nous en dire plus sur comment l'idée de créer Villagers est née ?

J'écris seul, le processus créatif ne vient que de moi. Et ensuite je fais écouter mes démos à mes musiciens, et ils apprennent à les jouer. Je joue de tous les instruments sur le disque, mais ils apprennent à jouer ces morceaux pour pouvoir jouer des concerts ensemble... je suis un dictateur au niveau du processus créatif mais quand on tourne tous ensemble, ils sont vraiment libres de faire ce qu'ils veulent, jouer à leur façon et même changer certaines parties dans les chansons, improviser en quelque sorte...

Penses-tu que c'est pour cette raison que l'on te compare souvent à Conor Oberst de Bright Eyes ?

Oui, et aussi parce que je m'appelle Conor, que je suis brun et que je joue de la guitare acoustique (rires) ! C'est un mix de tout ça ! J'apprécie Bright Eyes, je ne pense pas que notre musique soit similaire mais c'est un compliment pour moi.

Tu as aussi accompagné Cathy Davey lors de ses concerts pendant un certain temps, qu'en as-tu appris ?

Deux semaines après que le groupe se soit séparé, j'ai commencé à jouer de la guitare en tournée avec elle. Lorsque The Immediate étaient encore ensemble, j'avais déjà joué de la guitare, basse et batterie sur son album. Quand elle a appris que le groupe s'était séparé, elle m'a immédiatement appelé pour me proposer de partir en tournée avec elle. On a répété, et j'ai passé deux ans sur la route avec elle, puis quand j'avais du temps libre j'écrivais mes propres chansons ...

Cela fait donc déjà un moment que tu écris des chansons pour Villagers ?

Depuis que le groupe s'est séparé. J'écrivais juste des chansons, je testais des idées, sans penser que je les enregistrerai et les mettrai sur un album un jour. J'écrivais juste pour moi-même ... Et maintenant que l'album sort bientôt, ça me fait beaucoup de bien de pouvoir les exposer aux autres, et que des gens de pays et cultures différentes puissent les écouter.

Tu es l'un des espoirs les plus en vue en Irlande depuis plusieurs mois maintenant, comment vis-tu cette popularité naissante ?

Je suis si occupé en ce moment que je ne vais même plus sur Internet, je ne lis plus la presse ... je ne sais pas. Je ne me rends pas compte.

Tu cultives une image très vintage de par tes visuels et artworks, d'où te vient cette passion ?

Je dessine moi-même tous les artworks. Je fais des croquis, des petits dessins au stylo bic. Et avec l'album, il y aura un carnet contenant une illustration par chanson.

Ton album présente des titres très dépouillés et d'autres plus complexes dans la composition. Quelle a été ton approche pour cet album ?

Je peux écrire des chansons en quelques minutes, puis passer presque un an à les arranger jusqu'à ce que j'en sois content. Il peut y avoir jusqu'à huit démos pour une seule chanson. Mais comme je n'avais aucune pression, ni de date butoir pour un éventuel album, j'ai pris mon temps. Les versions définitives qui sont sur l'album sont en fait très proches des premières versions, elles conservent finalement tout l'esprit d'origine et l'idée que je me faisais de ces chansons. C'est un processus durant lequel j'étais en recherche permanente, je revenais souvent à des versions antérieures de mes chansons et j'apprennais en faisant des erreurs. Et souvent, en travaillant sur ces chansons, je me disais « oh tiens, et si à ce moment-là la mélodie s'arrêtait soudainement pour faire place aux paroles, elles auraient un impact plus fort »... c'est comme un processus d'exploration permanente, jusqu'à obtenir un résultat satisfaisant à mes yeux.

Comment réarranges-tu tes chansons pour la scène lorsque tu te produis seul ?

C'est assez différent lorsque je joue tout seul, c'est au feeling. Cela dépend du public, de la taille de la salle, des gens que j'ai en face de moi. Avec le groupe, on aime arranger les chansons différemment en live, et on joue vraiment ensemble, on se regarde, on ralentit ici ou là, on peut aussi jouer moins fort ... on est vraiment flexibles et on joue au feeling.

Tu es maintenant signé chez Domino Records, pourquoi avoir choisi cette maison de disques ?

Ils ont entendu parler du groupe par bouche à oreille, ils sont ensuite venus à l'un de mes concerts, où je jouais seul, puis sont revenus nous voir lorsque l'on était en formation complète. Ils ont proposé un contrat, ça s'est fait aussi simplement. J'étais vraiment excité à l'idée de signer avec eux, car j'ai toujours été fan de ce label, de beaucoup de leurs artistes, et leur façon de travailler avec eux et de les promouvoir. Au moment d'enregistrer, ils nous ont vraiment fait confiance, nous ont laissé carte blanche sans donner de consignes ou de directives, c'est ce que j'appréciais avant d'être chez eux et qui s'est vérifié après les avoir rejoints. Tout l'album est exactement comme je le voulais, je le leur ai « livré » tel quel, et ils ont aimé.

Quels sont tes sujets de prédilection dans l'écriture ? Des histoires courtes ? Écris-tu sur toi ?

Il y a définitivement un aspect personnel, mais je ne m'imagine pas seulement parler de ce que je ressens et de moi-même. Je veux que les gens puissent s'identifier aux chansons, et qu'il y ait une connexion entre moi, la chanson et la personne qui l'écoute. Que chacun puisse prendre mes paroles et leur donner la signification qu'il souhaite. Je ne prétends pas délivrer un message. Une fois enregistrées et jouées en concert, les chansons ne sont plus les miennes, elles appartiennent au public, qui les interprète comme il le veut...

Qu'écoutes-tu en ce moment ?

J'écoute de vieux disques de Randy Newman. Ses premiers albums sont brillants. Ses chansons sont écrites à partir de perspectives d'autres gens. Il essaie d'imaginer ce qu'ils pourraient dire et ressentir, puis retranscrire tout cela comme s'ils étaient à leur tour les chanteurs. Les mots peuvent paraître forts et choquants, mais il ne fait qu'adopter leur point de vue, et même pour les critiquer quelquefois. J'ai beaucoup appris de cette façon d'écrire et essayé de reproduire cette idée sur quelques compositions, écrire ainsi des chansons sur certains personnages.

Vois-tu Villagers comme un projet à long terme pour continuer à sortir des disques sous ce nom ?

Je pense oui, car je suis seul, et la seule raison pour laquelle j'arrêterais sera le jour où je déciderai d'arrêter la musique, et que je déciderai par exemple de me consacrer à la peinture, ou n'importe quoi d'autre ... quelque chose de créatif en tout cas. J'adorerais écrire un livre, et l'illustrer.