Ikara Colt

Brillant et terriblement excitant, Modern Apprentice signe à la fois le retour et l’affirmation des futurs (ou déjà) très grands Ikara Colt. Ces londoniens enragés ont une classe folle et du génie. Et ils le montrent.

Il y a deux ans déjà leur premier album, Chat & Business, en avait surpris et épaté plus d’un. Aujourd’hui la conjoncture est différente, d’autant plus que l’EP Basic Instructions, sorti entre temps, n’aura que décuplé les espérances. Cette fois attendu, voir très attendu, Ikara Colt n’a pas déçu, s’offrant même le luxe, avec ce 2e chef d’œuvre, de nous remettre une bonne grosse claque. Pourtant on les surveillait, on les épiait … mais que voulez vous ces art-punks sont trop forts. Et désormais ils évoluent dans la cour des Grands.

Elégants, ils s’habillent bien, parfois même portent une cravate, Ikara Colt ont belle allure – d’ailleurs ils sortent tous d’une école d’art, ce qu’on fait quand on a surtout pas envie de bosser, disent-ils – leur artwork est simple et direct, à l’image de leur musique, punk et minimaliste. Sans fioritures ni artifices, ils vont là où ils veulent, fonçant droit devant, sans detours, tête baissée mais trajectoire étudiée, et ils le font vite et bien.

Groupe mixte (2 filles 2 garçons), Ikara Colt a soigné son deuxième album. Ça n’est pas un hasard si la production a été confiée entre les bonnes mains d’Alex Newport, qui avec At The Drive In, The Icarus Line ou The Mars Volta, a de quoi remplir son CV. Plus mature et un peu plus sombre sans doute, Ikara Colt n’a, avec Modern Apprentice, rien perdu de sa fougue et de son énergie. Le quartet londonien sonne toujours aussi frais. Tracy Bellaires, nouvelle bassiste, a apporté sa vitalité et ce que le groupe recherchait, une main gauche qui joue Motorhead et une main droite qui fait du Joy Division !

Du groupe de Ian Curtis justement, Ikara Colt n’a pas seulement hérité d’une main droite mais aussi d’une rythmique implacable et particulièrement jouissive, ce qui leur donne une atmosphère si particulière. Joy Division avec des sensibiltés pop, un accent de Sonic Youth pour les guitares, ça donne un mélange aussi explosif que ces comparaisons ne veulent sûrement rien dire. Parce qu’avant tout Ikara Colt reste Ikara Colt.

Avec son ouverture sur Wanna Be That Way suivi de Wake In The City, deux singles, Modern Apprentice commence très fort. Morceaux courts, électrisés, extrêmement rapides, c’est captivant et direct, bienvenu chez Ikara Colt. Dans le même style, tout aussi péchue et entraînante, I’m With Stupid est le sommet de l’album, idéalement placé en son milieu.

L’atmosphère ne redescendra pas d’un rang, en 12 titres et à peine plus d’une demi heure les anglais frappent partout, les colts sont de sortie et dégainent à toute allure, les balles fusent et de Rewind à Automatic en passant par How’s The World Gonna Take You Now toutes sont mortelles et d’une précision absolue.

Loin d’être répétitif Modern Apprentice nous réserve aussi quelques plages assez différentes. Paul Resende est un brillant vocaliste, il le montre sur le mélancolique et enivrant Waste Ground. Quand Claire Ingram le rejoint en seconde voix Ikara Colt touche le Jackpot. Modern Feeling, morceau dansant à tendance electro est une pure merveille. Les Franz Ferdinand peuvent se retirer, les vrais punks du dance floor ne viennent pas de Glasgow mais des faubourgs londoniens !

Ni trop court, ni trop long (on peut très bien l’écouter 2 ou 3 fois à la suite, voir quatre et plus …), cet album marque déjà l’année 2004 de son empreinte, et si il fait bien rentrer Ikara Colt dans l’ère moderne, il les déshabille de leur tenue d’apprentie pour leur enfiler le costume de maîtres.

Avec cette confirmation – mais qui en doutait ? – Ikara Colt se positionne désormais comme l’un des leaders du renouveau punk britannique du 21e siècle. On attends maintenant avec impatience de voir ce que les petits nouveaux Kill Kenada ou encore Art Brut vont pouvoir faire derrière. Mais la voie leur est toute tracée et l’exemple leur est montré !