The Count And Sinden

Être un DJ ou producteur accompli ne garantit en rien la réussite d'un album. De même que certains groupes de rock ne savent écrire que des singles, les producteurs électroniques se font une spécialité du DJ Track. Cet exercice tient plus de l'artisanat que de l'œuvre d'art mais l'écriture d'un album est bel et bien une toute autre gymnastique. C'est celle à laquelle s'essayent pour la première fois, deux mastodontes de l'électronique anglaise, The Count (alias Hervé) et Sinden. Le tube intercontinental Beeper, sorti il y a trois ans, avait permis au duo de dépasser largement la sphère électronique et de se voir proposer un contrat par la vénérable maison indie Domino Records.

La difficulté est de concilier la volonté pop aux velléités dancefloor, de réconcilier maison et club. Avec Mega Mega Mega, les deux compères ne semblent pas s'être trop encombrés du buffet de mamie, ils lui préfèrent largement une table de mixage, un verre de vodka redbull à côté, au risque de briser le vaisselier à coup d'infra-basses. The Count & Sinden évoluent, en effet, dans le domaine de la Bass Music, souvent gonflée à la testostérone (Mega) et où les voix féminines invitées (Katy B, Rye Rye) tempèrent à peine les lignes de basses belligérantes dont ils sont si friands. De même, quelques rythmes d'inspiration tropicale viennent élargir le spectre de l'UK Funky très en vogue ces derniers mois de l'autre côté de la Manche, notamment sur l'excellent single After Dark, meilleur morceau de l'album.
Comme souvent dans les disques électroniques anglais, on navigue toujours sur la démarcation trouble entre efficacité et vulgarité. Frontière que le duo passe allégrement, plombant l'album d'infamies telles que Elephant 1234 ou Hardcore Girls qui feraient grogner de joie votre voisin Jacky dans sa voiture tunée. Ce sont finalement les deux morceaux avec les enfants du grime, 77klash et Bashy, qui sauvent le navire du naufrage beauf, particulièrement Roll Out avec son ambiance carnaval de Nothing Hill.

Baigner dans bain culturel londonien donne souvent des expériences extrêmes. Héritiers d'une lignée de bidouilleurs versatiles enfantés par les Basement Jaxx, The Count & Sinden en sont certainement parmi les plus talentueux. Néanmoins, en tombant une jambe de chaque côté de la poutre, le duo a raté son grand saut, et les juges, cléments, leur ont accordé la moyenne.