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Legss

Unreal

Legss - Unreal
Chronique Album
Date de sortie : 12.09.2025
Label : The state51 Conspiracy
35
Rédigé par Laetitia Mavrel, le 11 septembre 2025
Notre première rencontre avec Legss s'est faite lors de la toute première édition du festival Block Party, en 2023. C'était en tout début de soirée, et alors que nous peinions à nous remettre du mini tsunami alors déclenché par Maruja, eux-mêmes donnant leur première prestation parisienne, autant dire que les batteries étaient chargées... à bloc. Ce fut alors un tout autre type de tempête que nous nous prenions sur le coin du nez. Nous assistions à un retour comme quarante ans en arrière, quand le toute nouvelle scène post-punk émergeait dans le quartier ouvrier de Manchester, avec toute une bande pas très joyeuse de jeunes groupes qui suait le mal-être avec une grâce indéfinissable.

Ce soir-là, c'était au tour de Legss, formation issue de Londres, de nous faire découvrir son rock très imprégné de cette tendance un brin étouffante. Legss, c'est un quatuor formé de Ned Green à la guitare et au chant, Louis Grace à la batterie, Jake Martin à la basse et Max Oliver à la lead guitare, celui-là même qui partage son temps de travail avec une autre excellente formation anglaise, Hotel Lux. Le groupe nous a déjà livré Fester, son premier EP, en 2023. Déjà, la couleur était annoncée : une ambiance un peu anarchique, une batterie lourde et des guitares dissonantes, la tension montait et seul le chant mi déclamé de Ned apportait selon les titres un peu d'oxygène au tout. Leur prestation courte mais particulièrement harassante au Supersonic nous laissait alors impatients d'en entendre plus.

Il faudra attendre deux années pour enfin retrouver Legss et leur premier album intitulé Unreal. Irréel en effet de pouvoir attendre deux ans de nos jours, avec l'armada de jeunes groupes talentueux qui pullulent dans nos playlists, et autant vous dire que dans le rayon sombre et ténébreux, il y a de la concurrence. C'est peut-être pourquoi Legss déroulent l'artillerie lourde avec un disque garni de treize morceaux, un pari audacieux pour un premier album. Ici, ce sont des musiciens qui ont grandi, qui se sont fait la main depuis, notamment en jouant dans tous les clubs disponibles et qui, de ce fait, se sont bâti une belle petite réputation scénique outre-Manche.


Cet album est fidèle à la bonne impression que nous avait laissé le groupe à Paris, ce dernier continuant son exploration des limbes post-punk tendance un peu sinistre tout en y insufflant de nombreuses rafales fougueuses, des montées en puissance aussi soudaines que dévastatrices, qui rendent l'atmosphère délicieusement éprouvante. Sachant distiller à la perfection ce qu'il faut de tiraillements tout au long du tracklisting, jouant sur des nuances tantôt douces et éthérées, tantôt perçantes et agressives, Legss nous évoquent la fureur et l'instabilité de Gilla Band ou, plus récemment, le style vacillant des Irlandais de Chalk. L'aspect fragile de la voix de Ned est trompeur, et il faut visualiser ce très frêle et longiligne jeune homme sur scène pour comprendre qu'il se joue ainsi de son aspect lorsqu'il se confronte aux nombreuses secousses que l'on trouve dans de titres comme Gloss ou Sleepers, Awake.

La ligne de guitare est cependant un peu plus fluide chez Legss, et il n'est pas impossible de réussir à attraper au vol une mélodie, comme sur See No Evil ou le très lunaire Eversince. Flirtant presque avec les effluves ouatés de la dream pop, c'est donc une ambiance bipolaire qui ressort de cet album, la mélancolie comme la colère sont ressenties, presque instantanément, rendant ainsi l'écoute à la limite du perturbant.
Cependant, c'est ici encore le contraste entre le chant et la musique qui rend Unreal intriguant. Il est donc difficile de faire sortir un single en particulier, l'écoute est assez linéaire, et c'est peut-être l'effet recherché, se laisser happer par cette musicalité très pénétrante, et n'en ressortir qu'une fois que la lecture s'arrête. Le titre de clôture 909 se présente ainsi comme une déclaration d'intention de la part de Legss de nous déstabiliser, subrepticement, presque sans que nous nous en rendions compte, tant on pénètre rapidement dans leur univers à première vue difficile d'accès.

Avec Unreal, Legss réussissent à nous plonger dans une torpeur dont on ne souhaite pas ressortir, son aspect entre douceur et rugosité ainsi que son équilibre fragile font de ce premier album une petite réussite.
tracklisting
    01. Broadcast
  • 02. Gloss
  • 03. Sleepers, Awake
  • 04. See No Evil
  • 05. Forgot To Answer
  • 06. American Flowers
  • 07. Silo
  • 08. Eversince
  • 09. Nothing Would Make Me Happier
  • 10. When Will I See You Again
  • 11. Big Rot
  • 12. 909
  • 13. Fugue
titres conseillés
    Gloss - Sleepers, Awake - 909
notes des lecteurs
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