Seefeel

Maladroitement rangé dans la catégorie shoegazing, Seefeel a finalement bien plus à voir avec Aphex Twin, Autechre ou encore Boards Of Canada qu'avec My Bloody Valentine et consorts. Dans cet album éponyme, les britanniques, formés au début des années 1990, mélangent avec richesse, sens de la contenance et parfois avec une certaine complexité, un goût pour l'exploration sonore et une approche syncopée de la musique, tout cela sous couvert d'une recherche quasi cosmique et chimique de la mélodie. Dit comme ça, l'ensemble a l'air assez cérébral... et de toute évidence, la musique de Seefeel l'est ! Pas vraiment étonnant donc que ces mélomanes un brin tordus soient signés sur le label Warp.

Onze morceaux - allant de cinquante secondes à plus de neuf minutes chacun - habillent le disque. Au menu, grosses basses, synthétiseurs distordus omniprésents et irréguliers, batterie pesante et syncopée, chœurs en sourdine... Bref, tout est fait pour nous faire plonger la tête la première dans un carfanaum sonore où aucun repère n'existe pour remonter à la surface.
De l'atmosphère trip-hop/ambiant de Way (dont la basse pourrait rappeler Massive Attack ) à celle de Rip-Run, avec ses choeurs féminins lointains et ses synthés qui s'évaporent, en passant par Step Down, avec sa rythmique syncopée, son chant trafiqué derrière une mélodie pas vraiment immédiate, Seefeel démontre avec ses titres qu'il n'est garant d'aucune homogénéité.

Chez le groupe, Aphex Twin flirte donc avec Boards Of Canada sans retenue (écoutez les 9 min30 de Aug30 ou Airless), fait un rapide et léger clin d'oeil à Amon Tobin, Squarepusher ou DJ Shadow ( Step Down), de manière, au final, à procurer autant de plaisir aux fans de noise pur et dur (O-on One, Gzaug) qu'aux amoureux d'univers planants (Making), de techno minimale (Faults) et d'autres terrains expérimentaux(Dead Guitars).

La question est ici de savoir si l'on peut sortir indemne de leur parcours musico-sensoriel, ou avant même d'en sortir, si l'on peut y rester.