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Wet Leg

moisturizer

Wet Leg - moisturizer
Chronique Album
Date de sortie : 11.07.2025
Label : Domino Records
35
Rédigé par Franck Narquin, le 8 juillet 2025
Quand Chaise Longue est arrivé à l'été 2021, ce debut-single flamboyant a fendu la pop britannique comme un rayon de soleil acide. Une ligne de basse aussi simple qu'obsédante, une voix mutine qui balançait des phrases absurdes comme des slogans féministes sous Xanax et surtout une nonchalance maîtrisée, presque insolente, ont suffi pour propulser Wet Leg sur le devant de la scène. Leur premier album, sorti dans la foulée, avait consolidé ce coup de génie en un bric-à-brac post-punk-pop euphorisant, imparfait mais jubilatoire. De quoi diviser les rédactions (celle de Sound of Violence comprise), déclencher une hystérie transatlantique, rafler trois Grammy Awards, deux Brit Awards, et envoyer Rhian Teasdale et Hester Chambers sur toutes les scènes du monde. Alors forcément, moisturizer arrive avec son cortège d'attentes, de haters embusqués et de comparaisons redoutées. Et une question en filigrane, comment survivre à son propre buzz ? En allant vers plus de pop ? Plus d'absurde ? Plus de noise ? Ou un peu de tout ça à la fois ?

Le début donne le ton et on reconnait immédiatement la patte Wet Leg (riffs imparables, hooks accrocheurs et ironie cinglante) ainsi que le son Dan Carrey, leur producteur attitré. CPR ouvre donc l'album en terrain connu, guitares hachées, voix parlée et refrain qui claque, quelque part en entre la verve d'Elastica et l'espièglerie de Disgusting Sisters (ndlr : les nouvelles petites protégées de Dan Carrey, déjà considérées comme les prochaines Wet Leg). Liquidize convoque un spleen indie-rock early-90s, avec une intro guitare sèche à la Pixies et un mid-tempo catchy digne de The Breeders avant que catch these fists ne fonce dans le mur à 180 BPM avec son dance-punk frénétique, basse bondissante, beats martiaux et synthés qui hurlent à la Yeah Yeah Yeahs.

Après ce départ tonitruant, le groupe lève le pied et, avec lui, l'élan initial se dilue quelque peu. Bienvenue dans la zone grise de moisturizer. Si davina mccall, jolie bulle pop pastorale, apporte un peu de respiration, jennifer's body rejoue la formule « loud-quiet-loud » du premier disque sans en retrouver la fraîcheur. mangetout, malgré son refrain rageur ("get lost forever") et son potentiel de tube, semble tourner un peu en rond, tandis que pond song, charmante mais légère, et pokemon, qui lorgne vers la pop suave façon Biig Piig ou Clairo, laissent une impression plus diffuse. On sent le groupe chercher, hésiter entre affiner sa formule ou explorer de nouveaux territoires mais sans toujours oser le grand saut.

Heureusement, le réveil vient grâce à pillow talk, nerveux et noisy, qui ramène de l'électricité et du panache avec ses guitares saturées et sa voix mi-parlée mi-désabusée et don't speak (non, pas une reprise de No Doubt) qui relance la tension en croisant guitares shoegaze et chant bubblegum, peut-être la proposition la plus audacieuse du disque. Le final, lui, hésite à conclure. 11:21, ballade au chant haut perché reste douce à l'oreille sans être mémorable et u and me at home, fausse berceuse bruitiste, clôt l'album de façon un peu feutrée. Un dernier morceau qui, à l'image de l'ensemble, oscille entre confort et esquisse de mue.

Décevant à la fois fans et haters, moisturizer n'est ni un coup d'éclat, ni un faux pas. C'est un album de transition où Wet Leg tâtonnent entre le post-punk goguenard qui les a révélées et une pop plus ouverte, plus produite et parfois plus lisse. Elles restent souvent entre deux chaises longues, celles du clin d'œil malicieux et de l'efficacité immédiate, sans toujours choisir laquelle renverser. Le disque s'écoute avec plaisir et offre son lot de fulgurances mais donne parfois l'impression de jouer la sécurité. En cherchant à concilier esprit frondeur et élargissement du public, le groupe tempère ses élans les plus audacieux. Résultat, ça tourne bien mais ça ronronne un peu sur ce bon disque d'été, agréable et bien construit mais auquel il manque ce grain de sable qui ferait tout dérailler.
tracklisting
    01. CPR
  • 02. Liquidize
  • 03. catch these fists
  • 04. davina mccall
  • 05. jennifer's body
  • 06. mangetout
  • 07. pond song
  • 08. pokemon
  • 09. pillow talk
  • 10. don't speak
  • 11. 11:21
  • 12. u and me at home
titres conseillés
    CPR - Liquidize - pillow talk
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