David Thomas Broughton

Parmi les songwriters folk actuels, il y a ceux qui font dans le traditionnel, revisitant sans cesse l’efficace héritage laissé par Johnny Cash et Crosby, Stills, Nash And Young. Il est à l’inverse, des folkeux qui s’y refusent. Parmi eux, David Thomas Broughton.

Originaire du Yorkshire mais installé à Londres, le jeune homme suit depuis quelques années une carrière très éclectique. En 2005, il sort un EP du nom d’Anchovies et son premier album, The Complete Guide Of Insufficiency. Sir Broughton apparaît dans ces deux livraisons discographiques comme un personnage sensible au songwriting sombre. Sa voix grave et son jeu de guitare épuré nous transportent à travers de longs morceaux personnels et touchants. Sur scène, il est seul mais utilise une pédale « loop ». Elle lui permet d’enregistrer des morceaux de guitare ou de voix, de les lire en boucle et d’ajouter sur celles-ci de nouvelles notes.
David Thomas Broughton donne grâce à cet accessoire un aspect psychédélique à ses shows, ajoutant parfois même des sons de jeux vidéos. Ce psychédélisme on le retrouve dans sa collaboration en 2007 avec un orchestre de musique de chambre du nom de 7 Hertz. Ensemble, ils enregistrent un album dans une église (David Thomas Broughton vs. 7 Hertz). A l'exception des paroles, tout y est improvisé. Le résultat est très varié et difficile d’écoute. La même année, Broughton sort son deuxième album (It's In There Somewhere), une longue ballade Lo-Fi, elle aussi difficile d’accès mais musicalement très recherchée.

David Thomas Broughton nous revient, à ce jour, avec un troisième effort intitulé Outbreeding, sans doute son album le plus pop à ce jour. A l’écoute de River Lay, on pourrait penser que notre songwriter a changé de camp et rejoint (musicalement) son idole Bill Callahan : une guitare, une voix grave, des paroles dans lesquelles la nature est omniprésente et sert à exprimer les états d’âme du compositeur, une batterie (une première chez Broughton)... Cette idée ne disparaît pas complètement à l’écoute de la suite du disque mais des morceaux comme Potential Of Our Progeny ou Staying True nous rappellent à qui on a affaire.
Par ailleurs, des chansons de son précédent album apparaissent ici dans une version différente et plus pop, donc plus accessible. Nature, déjà découvert sur It's In There Somewhere dans un Lo-Fi hypnotique et planant, devient sur Outbreeding un tube pop que l'on imaginerait passer en radio... dommage. Même sentiment pour Ain't Got No Sole qui semble perdre de sa magie dans une version « trop produite » sur ce dernier album. La boîte à rythme qui s’y déchaînait en 2007 a complètement disparu. Les paroles sont audibles, mises en avant, pour donner naissance, au final, à un morceau changé du tout au tout.

Pour son troisième album, David Thomas Broughton se renouvelle une fois encore. Il laisse le folk expérimental derrière lui au profit d’une pop simple et plaisante (bien que sa voix puisse nécessiter un temps d’adaptation). The Complete Guide of Insufficiency et It's In There Somewhere avaient pour mérite de surprendre. Le premier par sa grande sensibilité et sa mélancolie profonde, le second par sa richesse musicale. Outbreeding se veut, lui, son album le plus produit. De nombreux points positifs du disque en découlent, comme une sublime contrebasse tout au long du disque ou le xylophone de Staying True, mais, au final, il en résulte un manque d’originalité profond. David Thomas Broughton reste un artiste à suivre, ne serait-ce que pour « observer » l’évolution prochaine de sa musique. On ne lui en voudra toutefois pas s’il lui prend l’idée d’un « retour aux sources », bien au contraire...