Chronique Album
Date de sortie : 24.10.2025
Label : Partisan Records
Rédigé par
Lena Inti, le 21 octobre 2025
« Nous étions juste là ». Just Mustard, irlandais de Dundalk, reviennent trois ans après leur splendide album Heart Under, à la fois si proches, bien installés dans le paysage musical irlandais, mais aussi si lointains, insaisissables.
Ils étaient juste là, un instant plus tôt, mais désormais il ne reste plus qu'une trace d'eux : du sable qui glisse entre nos doigts, qui crisse sous nos pieds, comme les guitares stridentes qui accompagnent les trois premiers titres de l'album. Le contraste est fort entre des sons agressifs de noise rock et la petite voix angélique de Katie Ball, sur ce nouveau disque qui sonne comme une lente explosion. Sur WE WERE JUST HERE, on retrouve l'identité du quintet, mais aussi des expérimentations électroniques comme sur le single qui a donné son nom à l'album, et qui semble décrire la personnalité fantomatique de la musique de Just Mustard.
Pourtant, sur ce titre, on peut ressentir une certaine lumière : la chanteuse cherchait à se mettre dans un état de joie et d'euphorie, ressenti physiquement, en écrivant les chansons de cet album. Les mélodies électroniques sont mises en avant, la voix se fait plus colorée, légèrement moins mélancolique. Mais peut-on réellement forcer la joie ? Est-ce que cela fonctionne ? C'est l'idée du tout premier single extrait de l'album, POLLYANNA : ce terme étrange évoque un optimisme à toute épreuve. Il vient directement du personnage de Pollyanna issu du roman éponyme de l'autrice américaine Eleanor H. Porter : une très jeune orpheline enchaînant les drames, jouant en permanence à trouver l'aspect positif dans toute situation malheureuse. Aujourd'hui, le mot est utilisé par les psychologues pour décrire le processus mental qui favorise les impressions et souvenirs positifs. Just Mustard, eux, se promènent toujours sur un fil. Oui, ils recherchent un état de joie et d'optimisme. Mais que se passe-t-il poussé à l'extrême ? Katie Ball a voulu explorer cet optimisme toxique.
Nous retrouvons donc sur ce disque deux aspects qui semblent chacun vouloir prendre le dessus : d'un côté, la lumière, et sa recherche ; de l'autre, une mélancolie latente, un univers « Lynchien » qui ne quitte pas la musique de Just Mustard. Le morceau final, OUT OF HEAVEN, évoque une chute depuis le paradis. Les voix, féminine et masculine, proches de la plainte, au milieu de sons électroniques qui se brouillent, se font de plus en plus métalliques et disparaissent peu à peu.
Les boucles de synthétiseur sur SOMEWHERE sont quant à elles plus lumineuses, le chant aussi. Une voix masculine rajoute une texture qui se fond dans des bruits électroniques et un riff grinçant de guitare qui se retire et puis revient, comme des vagues. DANDELION se démarque quant à lui par une rythmique plus rapide, à la batterie électronique, tandis que la voix plane, que les instruments baissent en intensité, respirent. THE STEPS pousse les effets sonores de guitare et d'écho pour en former une texture qui ressemble à celle du frottement du maillet sur un bol tibétain.
WE WERE JUST HERE mêle différentes textures, des guitares planantes qui crient comme sur ENDLESS DEATHLESS ou plus agressives au début de POLLYANNA, accompagnées par une rythmique rapide discrète, et le chant lent de Katie Ball, qui hante, et est davantage mis en avant qu'auparavant. On constate que Just Mustard ont agrandi l'amplitude de leur son : ils se sont d'ailleurs inspirés de divers lieux pour construire leur musique, des clubs ou des salles de concert. On ressent également l'influence de leur tournée en première partie de The Cure : le groupe nous offre, plus que jamais, des sons gigantesques qui nous enveloppent dans des nappes où la réalité se mêle avec le rêve, l'ombre et la mélancolie avec la lumière et un certain optimisme.
On peut sentir une transition dans la musique de Just Mustard : une tentative de sortir des sons plus électroniques, une musique lorgnant vers le trip-hop, mais sans se décider totalement. Une chose est sûre : il faut voir Just Mustard en concert pour appréhender au mieux leur musique et ses puissants murs sonores.