Chronique Album
Date de sortie : 30.01.2012
Label : Southern Fried Records
Rédigé par
Jeremy Leclerc, le 28 janvier 2012
Que dire d’un album hédoniste taillé pour les dancefloors lorsque l’on n’y met jamais les pieds (à jeun) ? Et bien pas grands choses si l’on n’aime pas la vodka-pomme ou le whisky-coca car un tel album n’a presque plus d’intérêt sorti de son contexte. Bande originale de vos futurs soirées clubbing, Be Strong est le premier album de Raf Rundell et Joe Goddard (du groupe électro-pop Hot Chip) sous la bannière de The 2 Bears. Bien qu’ils n’aient sorti que deux EPs jusqu’alors, les deux ours sont loin d’être des débutants dans le circuit puisqu’ils se sont formés en 2009 et officient sur la radio électro Ministry Of Sound.
Après une introduction de presque quatre minutes en mode jingle de pub pour des Miel Pops, ou pour un épisode des Teletubbies, on passe aux choses dites « sérieuses » avec Be Strong, un morceau qui semble sorti de la compilation La Plus grande discothèque du monde Volume 5. Ambiance années 90. La première chose qui saute aux oreilles c’est le manque de subtilité dans l’approche musicale, la faute aux samples cheap et à une créativité aux abonnés absents. C’est aussi plat que la poitrine d’une gamine de huit ans. De là à penser qu’il a été composé avec un logiciel Virtual DJ acheté en promo au supermarché du coin, il n’y a qu’un pas.
Le single Work ne fait pas vraiment mieux en reposant sur une mélodie de trois notes pendant quelques trois minutes, et comme il est de coutume dans ce genre de musique, les paroles tiennent sur un pansement Hansaplast : « on doit travailler, travailler plus, pour chacun d’entre nous, pour le futur, mon amour on doit travailler ». Nul doute que les conservateurs de tout poils apprécieront.
Alors oui, on effleure le ridicule du bout des doigts, mais après trois ou quatre verres, qui s’en soucie ? Le but manifeste des deux ours n’est pas de créer un traité de philosophie mais une œuvre résolument mainstream dont l’objectif est d’amuser les foules alcoolisés. Warm And Easy tombe à point nommé avec son ambiance à la Plastic Bleach de Gorillaz, et un rythme un peu plus lent histoire de respirer un peu. Malheureusement, on reprend vite le cours normal des choses avec ce rythme accéléré entendu des milliers de fois estampillé « attention il faut danser » qui martèlera pendant presque cinquante minutes.
« Et au milieu coule une rivière » serait-on tenté de dire à l’écoute de Faith, éloigné de ce que le duo nous a proposé jusqu’alors. Perdus entre les tourbillons de nappes brumeuses et des textures aqueuses, les samples parlés donnent du caractère à un morceau doux comme du velours qui tire incontestablement son épingle du jeu. Lorsque The 2 Bears jouent dans le registre de la douceur, ils réussissent de belles choses. Preuve en est ce Heart Of The Congos loin d’être désagréable. L’ambiance y est aérienne malgré un rythme élevé, et si les effets paraissaient froids et manquant cruellement de caractère en début d’album, il n’en est plus de même à présent. Le chant mélodieux caresse par moment l’oreille tandis qu’un saxophone résonne en arrière-plan, jaillissant lumineux tel un oiseau multicolore. Church conclut l’album sur la même note. Solennelle avec cet orgue tapie dans l’ombre qui laisse le premier rôle aux boucles électroniques et au chant de Raf Rundell. Des chœurs, quelques rires et un xylophone, ça en dégoulinerait presque de bons sentiments.
Que reste t-il une fois que tout s’arrête ? Honnêtement, pas grand chose. Cette musique se consomme immédiatement après ouverture car c’est une denrée rapidement périssable. On croirait avoir du sable qui nous glisse entre les mains, rien ne marque véritablement, rien ne reste, on profite juste de l’instant présent sans penser à la gueule de bois du lendemain.