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Kerala Dust

An Echo Of Love

Kerala Dust - An Echo Of Love
Chronique Album
Date de sortie : 22.08.2025
Label : [PIAS]
35
Rédigé par Adonis Didier, le 21 août 2025
Le désert. Quarante degrés le jour, moins vingt la nuit, et entre les deux un état quantique incertain et introverti qui n'ose pas franchement s'imposer, laissant à l'hôte de ces lieux la liberté de se forger sa propre interprétation. Un quart d'horloge fluide et non-binaire à la fois nuit et jour, froid et chaud, soleil et lune, homme et femme, parfois les deux en même temps et parfois rien du tout. Et au milieu de cette incertitude, une voiture, massive, pourpre, et un moteur qui gronde et excite les particules de sable sur des rythmes chamaniques et non-newtoniens. Sur les pédales des santiags, sur les santiags un pantalon en cuir assorti à la carrosserie, et par-dessus tout ça une moustache rousse, assortie à la couleur du ciel.

Au volant depuis près de dix ans, Edmund Kenny le chanteur-bidouilleur transporte avec lui Lawrence Howarth le guitariste, Timothy Gardner le claviériste, et Pascal Karier le batteur dans cette carlingue vibrante et hallucinogène trempée de la poussière du Kerala : Kerala Dust. Une muscle car bricolée à Londres autour de l'année 2016 qui navigue depuis entre Berlin et Zürich, l'état de droit naturel de sa musique électronique, bluesy et trip-hop, bien loin de l'aridité des étendues américaines qu'elle évoque. Une formule musicale dont l'apogée restera sans doute pour toujours Violet Drive, le deuxième album du groupe sorti en 2023, un monument du genre, une quasi-perfection que ce nouvel opus nommé An Echo Of Love ne fera qu'effleurer à chaque fois qu'il essayera d'y coller. Echoes of Grace lance ainsi une première partie d'album qui, plus qu'un écho d'amour, est un écho de Violet Drive, perdu dans un crépuscule aux couleurs ternes et répétitives en comparaison de son original. Un constat dur à encaisser quand toutes les chansons sont objectivement bonnes, mais voilà le lot de tout groupe qui porte la lourde charge de s'y remettre après avoir sorti un chef d'œuvre.

Un constat sans appel au bord de la départementale, mais les quatre garçons dans le désert ont une bonne assurance nommée Eden To Eden, un blues parmi les cactus et les virevoltants qui sort les guitares du coffre et renoue avec un son brut, déshabillé de ses gadgets électroniques. Parce qu'une très bonne chanson d'électro-house est avant tout une très bonne chanson, il en fallait bien encore quelques-unes à ce nouvel album pour se rappeler du dicton, et par la même se sortir définitivement de l'ombre de son trop imposant aîné. I Remember You A Dancer prend le contrepied total de Eden To Eden et part directement en boîte une fois arrivé à Los Angeles : exit les guitares, exit le blues, place à la fête, place aux boîtes à rythme et aux boucles électro enchaînées sous ecstasy dans un hangar jusqu'à onze heures du matin.

Tout ce qu'il fallait à Edmund et ses potes pour se vider la tête et repartir sur des bases saines. Le soleil éblouit haut dans le ciel, le vent souffle frais et iodé depuis la côte, et Down In The Night (Pt. II) profite de l'après-midi dans l'écho des mouettes pour se réécouter le 10000Hz Legend de Air. Une des meilleures chansons de Air, pas faites par Air, comme ça l'air de rien, et la fin du voyage dans la baie accoudé au piano à l'étage d'un restaurant de fruits de mer. Timothy en queue de pie devant quatre-vingt-huit touches, Lawrence qui se mord la lèvre en tirant sur ses cordes, et Edmund qui croone entre les tables comme Alex Turner, The Bay verse une rivière de diamants et de gin sur les plateaux de homards pour conclure la mue nécessaire et suffisante du crotale Kerala Dust.

D'un serpent du désert à un gentleman de la côte, il n'y a qu'un pas, deux milles kilomètres, et une dizaine de chansons regroupées sur l'inégal mais qualitatif An Echo Of Love, troisième album des londono-zuricho-berlinois de Kerala Dust. Une promesse pour l'avenir, une poussière poivrée projetée par les dérapages de cinq cents chevaux au galop sur la route de la plage, et dans le ciel sucré d'un couchant fluide et fier de l'être, la fumée sablonneuse dessine quatre mots en forme de beignet fourré à la cerise : « ich bin ein Berliner ! ».
tracklisting
    01. Echoes Of Grace
  • 02. How The Light Gets In
  • 03. Bell
  • 04. The Orb, TX
  • 05. Eden To Eden
  • 06. Love In The Underground
  • 07. Beyond The Pale
  • 08. I Remember You A Dancer
  • 09. Down with the Night (Pt. II)
  • 10. The Bay
titres conseillés
    Eden To Eden - Down With The Night (Pt. II) - The Bay
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