Chronique Album
Date de sortie : 03.02.2014
Label : Virgin EMI
Rédigé par
Xavier Turlot, le 31 janvier 2014
Ça y est. Après une série de singles, EPs, vidéo clips et teasers qui n’en finissait plus , le trio de Bath The Family Rain sort son premier album : Under The Volcano. L’industrie musicale en évolution impose ce genre de démarches et, il faut le dire, amoindrit quand même la puissance et la fraîcheur propres aux premiers disques des meilleurs groupes. Sur les dix morceaux qui composent l’opus, sept sont déjà sortis de par le passé... Tout ce que l’on pouvait attendre des frères Walter en ce début février, c’était un parachèvement, une affirmation un peu plus complète de personnalité et de talent. Et nous n’avons pas été déçus.
Démarche appréciable, les trois Anglais ont posté via le NME chacune de leurs chansons en les présentant brièvement, expliquant les titres, les influences et les conditions de composition. Une manière de démystifier le star-system. Et pour cause, ils semblent très loin des prises de tête et du manque d’humour ou de recul que l’on pourrait reprocher à beaucoup. Vivant encore officiellement chez leur mère, la dernière génération Walter a approché la musique de manière très méthodique : Ollie s’étant mis à la guitare parce que c’est « l’instrument cool », William et Timothy ont hérité de la basse et de la batterie. Dans une fratrie, la complicité va sans dire, et leur processus d’écriture est démocratique : si deux votent contre, l’idée est abandonnée. Il en résulte des riffs assassins, d’une limpidité totale, et des parties de chant fulgurantes, à la croisée du blues, du rock et de la brit-pop la plus brillante.
Les trois garçons semblent absolutistes en matière d’arrangements, et le mixage a privilégié le côté brut sans sophistication. Peu d’effets, pas d’électronique, des structures séculaires : si une chanson est bonne, elle se suffit à elle-même. Ils ont opté pour une absence de temps morts et de pause dans l’album, si l'on fait abstraction de Don’t Waste Your Time On Me et son début en retenue plaintive et fragile, mais qui finit par contre dans une orgie de guitare distordue.
La puissance de feu qu’ils déploient en concert est quasi intacte : chœurs, cris, basse saturée, guitare capable d’alterner entre funk et punk toutes les dix secondes... La structure rythmique de Trust Me... I'm A Genius, qu’ils disent avoir reprise de Still D.R.E, est absolument parfaite et attrape l’oreille en une fraction de seconde. Les ronflements de basse s’intercalent à la perfection dans le motif de la batterie, puissante et subtile à la fois, amenant vers un solo débraillé aussi efficace qu’évident.
Rythme plus syncopé sur Carnival, impact blues encore plus assumé sur Reason To Die (dont le nom a été inspiré par le disque Ready To Die de Notorious BIG, décidément ils ont un rapport assez régulier avec le hip-hop), une couleur plus bucolique et country sur Binocular, qui pourtant évolue vers une pop naïve que n’auraient pas renié Oasis ou les Beatles... La clairvoyance est omniprésente, et la musique de The Family Rain a la particularité des plus belles partitions de la musique britannique : être totalement cohérente en mélangeant des ambiances variées. On rappellera le ravage absolu de la tornade Feel Better (FRANK) qui fera trembler même les âmes les moins sensibles avec ce refrain diabolique qui conjugue violence et beauté.
Et pour les morceaux inédits ? Nous avons Oh My Back, qui traite de l’obsession qu’ont les gens pour la musique, et qui fait tout pour empirer les choses avec ce chant lumineux, cette voix qui dit le plus vite possible tout ce qu’elle a à dire, s’envolant appuyée par des chœurs exemplaires dans un refrain sans faute. To Get Her, qui ne parvient pas à rester calme très longtemps et bascule dans un rock catchy censé être inspiré des Strokes (effectivement la parenté est là). L’ultime piste de Under The Volcano, All The Best, qui confirme le rôle prépondérant des chœurs - encore rondement exécutés - et arbore une atmosphère plus sensible, sans riffs cisailleurs, que les frères Walter ont dit avoir élaborée pour laisser les auditeurs pourvoir espérer n’importe quelle évolution future. La guitare acoustique n’aura quand même pas beaucoup de place, vite supplantée par une coulée incandescente de saturation et de cymbales qui accompagne le dernier refrain dans sa grandeur.
En à peine plus d’une année, ces trois jeunes anglais ont réussi à rassembler les dix constituants d’un disque auquel on ne peut rien redire. Ils ne sont pas trop jeunes, ils ne manquent pas de maturité musicale, ils ne vont pas trop vite et ne succombent pas à une mode. Ils sont habités par un talent déstabilisant et se sont fait submerger par leur passion.