David Gilmour

D'abord, on croit à une plaisanterie, puis, à une parodie... et puis on se rend à l'évidence, David Gilmour a bien intégré, au titre éponyme de son nouvel album, Rattle That Lock, le jingle si connu de la SNCF ! Ce « jingle cover », créé par Michaël Boumendil qui a collaboré à l'écriture du titre – raison pour laquelle ce dernier apparaît comme le co-auteur de la musique, aux côtés de David Gilmour – a fait le tour de la blogosphère et des médias, bien avant sa sortie officielle. A grand renfort de plan média payé par la SNCF qui, dès l'été dernier, conviait des voyageurs triés sur le volet à un Paris-Orange en première classe, casques bluetooth vissés sur les oreilles, pour une écoute de la dernière livraison d'un David Gilmour dont l'amour du jingle ferroviaire fut enclenchée, à l'en croire, en gare TGV d'Aix-en-Provence.
Le titre, Rattle That Lock était d'ailleurs gentiment offert sur le site de la SNCF, en téléchargement gratuit... A croire que David Gilmour a trouvé là, un nouveau mode de marketing buzz pour faire vendre son quatrième album solo. Et ça marche puisque Rattle That Lock mène apparemment un train d'enfer dans les charts anglais et français puisqu'il se place devant Maître Gims, Lana Del Rey et Justin Bieber...

Passé le classique instrumental d'ouverture, 5 A.M et sa guitare larmoyante, suivi donc de la locomotive de l'album, Rattle That Lock, on retrouve quelques ingrédients dont l'actuel Pink Floyd garde le secret : des introspections aux cordes de guitare pincées, toujours planantes ; des pianos nostalgiques (A Boat Lies Waiting) saupoudrés de bruits de bord de mer et de voix pré enregistrées (on ne change pas une équipe qui gagne, depuis The Dark Side Of The Moon), comme pour mieux entériner une marque qu'il a gagnée au forceps et même quelques sifflotements en ouverture de titre à grande profondeur d'âme, essayant de garder la main sur ce fonds de commerce qui dépérit tranquillement, année après année...
Avec un hommage rendu à Richard Wright, ancien claviériste de Pink Floyd décédé en 2008 (sur le titre, A Boat Lies Waiting), Graham Nash et David Crosby figurant sur la liste des musiciens invités et Polly Samson (sa compagne) pour l'écriture des textes, David Gilmour s'offre la caution béton qui marque le savoir-faire d'un ex héro du rock anglais.

Co-produit par Phil Manzanera, ancien guitariste de Roxy Music, Rattle That Lock est un nouveau pavé de trois tonnes jeté dans la marre, bientôt asséchée, du glorieux passé du guitariste qui, un jour de 1969, s'est vu offrir une demie place de Syd Barret dans le plus célèbre collectif de prog rock que la terre ait porté. Bien sûr, un nouvel album de David Gilmour ne rime pas obligatoirement avec rock progressif (il l'a déjà prouvé) et il n'est pas le dépositaire exclusif du style, Pink Floyd – il l'a d'ailleurs déclaré récemment : « Je ne me sens plus lié à Pink Floyd ».
Que celles et ceux qui recherchent un frisson cosmique passent donc leur chemin. Rattle That Lock est un disque mélancolique non dénué de talent, mais un peu fourre-tout qui s'écoute en lisant ou en conduisant sur une route fréquentée, là où la concentration au volant doit être à son maximum et l'attention musicale, à son minimum.