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Florence + The Machine

Everybody Scream

Florence + The Machine - Everybody Scream
Chronique Album
Date de sortie : 31.10.2025
Label : Polydor
45
Rédigé par Bertrand Corbaton, le 6 novembre 2025
Florence Welch était plutôt discrète ces derniers temps, si l'on excepte quelques apparitions en duo et surtout sa performance remarquée, et remarquable aux BBC Proms, où elle revisitait son répertoire avec un orchestre symphonique. Une prestation qui, s'il en était encore besoin, rappelait l'ampleur de sa puissance scénique. Mais ces derniers mois, il était surtout question pour elle de se recentrer sur sa propre création, pour faire naître Everybody Scream. Produit par Mark Bowen (IDLES), avec un Aaron Dessner (The National) jamais bien loin, l'album est présenté comme le plus viscéral et confessionnel de Florence Welch. Les thèmes du traumatisme, des marques du temps, de la métamorphose, cette fameuse chrysalide, en sont les fils conducteurs. L'ensemble dessine un disque aux contours mystiques, souvent sombres, parfois douloureux.

Depuis Dance Fever (2022), Florence Welch a traversé une série d'épreuves personnelles qui ont profondément affecté sa santé et sa vie intime. Ces événements, une opération chirurgicale d'urgence ou une grossesse extra-utérine, nourrissent la noirceur de Everybody Scream et lui donnent sa sève cathartique. L'album oscille entre pulsions explosives et réflexions introspectives. Ce sont d'ailleurs peut-être là ses moments les plus forts, à l'image du magnifique Perfume And Milk, où affleure la fragilité d'un corps qui lâche, ou de One Of The Greats, plus frontal. Parfois, les intentions sont si épurées qu'on en est presque surpris. Florence Welch nous offre alors des morceaux dépouillés, où une guitare seule, ou presque, soutient son chant toujours aussi virevoltant. Buckle en est un bel exemple : il décolle avec une subtilité presque imperceptible, sans jamais ennuyer.


Avec The Old Religion, c'est la face sombre de l'album qui est explorée. Il y est question de confrontation avec le néant, de perte, de tentative de réenchanter un monde désormais dépeuplé. Les notes de piano et la montée musicale progressive y sont absolument bouleversantes. Ce morceau fait écho à Drink Deep, autre pièce remarquable, qui évoque une forme de résilience organique : celle d'un corps submergé par la douleur mais pourtant encore debout.
Il faudra parfois s'accrocher pour apprivoiser les compositions plus alambiquées de Florence Welch, comme Sympathy Magic, insaisissable à la première écoute, mais captivante par son exploration de la force féminine, un thème également développé dans Witch Dance. Mais Everybody Scream est avant tout un récit de renaissance, après le cabossage, la désintégration physique et mentale. Le titre éponyme en est la synthèse : un volcan qui se réveille après des années de doute. Kraken joue dans la même cour, libérant les monstres intérieurs avec une intensité brute.

La fin de l'album semble nous extraire de cette ambiance ambivalente, entre face-à-face avec la mort et pulsion de vie. Music By Men, ballade poignante, et You Can Have It All sont des satires sociales qui réaffirment la puissance féministe du propos de Florence Welch. Ces deux titres sont une parenthèse assez surprenante dans l'album, puisque And Love revient sur le propos initial. Cette petite pièce fragile est un instant suspendu de résilience et d'acceptation, comme une lueur de sérénité après le chaos. Il clôture un album remarquable d'une artiste majeure de son époque.


Car si Florence Welch semble surgir d'un monde parallèle, en étant peut-être l'artiste la plus mainstream de la scène underground, sa volonté de rester sauvage, de ne jamais céder à la facilité, fait de sa discographie et de Everybody Scream un monde ou rien n'est figé, ou tout est appelle à l'exigence. Ici encore, Elle refuse les lieux communs et reste insaisissable.
Sa voix si singulière, son esthétique suspendue entre baroque et organique, font que ce nouvel effort ne convaincra sans doute pas ceux qui restent réfractaires à son approche. Pour les autres, difficile de ne pas succomber une nouvelle fois à la touche unique d'une artiste décidément à part. Car si Everybody Scream peut parfois se montrer râpeux , par sa noirceur ou la densité de ses compositions, il ne faut pas s'en laisser impressionner. Il faut revenir, apprivoiser ses aspérités, et se laisser happer par la puissance qui s'en dégage.

En dépit de son caractère intime, de son aspect moins physique et explosif, Everybody Scream est peut-être l'album le plus dense que Florence + The Machine ait sorti jusqu'ici, il est en tous cas une des pièces majeures de sa discographie.
tracklisting
    01. EVERYBODY SCREAM
  • 02. ONE OF THE GREATS
  • 03. WITCH DANCE
  • 04. SYMPATHY MAGIC
  • 05. PERFUME AND MILK
  • 06. BUCKLE
  • 07. KRAKEN
  • 08. THE OLD RELIGION
  • 09. DRINK DEEP
  • 10. MUSIC BY MEN
  • 11. YOU CAN HAVE IT ALL
  • 12. AND LOVE
titres conseillés
    ONE OF THE GREATS, PERFUME AND MILK, THE OLD RELIGION
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